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Euthanasie passive : le Juge confronté à la fin de vie. Par Arnaud Gossement, Avocat.
Parution : lundi 20 janvier 2014
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Une vive controverse a procédé de l’ordonnance du 16 janvier 2014 par laquelle le Tribunal administratif de Chalons en Champagne a ordonné la suspension de la décision médicale de mettre un terme au traitement maintenant en vie un patient, à la suite d’un grave accident. Une controverse éthique qui ne peut écarter une question fondamentale : que pouvait faire le Juge ? Qu’est-ce que la société peut ou non lui demander ? Une question fondamentale à l’heure où le Président de la République annonce une nouvelle loi sur la fin de vie et le droit de mourir dans la dignité.

La vocation de la présente note n’est nullement de prendre part dans un débat de société sur un enjeu d’une extraordinaire complexité mais, à partir d’une lecture attentive de l’ordonnance du 16 janvier 2014, de tenter d’évaluer les contraintes d’intervention du Juge, au moyen du droit, pour la résolution d’un problème éthique.

Quelle analyse juridique ?

Une décision bouleversante dont l’analyse juridique dépassionnée représente un défi. Ce 16 janvier 2014, le Juge du référé liberté du Tribunal administratif de Châlons en Champagne a ordonné la suspension de l’exécution de la décision d’un médecin de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielle de M. Vincent Lambert en état « pauci-relationnel ».

A la lecture de cette décision, les commentaires de cette décision ont été nombreux et les réactions vives. Le Juge a-t-il eu « raison » ou « tort » ? La loi « Léonetti » relative aux droits des malades et à la fin de vie a-t-elle été correctement interprétée et appliquée ? Des commentaires parfois définitifs et très tranchés ont été réalisés par des personnes qui n’ont sans doute pas eu accès au dossier, d’un dossier d’une extraordinaire complexité où une famille se déchire sur le sort à réserver à l’un des siens. La réserve et la prudence sont de mises dans une situation où les douleurs des proches méritent toutes autant le respect.

En tant que juriste, la première question posée à la lecture de cette ordonnance tient à la méthode d’analyse qu’il convient d’emprunter et à la manière de mettre de côté, autant que faire se peut, son jugement moral sur la fin de vie. Peu importe en effet l’opinion de l’auteur de ces lignes sur la très délicate articulation entre le droit à la vie et le droit à mourir dans la dignité. C’est pourquoi la présente note sera consacrée à une question qui semble avoir été tout à fait absente du débat public qui a entouré l’ordonnance du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne : quel est l’office du Juge administratif du référé-liberté ? En termes moins juridiques : quelle est la fonction de ce Juge ? Que peut-on attendre de lui ? Que peut-on ou non lui demander ?

Le Juge des référés

Quel est l’office du Juge des référés ? Il convient ici de rappeler les termes de l’article L.511-1 du code de justice administrative : «  Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais  ». Chaque terme à ici une grande importance.

En premier lieu, le Juge des référés ne peut prendre que des mesures présentant un « caractère provisoire ». Le Juge des référés ne peut donc prendre le risque d’une mesure qui aurait pour effet de créer un effet irréversible. Voici un point crucial qu’aucun commentateur de l’affaire Lambert n’a identifié : la loi Léonetti n’était pas seule en cause. Le tribunal administratif de Chalons en Champagne devait également respecter le code de justice administrative, lequel impose au Juge des référés de ne pas prendre le risque d’une décision sans retour.

En deuxième lieu, l’article L.511-1 impose au juge des référés de de ne « pas se saisir du principal ». Le juge des référés n’est pas le Juge du fond qui, lui, au terme d’une procédure contradictoire, bien plus longue, bien plus dense, où les parties peuvent s’exprimer et débattre longuement, peut prendre une décision sur le principal. Au cas présent, le Juge des référés libertés ne peut ignorer que le Juge du fond sera peut être saisi de cette même affaire. Le Juge des référés ne peut prendre donc le risque d’entraver la démarche, la réflexion et la décision du Juge du fond chargé, peut-être un jour, de se prononcer sur la légalité ou sur le préjudice lié à la décision du médecin de Vincent Lambert de mettre un terme au traitement le maintenant en vie.

En troisième lieu, l’article L.511-1 précité dispose que, par définition, le Juge des référés statue en urgence. Or, l’urgence n’est pas la meilleure conseillère. A fortiori en urgence, on imagine sans mal la difficulté pour les Juges du Tribunal administratif de Châlons en Champagne de se prononcer, non seulement sur la question qui leur était posée mais aussi sur leurs propres droits et devoirs dans le traitement de celle-ci. Même en formation plénière, la difficulté est grande. Difficulté d’autant plus grande que l’urgence. Car il existe plusieurs procédures de référé devant le Juge administratif. Alors que le Juge du référé-suspension se prononce généralement dans un délai de trois semaines sur la demande qui lui est présentée, le Juge du référé liberté doit le faire en 48 heures.

Le Juge du référé-liberté

Reprenons ici les textes. L’article L.521-2 du code de justice administrative, sur le fondement duquel était saisi le Juge du référé liberté du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dispose :

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Premier élément : le Juge du référé liberté peut ordonner «  toutes mesures nécessaires » à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Ce juge intervient donc nécessairement sur des dossiers parmi les plus sensibles et les plus complexes car mettant en cause une « liberté fondamentale ».
Deuxième élément : le temps. Le juge des référés doit se prononcer en 48 heures. Soulignons simplement que plus la liberté en cause est fondamentale plus la réflexion supposerait du temps. Or, le Juge du référé liberté a très peu de temps. Il a moins de 48 heures si l’on retranche de ce délai, le temps des formalités au greffe, de l’audience, de la rédaction et de la notification de l’ordonnance. Plus l’urgence est forte, plus le Juge aura sans doute à cœur de ne prendre aucune décision irréversible.

Il faut donc avoir présent à l’esprit ces règles, ici sommairement présentées, qui encadrent et dirigent l’intervention du Juge des référés, avant d’analyser l’ordonnance rendue ce 16 janvier 2014 par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Quelle liberté fondamentale ?

L’enjeu juridique n’est pas d’opposer droit à la vie et droit de mourir dans la dignité. La définition deuxième s’inscrit dans la protection du premier, constitutif d’une « liberté fondamentale ». Nous n’entrerons pas ici dans le débat relatif à la définition de ce qu’est une liberté fondamentale au sens de cet article L.521-2 du Code de justice administrative, tant la place manquerait. Et pourtant. Le débat aurait dû porter sur cette question également. Concrètement, l’ordonnance le précise : la liberté fondamentale dont la protection devait être assurée est bien le droit au respect de la vie :

«  Considérant que le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L.521-2 du code de justice administrative ; que lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique créé un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le Juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence ; »

Le droit actuel protège le droit au respect de la vie. Ce droit n’est pas consacré au même niveau qu’un éventuel droit à mourir dans la dignité. En réalité, c’est dans le périmètre du droit au respect de la vie que doit être comprise la procédure mise en place par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. L’enjeu n’est donc pas d’opposer des conceptions « absolutistes » du droit à la vie contre un droit à mourir dans la dignité. L’enjeu est de définir le droit au respect de la vie en fonction d’exigences complexes voire contradictoires. L’enjeu est celui d’une réflexion sur la complexité à partir de principes éthiques eux-mêmes échappant à la logique du « tout ou rien ».

Un deuxième considérant de cette ordonnance retient l’attention s’agissant de l’identification de la liberté fondamentale à la protection de laquelle le Juge des référés devait ici veiller. Le juge des référés s’est en effet attaché au contrôle de la conformité des dispositions applicables du code de la santé publique, telles que modifiées par la loi « Léonetti » de 2005, à l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme :

« 9. Considérant, toutefois, que les stipulations de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne s’opposent pas à ce qu’un Etat réglemente la possibilité pour un individu de s’opposer à un traitement qui pourrait avoir pour effet de prolonger sa vie ou celle ouverte à un médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté et dont il estime, après avoir mis en œuvre un ensemble de garanties tenant à la consultation d’au moins un confrère, de l’équipe de soins des directives anticipées rédigées par le patient et de sa famille, que le traitement qui lui est administré consiste en une obstination déraisonnable de mettre fin à ce traitement, cette possibilité s’exerçant sous le contrôle du conseil de l’ordre des médecins, sous celui du comité d’éthique du centre hospitalier le cas échéant, ainsi que du juge administratif et du juge pénal  »

La création par le législateur d’une procédure encadrant l’arrêt volontaire d’un traitement médical susceptible de provoquer la mort d’un patient n’est pas contraire au respect du droit à la vie, tel qu’inscrit à l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme. Le juge des référés n’était donc pas ici saisi du conflit de deux libertés fondamentales antagonistes mais bien du seul respect du droit à la vie dans une acception complexe.

La procédure de fin de vie

Il importe de rappeler quelle est la règle de droit applicable : il s’agit des articles L.1111-4 et suivants du code de la santé publique dans leur rédaction telle que modifiée par la loi « Léonetti » de 2005. Sans besoin de décrire l’intégralité de la procédure destinée à assurer le contradictoire et le pluralisme des avis et expertises autour d’une question aussi délicate que celle de l’arrêt de soins, soulignons les termes de l’article

« Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.  »

Au cas présent, la question n’était pas tant celle du respect des modalités de la procédure que de celle des motifs de la décision objet du référé. Le patient n’ayant pas laissé de directive anticipée ni désigné une personne de confiance, seule la consultation de la « famille » permettait de rechercher, dans la mesure du possible, quelle était la volonté du patient avant d’avoir perdu toute faculté de communication. Reste que la loi est ici assez imprécise : cette consultation a—t-elle pour objet de recueillir l’avis de la famille ou bien, au travers de ses témoignages, d’approcher de ce qu’aurait pu être la volonté du patient ? Cette question en appelle bien d’autres que révèle fort justement l’ordonnance : dans quelle mesure une expression par le patient peut-elle être retenue comme constituant sa « volonté » ? Rares sont en effet les êtres humains à ne pas changer d’avis au cours de leur existence, a fortiori sur des sujets aussi graves.

Le douzième considérant de l’ordonnance ici commentée mérite une lecture très attentive.

En premier lieu, le Juge des référés souligne que le patient n’a pas laissé d’écrit ni désigné de personne de confiance :

«  Considérant que la décision querellée d’arrêter de procéder à l’hydratation et l’alimentation artificielle est motivée par la volonté qu’aurait exprimé M. Vincent Lambert, lequel n’a au demeurant pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance, de ne pas être maintenu en vie dans un état de grande dépendance »

En deuxième lieu, le juge procède à l’analyse de la volonté du patient telle qu’exprimée avant l’accident et telle que reçue par ses proches :

« que s’il résulte à cet égard de l’instruction que le patient a exprimé pareille position devant un de ses frères et son épouse, cette expression, qui n’est au demeurant pas datée avec précision émanait d’une personne valide qui n’était pas confrontée aux conséquences immédiates de son souhait et ne se trouvait pas dans le contexte d’une manifestation formelle d’une volonté expresse, et qu’elle qu’ait été sa connaissance professionnelle de la situation de patients en état de dépendance ou de handicap ;  »

Ces lignes sont sans doute les plus importantes de l’ordonnance. A première lecture, il est possible de se demander si le Juge n’étend pas la portée de la règle de droit en contrôlant, non l’existence mais l’utilité d’une expression. A procéder ainsi, toute expression de volonté, écrite ou orale pourrait en effet être remise en cause voire écartée pour défaut d’utilité. En l’espèce, le fait que Vincent Lambert ait exprimé son souhait de ne pas être maintenu en vie dans une situation identique ne semble pas contesté par personne. Mais le Juge va plus loin en s’interrogeant sur « l’utilité » de cette expression. On pourrait le lui reprocher : peut-il en être autrement ? Dès l’instant ou « la famille » - dans une définition que l’on ignore – fait état de propos du patient, ces propos peuvent-ils automatiquement être qualifiés de « volonté » au sens de la loi ? De manière générale, des propos tenus des années dans un contexte très différent et avant un accident peuvent-ils avoir cette portée ? Le Juge des référés du Tribunal administratif de Chalons en Champagne, tout en admettant l’existence d’une expression de la part de Vincent Lambert refuse de la qualifier de « volonté expresse ». Il semble, en étant très prudent, que le Juge ait souhaité s’approcher de ce que pourrait être la volonté actuelle du patient. Mais rien ne dit s’il est encore ou non en mesure de concevoir une telle position.

Poursuivant son analyse le Juge refuse également de qualifier la volonté du patient à partir d’un conflit familial :

« que la circonstance que le patient aurait entretenu des relations conflictuelles avec ses parents et ne partagerait pas leurs valeurs morales ou leurs engagements religieux, ce dont atteste la majorité des membres de sa fratrie, ne permet pas davantage de regarder M. Vincent Lambert comme ayant manifesté une volonté certaine de refuser tout traitement s’il devait subir une altération de ses fonctions motrices et cognitives telle que celle qu’il connaît aujourd’hui ; »

De même, au vu des pièces du dossier, le juge des référés estime ne pouvoir déduire des « manifestations » du patient, une volonté dans un sens ou dans l’autre :

« que, par ailleurs, il ne saurait être déduit des manifestations pouvant traduire le déplaisir et l’inconfort qu’induisaient les soins, qui ont été unanimement constatées par le personnel soignant à la fin de l’année 2012 et au début de l’année 2013, dont il est au demeurant constant qu’elles ont cessé, une interprétation univoque quant à la volonté du patient de rester ou non en vie, ainsi qu’il résulte notamment de l’ensemble des avis motivés rendus préalablement à la décision en cause ; »

Le Juge des référés conclut donc à l’impossibilité de qualifier de manière certaine la volonté du patient, aucun des instruments conçus par le législateur ne se révélant ici pertinent pour procéder à une telle qualification.

« qu’ainsi, est dès lors qu’il résulte de l’instruction qu’aucun code de communication n’a pu être mis en place avec le patient, le Dr Kariger a apprécié de manière erronée la volonté de Vincent Lambert en estimant qu’il souhaiterait opposer un refus à tout traitement le maintenant en vie ;  »

Une obstination déraisonnable ?

Une deuxième étape du raisonnement, après celle consistant à qualifier la volonté du patient, tient à l’identification d’une éventuelle « obstination déraisonnable » dans la poursuite du traitement.

L’article L.1110-5 du Code de santé publique précise en effet :
« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté

Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »

« Obstination déraisonnable » : l’expression est aussi nécessaire qu’imprécise. Elle suppose alors un contrôle cas par cas, dossier par dossier du Juge. Le Conseil d’Etat avait déjà été appelé à étudier le sens et la portée de cette expression mais dans un contexte assez différent d’euthanasie active (CE, 29 décembre 2000, n°212813) :

« Considérant qu’après avoir mentionné l’ensemble des graves pathologies dont était atteinte Mme J ... et les traitements qui lui avaient été prodigués, y compris les soins palliatifs à base de morphine pour une personne en "fin de vie programmée", la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a retenu à l’encontre de M. X... le fait, d’ailleurs non contesté, d’avoir pratiqué sur la malade l’injection d’une dose de chlorure de potassium destinée à provoquer immédiatement la mort par arrêt cardiaque ; qu’elle a estimé que cet acte n’entrait pas au nombre de ceux prescrits aux médecins par les articles 37 et 38 précités du code de déontologie médicale mais constituait un acte d’euthanasie active, destiné à provoquer délibérément la mort de sa patiente ; qu’elle a enfin relevé que cet acte était interdit par l’article 38 du code de déontologie, quelles que soient les circonstances, et notamment celles, invoquées par M. X..., tirées des souffrances de la patiente et des inconvénients pour l’entourage et l’environnement immédiat de Mme J ... de la progression de la grangrène dont elle était atteinte ; qu’elle a ainsi suffisamment motivé sa décision d’infliger au requérant la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la médecine en répondant à ses moyens tirés de ce qu’il n’y avait pas lieu de distinguer euthanasie active et euthanasie passive et de ce que l’état dans lequel se trouvait la patiente était de nature à justifier son comportement ;

Considérant qu’en analysant ainsi qu’elle l’a fait l’argumentation soulevée en défense par M. X... la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins n’a pas dénaturé ses écritures »

Au cas présent, pour le Juge des référés du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la poursuite du traitement n’équivaut pas à une « obstination déraisonnable » pour les motifs suivants :

« qu’il résulte par ailleurs de l’instruction, notamment du rapport établi par le centre hospitalier universitaire de Liège en août 2011, que Vincent Lambert est en état pauci relationnel, soit un état de conscience « minimale plus », impliquant la persistance d’une perception émotionnelle et l’existence de possibles réactions à son environnement ; qu’ainsi, l’alimentation et l’hydratation artificielles qui lui sont administrées, dès lors qu’elles peuvent avoir pour effet la conservation d’un certain lien relationnel, n’ont pas pour objet de maintenir le patient artificiellement en vie, cet artifice ne pouvant au demeurant se déduire du seul caractère irréversible des lésions cérébrales et l’absence de perspective d’évolution favorable dans l’état des connaissances médicales ; que pour les mêmes motifs, et dès lors que le centre hospitalier universitaire de Reims ne fait valoir aucune contrainte ou souffrance qui serait engendrées par le traitement, celui-ci ne peut être qualifié d’inutile ou de disproportionné, de sorte qu’il n’est pas constitutif d’une obstination déraisonnable au sens des dispositions combinées des articles L.1110-5, L.1111-4 et R.4127-37 du code de la santé publique ; »

En définitive, l’exécution de la décision litigieuse du Docteur Kariger est suspendue :

« 13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède de la décision du 11 janvier 2014 de cesser l’alimentation et l’hydratation artificielles de Vincent Lambert caractérisant une atteinte grave et manifestement au droit de la vie de Vincent Lambert ; »

En conclusion, cette ordonnance aura pour « mérite » de contribuer considérablement au progrès du droit. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne fait naître un nombre considérable de questions, à commencer par celle de la pertinence de l’intervention du juge dans un tel contexte. Des questions qui méritent sans doute d’être débattues de la manière la plus noble possible au Parlement. En ayant sans doute à l’esprit que ni la Loi ni le Juge ne pourront jamais tout à fait apaiser la douleur des proches.

Dans cette attente, du point de vue l’intérêt général, il serait précieux que le Conseil d’Etat soit saisi. Non que l’auteur de ces lignes estime mal fondée l’ordonnance du Tribunal administratif de Chalons en Champagne. L’intervention de la Haute juridiction pour assurer l’unité, la cohérence de la jurisprudence s’avère encore plus indispensable dans certains contentieux que dans d’autres.

Pour prendre connaissance de l’état actuel du débat sur la fin de vie, la rédaction du Village de la justice vous invite à consulter cet article.

Arnaud Gossement Avocat au Barreau de Paris http://www.arnaudgossement.com/
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