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Pas de visite médicale d’embauche : l’employeur se fait taper sur les doigts (encore !). Par Nadine Regnier Rouet, Avocat.
Parution : vendredi 31 janvier 2014
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Retour sur une règle pourtant bien installée dans l’environnement juridique des relations entre employeur et salarié et qui peut coûter cher à l’employeur.

La Cour de cassation le répète dans une décision du 18 décembre 2013 (12-15454) : si la visite médicale d’embauche n’a pas lieu, l’employeur est au-to-ma-ti-que-ment responsable et engage sa responsabilité sur le fondement de la violation de son obligation de sécurité de résultat.

I - L’obligation de sécurité, une obligation « de résultat » à la charge de l’employeur : de quoi s’agit-il ?

La jurisprudence de la Cour de cassation a créé, en dehors de tout texte légal, une obligation générale de sécurité à la charge de l’employeur  : il doit, en toutes circonstances, veiller à préserver la santé physique et mentale de ses salariés.

L’entreprise, personne morale, ainsi que la personne de son dirigeant (ou de la personne à qui ce dirigeant a valablement délégué sa responsabilité civile et pénale en la matière) répondent des atteintes à cette obligation.

Pour la Cour de cassation, cette obligation de sécurité ne souffre aucun manquement. Elle doit toujours être remplie, si bien qu’il ne peut se produire aucune atteinte à la santé physique ou mentale du salarié : c’est une obligation « de résultat ». Elle garantit un résultat qui doit être obtenu : la préservation de la santé du salarié.

Dès lors que le résultat n’est pas ou plus atteint (un cas de harcèlement moral est identifié, par exemple), la responsabilité de l’entreprise est engagée, pour défaut de résultat, même en l’absence de faute ou de négligence de celle-ci et même si elle prend rapidement une sanction contre le harceleur (comme elle y est tenue par ailleurs).

II - L’obligation de sécurité, une obligation qui engage la responsabilité de l’entreprise en l’absence d’atteinte à la santé du salarié : l’exemple de la visite médicale d’embauche

Pour la Cour de cassation, l’obligation générale de sécurité de l’employeur, créée par sa jurisprudence, couvre également le respect de l’ensemble des règles écrites qui sont édictées par le Code du travail, notamment, et qui ont pour but de protéger les salariés.

A ce titre, il doit aussi procéder aux visites médicales obligatoires périodiques.

La Cour a décidé, à plusieurs reprises, que l’employeur, qui avait l’initiative d’organiser ces visites, devait s’assurer qu’elles avaient bien lieu, y compris en relançant les Services de Médecine du Travail, faute de quoi sa responsabilité était engagée, même en l’absence d’atteinte à la santé du salarié.

Nouvelle illustration avec la décision du 18 décembre 2013.

III - Faire travailler le salarié au-delà de la période d’essai sans s’assurer de la réalisation de la visite médicale d’embauche par le médecin du travail : l’employeur est condamné automatiquement

Le salarié avait été débouté par la Cour d’appel de Versailles de sa demande de dommages-intérêts fondée sur le non respect par son employeur de l’obligation d’organiser et de lui faire passer la visite médicale d’embauche.

Selon l’article R 4624-10 du Code du travail, cette visite médicale, dont le but est de s’assurer que le salarié est apte à occuper son poste de travail, a lieu avant l’embauche ou, au plus tard avant la fin de la période d’essai.

Il est utile pour l’employeur que cette visite ait lieu pendant l’essai puisque, si l’aptitude du salarié est rejetée par le médecin du travail, l’entreprise a la possibilité de mettre fin facilement à la période d’essai en cours, sans procédure contraignante, sans motif à donner.

Comment les juges d’appel ont-ils écarté la demande du salarié ? Ils ont constaté :

-  Que l’employeur avait procédé à la Déclaration Unique d’Embauche du salarié le jour de son embauche auprès de l’URSSAF compétente,

-  Que l’enregistrement de cette Déclaration, ce même jour à 9 h 28, entraînait automatiquement avis transmis par l’URSSAF à la Médecine du Travail,

-  Que, par conséquent, l’employeur avait fait preuve de « diligence suffisante pour respecter l’article R 4624-10 ».

Pour la Cour de cassation, la solution est tout autre :

« L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité.  »

«  Le manquement de l’employeur qui a fait travailler le salarié au delà de la période d’essai, sans s’assurer de la réalisation, par le médecin du travail, d’une visite médicale d’embauche afin de vérifier l’aptitude de l’intéressé à occuper le poste, causait nécessairement à celui-ci un préjudice. »

IV - Conseil utile et principe RH incontournable pour tous les employeurs : la visite médicale d’embauche est nécessairement organisée et sa réalisation est effectivement contrôlée sinon l’entreprise court un risque financier quasi au-to-ma-ti-que !

Nadine Regnier Rouet Avocat au Barreau de Paris spécialisé en droit du travail Site internet : www.n2r-avocats.com [Email->contact@n2r-avocats.com]
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