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La contestation de l’assemblée générale de copropriété. Par Victoire de Bary, Avocat.
Parution : jeudi 25 mars 2021
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La contestation d’une assemblée générale de copropriété est une procédure longue et coûteuse dont les conséquences peuvent être très lourdes pour le syndicat des copropriétaires.

Article actualisé par son auteure en mars 2021.

Bien plus, les modalités nouvelles de tenue des assemblées, liées à la crise sanitaire et à l’évolution des moyens techniques, posent de nouvelles questions.

C’est pourquoi il convient de procéder à un rappel des règles applicables en ce domaine.

Le recours en annulation des décisions des assemblées générales est prévu à l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose, notamment, que :

« (…) Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale.
Sauf urgence, l’exécution par le syndic des travaux décidés par l’assemblée générale en application des articles 25 et 26 de la présente loi est suspendue jusqu’à l’expiration du délai de deux mois mentionné au deuxième alinéa du présent article (…)
 ».

Il convient dès lors de s’intéresser à l’objet même de la contestation, aux titulaires de ce recours, au délai dans lequel il peut être intenté, aux modalités de sa mise en œuvre et aux effets de la procédure.

L’objet de la contestation.

Il ressort de la loi que toute décision prise par l’assemblée générale est susceptible d’un recours en annulation.

L’action peut donc être dirigée contre l’assemblée dans son intégralité (non-respect des règles formelles requises dans la convocation la tenue de l’assemblée) ou contre une ou plusieurs résolutions seulement (pour des motifs de forme et/ou de fond).

S’agissant de la contestation de l’assemblée générale pour irrégularité de la convocation, il convient de rappeler que seul le(s) copropriétaire(s) non convoqué(s) ou irrégulièrement convoqué(s) peu(ven)t se prévaloir de l’absence ou de l’irrégularité de la convocation à l’assemblée générale.

Bien plus, il a récemment été jugé que les copropriétaires qui, bien qu’irrégulièrement convoqués, se sont rendus à l’assemblée et ont voté pour l’adoption de certaines résolutions sont irrecevables en leur demande d’annulation de l’AG dans son entier. En effet, seul le copropriétaire opposant à toutes les décisions d’une assemblée générale peut demander sa nullité [1].

En revanche, ces copropriétaires irrégulièrement convoqués peuvent invoquer cette irrégularité au soutien d’une demande d’annulation des seules décisions pour lesquelles ils étaient opposants [2].

Quant à la contestation d’une résolution, il s’agit de contester une décision prise au cours de l’assemblée, telle que reproduite au procès-verbal.

Si la question posée ne fait l’objet d’aucun vote, il n’y a pas de décision. Il reste toutefois possible de faire constater cette absence de vote pour s’assurer que le syndicat n’invoquera pas ultérieurement cette résolution non votée.

La contestation n’est déclarée fondée que si la décision est encore d’actualité : il arrive souvent qu’à la suite de la contestation introduite, le syndic réunisse une nouvelle assemblée qui vote à nouveau la décision critiquée. Dans cette hypothèse, le Tribunal considère que la contestation de la première décision est devenue sans objet du fait de la régularisation par la seconde assemblée.

Les titulaires du droit de contester l’assemblée générale.

La contestation n’est ouverte qu’à deux catégories de copropriétaires :
- Le copropriétaire défaillant, c’est-à-dire celui qui n’était ni présent ni représenté à l’assemblée ;
- Le copropriétaire opposant, soit celui qui, par lui-même ou par son mandataire, a voté contre la décision adoptée.

Attention, si l’Assemblée rejette un projet de résolution, le copropriétaire opposant est bien évidemment celui qui a voté « pour » la résolution proposée.

Le copropriétaire qui a voté dans le sens de la résolution adoptée ou qui s’abstient ne peut donc pas contester ladite résolution. D’ailleurs, le copropriétaire présent qui ne prend pas part au vote ne peut pas davantage contester la résolution.

Toutefois ces règles connaissent certains tempéraments. Ainsi, la contestation reste possible dans de rares cas :
- Si le mandataire a voté sur une question qui n’était pas inscrite à l’ordre du jour (voir, annulant la résolution votée alors que l’ordre du jour prévoyait qu’il n’y aurait pas de vote : [3],
- Si le copropriétaire a voté « pour » alors qu’il a été victime d’un dol,
- Si le copropriétaire a : fait des réserves sur la régularité de l’assemblée générale, été représenté, mais n’a pas pris part au vote,
- Et si une décision ne peut être prise qu’à l’unanimité des voix, auquel cas l’abstention sera assimilée à l’opposition dans la mesure où l’abstentionniste sait que sa voix est nécessaire pour que la résolution puisse être adoptée [4].

Précisons enfin que l’action en contestation ne peut être introduite que par un copropriétaire ; un usufruitier (pour ce qui ne concerne pas les travaux visés à l’article 606 du Code civil et s’il agit avec l’accord du nu-propriétaire) ; un époux commun en biens (même si le lot est propriété de l’autre époux) ; un locataire accédant ; ou le mandataire commun d’une indivision agissant en vertu d’un mandat tacite.

Est exclue, notamment, toute action du syndic révoqué [5] ; du syndicat des copropriétaires [6] ou du syndicat secondaire [7].

En cas de mutation du lot après l’assemblée, c’est l’ancien copropriétaire qui conserve le droit d’agir en annulation, sous réserve toutefois qu’il justifie encore d’un intérêt à l’action.

Lorsqu’il existe au sein de la copropriété une société civile d’attribution, la notification est faite au représentant légal de la société ; et seule la société peut introduire une action en contestation. Il en est de même lorsqu’une SCI est copropriétaire.

Pour agir, il n’est pas nécessaire que le copropriétaire justifie d’un préjudice.

Le délai de contestation de l’assemblée générale.

Le délai d’action est de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale par le syndic en vertu de l’article 18 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.

Rappelons à cet égard que le syndic a l’obligation de notifier le procès-verbal de l’assemblée générale d’un mois suivant la date à laquelle l’assemblée a été réunie, mais aucune sanction n’est prévue si ce délai n’est pas respecté.

La notification du procès-verbal est faite par courrier recommandé avec accusé de réception ou par acte d’huissier, car, si elle était faite par simple lettre, elle ne pourrait faire courir le délai de contestation de 2 mois. Dès lors, le copropriétaire absent ou opposant pourrait contester l’assemblée générale pendant 5 ans (prescription des actions personnelles prévue à l’article 42 alinéa 1).

Cependant, en pratique, le recommandé ou l’acte extrajudiciaire n’a d’intérêt qu’à l’égard des copropriétaires absents ou opposants puisqu’ils sont seuls à avoir qualité pour agir.

Dans la mesure où le syndic dispose d’un délai d’un mois pour la notification du procès-verbal, le délai de recours est au maximum de 3 mois à compter de l’assemblée générale : un mois pour la notification du procès-verbal, auquel s’ajoute le délai de recours de l’article 42.

En application de l’article 64 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, le délai de contestation commence à courir du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée comprenant procès-verbal de l’assemblée générale, que le copropriétaire soit ou non présent et qu’il aille ou non chercher ultérieurement le pli à la poste.

Par ailleurs, il ressort de l’article 641 du Code de procédure civile que :

« Lorsqu’un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai ; à défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois ».

En conséquence, si la notification est faite le 29 octobre, le délai de contestation commence le 30 octobre expire le 30 décembre à minuit, mais si la notification est faite le 30 décembre, le délai de contestation expire le 28 février à minuit (le 29 février s’il agit d’une année bissextile).

Le délai de deux mois prévu par l’article 42 est un délai de forclusion, qui n’est dès lors pas susceptible de suspension, sauf en cas de demande de l’aide juridictionnelle. Les causes de suspension des délais de prescription (minorité, incapacité d’agir, etc…) ne s’appliquent pas.

Le délai peut uniquement être interrompu par la délivrance d’une assignation.

Une fois expiré le délai de 2 mois de l’article 42, les décisions de l’assemblée générale deviennent définitives et opposables à tous, sans que leur validité soit susceptible d’être remise en cause par voie d’action principale ou par voie d’exception, et ce, quel que soit le degré de gravité des irrégularités constatées.

Cependant, pour les décisions modifiant irrégulièrement une répartition des charges, sans respecter les critères de l’article 10 de la loi, la Cour de Cassation écarte ce délai en considérant qu’il s’agit d’une action relative aux clauses réputées non écrites fondée sur l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965.

Les modalités de la contestation.

L’article 42 de la loi vise les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales. L’action dont il est ici question est nécessairement une action en justice.

Une contestation faite entre les mains du syndic par lettre recommandée n’a aucune valeur et en tout cas ne vaut pas interruption du délai de prescription de deux mois.

De plus, pour être recevable la demande doit être formulée par voie d’assignation : la demande doit donc être formulée à titre principal, et non incident.

L’action en contestation des décisions des assemblées générales doit être impérativement dirigée contre le Syndicat des copropriétaires et non contre le syndic car l’assignation ainsi délivrée serait nulle.

Seul le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble est compétent pour connaître d’une demande de nullité de résolutions d’assemblée générale.

Cependant, l’assignation délivrée devant un Tribunal incompétent interrompt valablement le délai de contestation de deux mois.

Les effets de la contestation.

Les décisions prises par l’assemblée générale s’imposent aux copropriétaires tant que leur nullité n’a pas été prononcée [8].

Les résolutions sont d’application immédiate, sous réserve de l’exception prévue à l’article 42 alinéa 3 pour les travaux votés en application des articles 25 et 26 de la loi, c’est-à-dire à l’exclusion des travaux d’entretien.

Mais cette disposition suspend simplement la mise en œuvre des travaux jusqu’à l’expiration du délai de contestation, et encore à la condition qu’il ne s’agisse pas de travaux urgents.

Enfin, il n’est rien dit ce que doit faire le syndic à l’expiration du délai de contestation si une contestation est effectivement intervenue. La copropriété peut donc faire réaliser les travaux, mais à ses risques et périls.

Par ailleurs, la décision d’assemblée générale est valide tant qu’elle n’est pas annulée.

Par conséquent, le syndic peut exécuter une décision de l’assemblée générale malgré la contestation pendante devant le Tribunal.

Cependant il doit agir sans précipitation. Il appartient donc au syndic d’évaluer le risque encouru et de ne mettre à la résolution à exécution que si des motifs sérieux ne permettent pas d’attendre l’issue de la procédure.

En cas d’annulation de l’assemblée générale ou d’une des résolutions adoptées, et quand bien même la demande n’a été formée que par un seul copropriétaire, l’assemblée générale tout entière - ou la résolution contestée - est annulée. Elle est supposée n’avoir jamais existé.

Tout copropriétaire pourra donc invoquer la décision d’annulation, ce quand bien même il n’aura pas été demandeur à la procédure.

Compte tenu du principe de l’autonomie de chaque assemblée générale, l’annulation d’une assemblée n’entraîne pas l’annulation des assemblées générales postérieures faute de contestation de ces assemblées dans le délai de deux mois qui suit la notification du procès-verbal.

Cependant, si le copropriétaire attaque systématiquement les assemblées générales en se fondant sur la nullité d’une première assemblée, l’intervention du Tribunal permettra d’obtenir une annulation de toutes les assemblées générales en cascade.

En revanche, faute pour le copropriétaire d’agir dans le délai de 2 mois à l’encontre de chaque assemblée ultérieure, la nullité de l’assemblée contestée n’aura pas d’effet sur les assemblées ultérieures.

Soulignons pour finir qu’une décision contestée peut être soumise de nouveau au vote de l’assemblée générale si la nullité invoquée trouve sa source dans un motif de forme ou une insuffisance de majorité.

Cette procédure est parfaitement licite.

Toutefois, en pratique il est préférable que la nouvelle assemblée procède à l’annulation du vote contesté et vote à nouveau sur la même question.

L’assemblée générale de régularisation n’est toutefois possible que si le mandat du syndic ne risque pas d’être annulé rétroactivement. A défaut, la seule solution est de demander au syndic de démissionner et de présenter une requête aux fins de désignation d’un administrateur provisoire, compte tenu des risques "d’effet domino".

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com

[1Civ. 3e, 17 septembre 2020, n°19-20730.

[2Civ. 3e, 28 mars 2019, n°18-10073.

[3Civ. 3e, 5 novembre 2014, n°13-26768.

[4CA Nancy, 12 mai 2015, n°14/00892.

[5CA Paris, Pôle 4, Chambre 2, 18 novembre 2009, n° 08/20501.

[6CA Paris, 5 novembre 2014, Rev. loyers 2015, 45.

[7CA Paris, Pôle 4, Chambre 2, 18 novembre 2009, n°08/17982.

[8Civ. 3e, 26 mars 2020, n°18-11987 ; 28 mai 2020, n°18-20368.

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