Village de la Justice www.village-justice.com

Justice pour les experts d’Outreau. Par Marie-Christine Gryson-Dejehansart.
Parution : vendredi 17 janvier 2014
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/remuneration-experts-psychologues,15974.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Dix ans après l’affaire d’Outreau, les experts psychologues des enfants, dont je fais partie, sont encore sur la sellette, notamment lorsque deux articles récents, celui du Figaro et Nice-Matin laissent croire que nous serions responsables du blocage de l’évolution de l’indécente rémunération des psychologues-experts, alors qu’en réalité, l’on déplore l’indignité de nos tarifications depuis près de 40 ans. Force est de constater que ce discrédit perdure à cause des réactivations régulières et sans pédagogie des contre-vérités et caricatures utilisées stratégiquement par les avocats de la Défense durant les procès d’Outreau.

Comment ce discrédit peut-il être fondé eu égard aux verdicts de ces mêmes procès alors que 12 enfants dont nous avons validé la parole et le traumatisme, ont été reconnus par la Justice victimes de viols, agressions sexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme [1] ? Il s’avère indispensable de clarifier les données relevant des expertises afin de lever au moins une petite partie de cette forme d’obscurantisme qui s’est abattu sur cet événement dramatique qui a déstabilisé la Justice et toute la société. On peut espérer que le lecteur fera ensuite la démarche de se ré-informer sur cette affaire dont la contradictoire n’a jamais été relayé par les médias.

La ré-information sur l’affaire qui a démarré avec la publication en 2009 de mon ouvrage « Outreau la vérité abusée », a pourtant permis l’investissement de deux grands journalistes d’investigation avec la réalisation du film documentaire « Outreau l’autre vérité » en 2013 de Serge Garde [2] et la contre-enquête de Jacques Thomet [3] la même année - et rien à faire, le mal persiste, la désinformation condamne toujours les experts. Je prendrai donc un style plus direct pour démentir les topiques - issus d’une rhétorique perverse - qui ont le mieux fonctionné au plan des reprises médiatiques :

- NON : il ne se s’agissait pas des expertises des enfants d’Outreau quand le Professeur Jean-Luc Viaux a évoqué des expertises de femmes de ménage (cf Hors contexte).

- NON : je n’étais pas à la tête d’une association de Défense des enfants et je n’y ai pas suivi en thérapie les enfants d’Outreau que j’avais expertisés, je n’étais donc pas en conflit d’intérêt. (cf Contre-vérités)..

- Non : je n’ai pas été disqualifiée en encore moins récusée par le Président des Assises durant le procès de Saint Omer (cf contre-vérités).

- NON : nous n’avons pas accrédité aveuglément les dires des enfants prétendument imaginaires. Non je n’utilisais pas la « méthode du clignement d’Yeux » (Invention de Eric Dupond-Moretti) pour repérer les victimes. Non l’image de « la musaraigne à grosse queue » tirée d’un test proposé par Christine Condamin-Pouvelle, Docteur en Psychologie, n’a pas accrédité les viols des enfants (cf caricatures lamentables).

Avant de démontrer la fausseté de ces assertions qui font des experts les boucs émissaires désignés juste après Fabrice Burgaud, je rappellerai le contexte avec une autre perspective qui parle non plus aux émotions mais à la raison :

Rappelons-nous l’emballement médiatique et l’anesthésie traumatique des images passées en boucles des larmes des accusés et qui sont devenues des « pièges à conviction » lors des procès télé-réalité (quand on souffre, on est victime donc on ne peut être coupable). Elles étaient associées ces images à une injonction d’identification « cela peut vous arriver à tous » qui a fait trembler la France entière. Il y a eu très vite notre mise au pilori par la Commission Parlementaire médiatisée au détriment de la commission d’enquête de l’Inspection des Services judiciaire qui nous réhabilitait suite à un travail plus serein et plus objectif de l’examen du dossier.

Le storytelling d’Outreau s’est installé sur le prétendu mensonge des enfants carencés et il prospère dans tous les milieux. Ce qui motive notre résistance sans faille, c’est que ce storytelling d’Outreau qui n’est pas la vérité judiciaire des victimes d’Outreau, a provoqué une régression majeure de la protection des enfants en général et surtout en matière de pédophilie. Le décryptage de ce qui est une véritable mystification se trouve dans mon ouvrage publié en 2009. J’étais la seule parmi les 8 experts psychologues à pouvoir le faire, exerçant en Cabinet Libéral et étant donc libre de toute dépendance hiérarchique. Aujourd’hui la situation est la même, c’est pourquoi de nouveau je parle au nom de mes collègues et je dis NON aux contre-vérités et caricatures sans cesse réactualisées parfois sans malice, pour la nécessité du maintien de ce storytelling, nécessaire pour de nombreuses raisons et efficace parce que fédérateur et protecteur.

- NON : il ne s’agissait pas des expertises des enfants d’Outreau quand le Professeur Jean-Luc Viaux a évoqué des expertises de femmes de ménage .

Lorsque Jean-Luc Viaux a été pressé de questions par les journalistes sur les conditions d’expertise et la rémunération des experts à la sortie du procès en appel à Paris où il avait été malmené des heures durant, cet ancien Président du Syndicat des Psychologues a lâché cette phrase malheureuse : « Tant que la Justice paiera des experts comme des femmes de ménage, elle aura des expertises de femmes de ménage ». Cette phrase a été retirée du contexte de l’interview et repassée isolément en boucle avec des commentaires qui attribuaient ce qualificatif aux expertises d’Outreau ce qui n’était pas le cas. Il s’agissait d’un commentaire relatif aux travaux de la commission Viout sur la parole de l’enfant, installée à la demande du Ministre Garde des Sceaux entre les deux procès d’Outreau. Notons que l’objet de cette commission portait en soi de manière paradoxale la remise ne cause des experts alors que tous les enfants avaient été reconnus victimes par le verdict des assises de Saint-Omer. Que les personnes dont ils évoquaient les noms [4] lors de la reviviscence des viols en réunion aient été condamnées ou non, la question n’est pas là. Le travail de l’expert ne se situait pas au niveau de leur identification.

Cette phrase a donc été coupée de son contexte et repassée en boucle sur toutes les télévisions, elle est devenue l’aveu prétendu de l’insuffisance des expertises d’Outreau, ce qui n’est pas le cas !

Jean-Luc Viaux, convoqué par l’institution judiciaire, s’en est expliqué devant les magistrats de la Cour d’Appel de Rouen [5] réunie en commission disciplinaire en date du 22 Mai 2006.

Il a été bien entendu précisé qu’il ne parlait pas des expertises d’Outreau dont cette même assemblée a estimé « qu’elles étaient particulièrement fouillées et individualisées et qu’elles ne laissaient aucun doute sur les recherches approfondies des deux experts » (Jean-Luc Viaux et Marie-Christine Gryson-Dejehansart).

Il y avait dans cette identification à l’agresseur de l’expert maltraité, harcelé par 17 avocats, un vécu d’épuisement de 30 ans : autant de travail, de dévouement désintéressé, autant de stress et de harcèlement devant une Cour d’assises et par les médias alors que le dédommagement est insignifiant, il y a de quoi rendre son tablier ! Et malgré toute cette absence de reconnaissance du travail et du haut niveau de compétence des psychologues (au minimum un Master II et de nombreuses spécialisations) le travail de qualité est la règle en matière de Justice, à de rares exceptions. La Compagnie Nationale des Experts Psychologues ( CNEPSY) dit en avoir éloigné les dilettantes.

Or l’article de Nice Matin en date du 1er janvier 2014 qui titre « Peut-on avoir des expertises de qualité en sous payant les experts ? » évoque comme de bien entendu cet épisode sur les femmes de ménage en argumentation de la difficulté de l’action actuelle des experts psychologues pour négocier avec le Ministère une meilleure rétribution de leur travail.

Ce qui est choquant, c’est le lien établi entre qualité et rémunération. Il n’est aucunement évoqué la motivation qui pousse les experts psychologues à persister dans cette fonction qui concerne - en plus de l’aspect honorifique - la gratification éthique de participer à l’œuvre de Justice. Christine Condamin-Pouvelle l’a précisé très justement lors de son audition devant la Commission parlementaire [6]

C’est tout à l’honneur de l’expert psychologue qui ne travaille pas par intérêt, on ne le dit pas assez, mais qui doit obtenir une juste rémunération ne serait-ce que pour l’estime de soi et celle du public.
Et c’est uniquement par manque de temps si parfois la forme est plus artisanale et le fond n’en souffre pas (expertise manuscrite) ce qui arrive chez l’expert qui ne dispose pas de la logistique d’un service ou d’une institution.

En réalité, c’est la demande, ou l’absence de demande des magistrats qui objective la qualité du travail. Les experts psychologues qui ont acquis une certaine réputation de compétence et de sérieux sont submergés par les ordonnances de missions. C’était mon cas lorsque Fabrice Burgaud m’a missionnée sur les conseils de ses pairs, car j’avais l’expérience de 600 expertises d’enfants victimes avérées à mon actif.

Les magistrats ont certes la capacité de juger de la qualité de l’apport des expertises au niveau de leur dossier, mais aussi au niveau de la prestation du professionnel lors des procès par le retour des Présidents d’assises. Ils sont aussi renseignés par les activités d’enseignement de l’expert et en particulier lorsque celui-ci intervient au niveau de leur formation continue, comme c’était mon cas et celui d’un certain nombre de mes collègues experts à Outreau.

- NON : je n’étais pas à la tête d’une association de Défense des enfants et je n’y ai pas suivi en thérapie les enfants d’Outreau que j’avais expertisés.

Il va de soi que je représentais un obstacle majeur pour les avocats de la défense [7], étant « reconnue et appréciée » comme l’a dit Fabrice Burgaud à la Commission parlementaire pour justifier son choix. Par ailleurs, j’avais examiné l’ensemble des enfants au plus près des faits et le stress post traumatique était encore très significatif tant au niveau clinique que projectif.

Il fallait donc pour la Défense trouver un angle d’attaque pour me disqualifier au plan humain, une attaque ad hominem comme on dit, afin de neutraliser mon travail.

C’est ma fonction de Présidente d’une association loi 1901 qui a été stigmatisée injustement par la Défense en la personne de Me Franck Berton afin d’atteindre cet objectif.

L’association que j’avais créée en 2000 « Balise la vie » [8] n’était pas une association de défense des enfants bien entendu et elle ne pouvait en rien se porter partie civile. Elle réunissait les professionnels qu’ils soient magistrats, médecins, experts psychiatre ou psychologues, travailleurs sociaux, avocats etc... afin de travailler ensemble autour la prévention, la thérapie et sur la formation et la recherche autour du traumatisme des agressions sexuelles à une époque où ce champ d’étude était encore très nouveau. Cette association permettait d’effectuer gratuitement des thérapies de victimes et des groupes de paroles des familles. Ce qui était satisfaisant au plan éthique et formateur au plan déontologique. En effet, connaitre l’évolution du traumatisme d’une victime lors de sa thérapie est très formateur et cela permet de mieux l’analyser à l’instant T au moment de l’expertise. On a pu également constater les allées et venues de la mémoire traumatique et l’existence de rétractations par re-fermeture psychique nécessaire à la reconstruction, et ce, chez les victimes avérées. Ce qui était fondamental pour tout expert qui pouvait toutefois constater la persistance des indices spécifiques au niveau des tests projectifs lors des expertises.

Les prises en charge d’abuseurs en revanche, se faisaient à mon Cabinet de Psychologie, le règlement financier faisant partie de la thérapie. Ce n’est pas le cas des victimes qui bien souvent n’ont pas les moyens de financer leur thérapie ou sont très choquées de devoir le faire.

On pourra facilement comprendre ma révolte lorsque l’on saura qu’au procès de Saint-Omer où toutes les valeurs étaient inversées, (les enfants installés dans le box des accusés) où la rhétorique perverse avait projeté la culpabilité sur les professionnels, il a été soutenu avec force par Me Berton que j’étais partiale du fait de cette activité associative. Pire, il a été dit avec colère et indignation feinte, que j’étais en conflit d’intérêt parce que je suivais en thérapie les victimes d’Outreau que j’avais examinés en expertise (FAUX) alors que le Conseil Général - à l’origine des subventions minuscules - était tuteur légal des enfants. Mes dénégations ont été étouffées dans un crescendo de colère indigné du sieur Berton qu’il a parachevé par une injure « Vous êtes une personne malhonnête ». Les médias par peur du procès n’ont pas osé la reproduire, en revanche, ses contre-vérités ont été relayées comme des acquis de ses prétendues découvertes, dont il dit encore aujourd’hui en être très fier !

C’en était trop, je n’avais pas réussi à déposer sereinement du fait de la bronca organisé par les 17 avocats de la défense, je ne pouvais pas accepter l’injure que je n’ai pas fait notifier malheureusement compte tenu du choc provoqué. Je ne suis pas revenue pour la suite de mes 11 autres dépositions du procès, n’étant plus audible, le Président consulté m’a assuré qu’il lirait mes conclusions à réception de mon certificat médical tout en m’assurant de sa totale confiance en mon travail qu’il connaissait bien depuis de nombreuses années.

- Non ! le président des Assises ne m’a pas disqualifiée encore moins récusée durant le procès de Saint-Omer.

En mon absence, la défense a réitéré ses fausses allégations de prise en charge en thérapie des enfants d’Outreau dans une association de défense des enfants dont j’étais la Présidente. Ma récusation a donc été demandée. Les médias ont enregistré cette demande de récusation comme un acquis définitif alors qu’il n’en était rien.

Or le Président des assises Jean-Claude Monier qui ne pouvait vérifier sur l’heure la teneur des prétendus conflits désintérêt a choisi non pas de me récuser [Voir cet article dans la semaine dans le Boulonais] mais de nommer 5 nouveaux experts psychologues qui ont tous confirmé mes conclusions. Leurs avis n’ont pas été relayés... 7 boucs émissaires, cela ne pouvait fonctionner !

Le Directeur de l’Enfance du Conseil Général du Pas-de-Calais à écrit un démenti rétablissant la vérité], communiqué envoyé à l’AFP … qui ne l’a jamais publié !

La commission d’enquête de la Commission parlementaire n’a tenu aucun compte de mes explications et elle a écrit dans son rapport que j’ai été récusée. Le député Houillon a accepté de corriger cette erreur [9] mais tout en prévenant que cela serait fort difficile… j’attends toujours !

En revanche la commission d’enquête de l’Inspection des services judiciaires a réhabilité mon impartialité. [10]

Voilà donc comment la Défense d’Outreau est parvenue avec des contre-vérités à transformer le Bien en Mal... dans une rhérorique perverse ( de Per-vetere, inverser ) et tout à l’avenant, pendant et après les procès d’Outreau.

- NON : nous n’avons pas accrédité aveuglément les dires des enfants prétendument imaginaires. Non, je n’utilisais pas la méthode du clignement d’Yeux pour repérer les victimes. Non L’image de la musaraigne à grosse queue tirée d’un test proposé par Christine Condamin Docteur en Psychologie n’a pas accrédité les viols des enfants.

Nous avons traité les contre-vérités « simples » Voyons ce qu’il en est des contre-vérités assorties de caricatures à présent :

L’autre ténor du barreau présent à Outreau est surnommé Acquitator ou l’ogre des assises, c’était bien lui qui était à la tête d’une armée de 17 avocats alors que les avocats des enfants n’étaient que 2... Il s’agit d’Eric Dupon-Moretti vous l’aurez reconnu. Célèbre pour ses 120 acquittements, qui ont laissé sans doute au bord de la route nombre de victimes qui avaient affronté les affres du parcours judiciaire. Étrangement il n’est jamais demandé comme à Outreau, que les 120 magistrats instructeurs soient, comme Fabrice Burgaud, mis au pilori d’une commission parlementaire, or les accusés acquittés ont fait également des années de préventive. Lors du procès de Pierrot le fou, il y a eu 16 acquittements... aucune réaction des médias, Eric Dupond-Moretti n’y était pas. Lors de ces procès, les experts qui ont authentifié le statut des victimes, n’ont jamais été trainés dans la boue comme nous l’avons été. Pourquoi ? Je laisse au lecteur le soin d’y réfléchir et de déposer ses idées après cet article.

Cet avocat est très fort, il l’a prouvé. Sa botte secrète à lui, c’est d’instrumentaliser sa méconnaissance de la psychologie et sa parfaite ignorance de la victimologie qu’il doit entretenir par une surdité sélective - peut-être inconsciente - très opérationnelle, tant il a entendu nombre d’experts parler de leur méthodologie et de la souffrance des victimes aux procès d’assises. Il peut de la sorte caricaturer notre travail et tirer d’une réponse à un test, en l’occurrence le test du Rorschach sur lequel Christine Condamin travaille depuis 25 ans, et faire croire que cette Maître de Conférences accrédite de la sorte le statut de victime d’un enfant. Plus c’est invraisemblable plus cela passe lorsque le travail de sape a déjà mis à terre la réputation de sérieux des experts psychologues.

C’est toujours grâce à son ignorance instrumentalisée que dans son ouvrage « Bête Noire » il donne mon nom et il prétend que j’aurais utilisé la méthode du « clignement d’yeux » pour accréditer la version des enfants victimes. Il cite l’EMDR (Eyes mouvements Desensitization and Reprocessing)) qui est n’est en rien une méthode de test, mais en réalité un moyen thérapeutique efficace pour les soigner les traumatismes, thérapie que j’avais recommandée comme demandé dans la mission. J’ai écrit deux articles à ce sujet et je me permets d’y renvoyer le lecteur :

Outreau : Eric Dupond-Moretti tue les Experts comme jadis on tuait les messagers.

Affaire d’Outreau : Eric Dupond-Moretti et le "clignement d’ yeux" : une invention abracadabrantesque !

Il sait parfaitement que je ne peux déposer plainte, car si tel avait été le cas, il aurait argué de la commission d’une erreur d’interprétation du non spécialiste... tout simplement. Le fait que cela ridiculise le travail de l’expert ne pourrait donc lui être imputé comme relevant de la diffamation. C’est effectivement ce que m’ont dit les avocats et magistrats consultés à ce sujet.

Sous le titre : « Les experts Psychologues les parents pauvres de la Justice » l’article de Stéphane Durand-Soufflant dans le Figaro en date du 1er Décembre 2013, fait également état des actions actuelles des collègues de la Compagnie Nationale des Experts Psychologues (CNEP) dont je fais partie, qui se feraient donc mal entendre pour la raison que les experts d’Outreau auraient « accrédité aveuglément les dires des enfants... ». Il reprend bien par ce terme d’aveuglement cette idée stupide du clignement d’yeux d’autant que c’est lui qui a co-écrit avec Eric Dupond-Moretti cet ouvrage « Bête Noire » dans lequel il en est question.

On est dans la droite ligne de la partialité de Florence Aubenas qui me qualifiait d’hypnologue. Rappelons qu’elle avait eu les « bonnes feuilles » du dossier sélectionnées par la Défense 6 mois avant le procès. La Commission Parlementaire lui a reproché d’avoir violé le secret de l’Instruction, ce qui est pénalement répréhensible, pourtant son aura n’en a pas été assombrie.

La notion de l’impartialité de Durand-Soufflant en tant que chroniqueur judiciaire au sujet de cette affaire d’Outreau ne pose plus question désormais.

Il ne s’est pas privé de mentionner également « les expertises de femme de ménage » réactualisant une fois de plus dans son article, avec ce qui précède sur notre « aveuglement », les éléments de discrédit des deux premiers experts. Bien que je sois reconnaissable pour les collègues et les magistrats dans sa désignation, même s’il ne me cite pas nominativement, il sait bien que je ne peux pas non plus demander un droit de réponse eu égard à ma qualité non repérable pour le lecteur Lambda, comme il me l’a assuré lorsque je l’ai averti de mes intentions.

Nous les ré-informateurs - et non pas les révisionnistes - n’obtenons jamais ce droit de réponse ou s’il est accepté il n’est pas publié (cf l’article de Sophie des Désert dans le Nouvel Observateur). Ce terme repoussoir de révisionniste est la stratégie perverse par excellence qui parachève l’étouffement du contradictoire. Personne ne se pose la question pourtant de savoir quel lien existe entre le fait de faire savoir que la version des enfants et des professionnels n’a pas été entendue et la négation de la déportation des juifs ! Et pourtant, cela fonctionne !

Après avoir analysé la forme, il est temps de démontrer à présent au niveau du fond que nous n’avons pas accrédité aveuglément la parole des enfants dont la validation de sa compatibilité avec le traumatisme. Le professeur Viaux a dirigé de nombreuses recherches sur le sujet et écrit des ouvrages très bien référencés, nul ne peut contester son haut niveau de compétence en la matière tout comme celui de Christine Condamin-Pouvelle qui est aujourd’hui habilitée à diriger des recherches également.

Quant à moi, praticienne de terrain, je suis par la force des choses devenue spécialiste également en la matière et j’ai participé et je suis intervenue dans de nombreux colloques nationaux et internationaux sur le sujet. En l’occurrence, mes expertises d’enfant victimes dans le contexte de l’analyse psychologique et victimologique sont soumise à l’examen de plus de 40 critères dans le contexte de l’examen.

Ils sont publiés et donc accessibles à tout public qui peut feuilleter mon dernier ouvrage publié chez DUNOD « L’enfant agressé et les Conte créatif ». Ils sont visibles également en PDF :
L’enfant agressé et le conte créatif -chap7.pdf

J’ai examiné les enfants au plus près des faits et donc au moment où le stress post traumatique était encore très significatif au plan clinique et projectif. L’intérêt d’avoir examiné tous les enfants dans l’affaire d’Outreau, chose qui m’est parfois reprochée est le suivant : lorsqu’il a été question d’analyser la cohérence de leur déclaration (l’un des 45 critères), j’ai pu l’étudier en fonction de l’âge du niveau de développement affectif et cognitif, de la situation familiale actuelle et passée mais aussi en fonction du récit des autres enfants et des données du dossier.

On peut également vérifier le travail effectué pour les enfants d’Outreau car il y a un long extrait de l’expertise de l’un d’entre eux dans mon ouvrage « Outreau la vérité abusée » p.36 à 42 que j’ai présenté à la Commission parlementaire .

En conclusion j’ose espérer que cette mise au point et cette clarification d’une séquence médiatico-judiciaire des procès d’Outreau auront été utiles au lecteur de ce site, car tel est mon objectif.

J’espère que les professionnels de la Justice qui se sont intéressés à cette affaire d’Outreau auront une meilleure appréhension de ce qu’a déclaré Me Maisonneuve avocat de Fabrice Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, à savoir que tout se joue lors de la procédure orale et qu’une instruction la mieux ficelée peut s’effondrer aux assises. Cela dépend des forces en présence et on l’a vu, les enfants n’avaient que deux avocats face aux 19 avocats des accusés. Par ailleurs, les procès ont été médiatiquement inéquitables au détriment des enfants dont la souffrance n’était pas représentable à la télévision. Les traducteurs de leur souffrance, les experts psychologues étaient tenus par leur obligation de réserve. Jean-Luc Viaux a été poursuivi par la Défense au niveau de la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour s’être exprimé dans la presse lors du procès de St-Omer. Il était donc impossible de répondre via les médias au moment des procès aux contre-vérités et aux caricatures dictées par la défense.

Comme nul n’est prophète en son pays, c’est un psychiatre expert, chercheur de renommée internationale, responsable de deux DU et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, je veux parler de Gérard Lopez, qui m’a donné l’occasion de présenter mon livre au Colloque de l’Institut de Criminologie de Paris II Assas-Panthéon en février 2011 et m’a même permis d’en suggérer l’intitulé « La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau [11] » et d’y inviter Pierre Joxe.

J’espère que les collègues psychologues -experts comprendront que c’est dans l’intérêt de toute la profession de participer à la ré-information en dénonçant la rhétorique perverse qui maintient le storytelling d’Outreau.

Il y va également de l’intérêt de l’enfant quant à la réhabilitation de leur travail sur sa parole en Justice et en particulier la parole des victimes qui révèlent des agressions sexuelles et que l’on ne croit plus dans le contexte de ce storytelling.

Il y va enfin de la restauration de la confiance des professionnels avec lesquels nous travaillons et aussi et surtout celle des justiciables. Il s’agit donc d’une démarche qui s’inscrit parfaitement dans les exigences de notre charte déontologique.

Au final, j’espère que les experts psychologues près la cour de Cassation, chargés de la négociation avec le Ministère de la Justice, pourront mieux défendre la demande d’augmentation de notre rémunération auprès de la Garde des Sceaux - qui a lu mon ouvrage - en prenant connaissance de cette démonstration qui réhabilite légitiment leurs collègues d’Outreau.

Marie-Christine Gryson-Dejehansart Psychologue clinicienne Expert Judiciaire Formatrice et essayiste

[1Ils étaient 15 lors du verdict des Assises de St-Omer, 3 n’ont pas maintenu en appel dans un contexte non fiable psychologiquement.

[3« Retour à Outreau, contre -enquête sur une manipulation pédo-criminelle » de Jacques Thomet, ex Rédacteur en chef à l’AFP

[44 adultes qui se sont ensuite rétractées dénonçaient les mêmes personnes.

[5Extrait des minutes du secrétariat-greffe de la Cour d’Appel de Rouen publiées dans le N° 73 de la revue Experts de décembre 2006

[7Tous comme les deux Docteurs en Psychologie Jean-Luc Viaux et Christine Condamin qui se sont également attirés les foudres de la Défense.

[8C’est « le psychologue errant » tel que je l’ai dénommé dans mon ouvrage « Outreau la vérité abusée », faisant partie du comité de soutien de l’une des accusées ,qui a distribué les plaquettes de l’association durant le procès de Saint Omer.

[11Les actes du Colloques sont publiés chez DALLOZ dans l’ouvrage d’Essais de Philosophie Pénale et de Criminologie Volume 10 « La cohérence des châtiments » en 2012. ma communication est publiée dans la revue « Enfance Majuscule » n°118 de MaiJuin 2011 et dans la Revue Européenne de la Psychologie et du Droit de Décembre 2013.

Comentaires: