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Faut-il utiliser les symboles ®, ™ ou © ? Par Éric Schahl, CPI.
Parution : jeudi 13 février 2014
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Il n’existe aucune nécessité ou obligation d’utilisation de ces signes en droit français (contrairement au droit anglo-saxon notamment aux USA).
Pourtant, de nombreuses marques y font référence : quel en est donc l’intérêt ? Existe-t-il des cas où cet usage est recommandé ? et, un usage de ces signes ne correspondant pas à une réalité est-il dangereux ?

Article mis à jour par son auteur en juin 2023.

Que signifient ces signes ?

ils sont tous issus de la terminologie anglo-saxonne.

Ainsi, ® fait référence à une marque enregistrée (registered trademark) c’est-à-dire qui a passé avec succès le stade de l’examen par l’Office local (en France, l’INPI) à la fois des examens de distinctivité, descriptivité et déceptivité par l’Office mais aussi celui des oppositions de tiers. Le sigle ™ (trademark) se réfère à une marque simplement déposée et qui reste donc sujette à objection de l’Office ou action de tiers.
Le sigle © se réfère lui au copyright qui est une notion anglo-saxonne ayant un équivalent (sans être identique) avec le droit d’auteur. Il se réfère donc à une création sur laquelle l’on revendique un droit indépendamment (en France) de tout dépôt à l’INPI.

Dans tous les cas, ces sigles ont pour objectif d’informer les tiers (consommateurs et concurrents principalement) sur l’existence d’un possible revendication de droits et aussi de dissuader de potentiels contrefacteurs.

A noter qu’aucune mention n’est ajoutée généralement au ® et au ™ ; L’on peut cependant voir sur des packagings, venant des USA le plus souvent, la mention ™ suivi de « cette marque est une marque de XXXX Group » : en effet, lorsque le produit est envoyé à l’export, le process d’enregistrement de la marque n’est souvent pas encore terminé. Par ailleurs, c’est aussi un moyen pour bien indiquer qui est le propriétaire économique des droits. Aux USA, ces mentions sont nécessaires pour obtenir des dommages et intérêts en cas de contrefaçon.

Il existe un autre symbole plus récent, le copyleft : symbole de l’autorisation donnée par l’auteur d’un travail normalement soumis au droit d’auteur (œuvre d’art, texte, ou autre) d’utiliser, d’étudier, de modifier et de diffuser son œuvre, dans la mesure où cette autorisation reste préservée (les créations réalisées à partir d’éléments sous copyleft héritent de ce copyleft).

Enfin, pour être complet, il convient de relever le développement exponentiel des licences Creative Commons. Ces licences ont été créées en partant du principe que la propriété intellectuelle était fondamentalement différente de la propriété physique, et du constat selon lequel les lois actuelles sur le copyright étaient un frein à la diffusion de la culture.

Voici quelques indications sur la signation de ces sigles :

Attribution [BY] (Attribution) : l’œuvre peut être librement utilisée, à la condition de l’attribuer à l’auteur en citant son nom. Cela ne signifie pas que l’auteur est en accord avec l’utilisation qui est faite de ses œuvres.

Pas d’utilisation commerciale [NC] (Noncommercial) : le titulaire de droits peut autoriser tous les types d’utilisation ou au contraire restreindre aux utilisations non commerciales (les utilisations commerciales restant soumises à son autorisation). Elle autorise à reproduire, diffuser, et à modifier une œuvre, tant que l’utilisation n’est pas commerciale.

Pas de modification [ND] (NoDerivs) : le titulaire de droits peut continuer à réserver la faculté de réaliser des œuvres de type dérivées ou au contraire autoriser à l’avance les modifications, traductions.

Partage dans les mêmes conditions [SA] (ShareAlike) : le titulaire des droits peut autoriser à l’avance les modifications ; peut se superposer l’obligation (SA) pour les œuvres dites dérivées d’être proposées au public avec les mêmes libertés que l’œuvre originale (sous les mêmes options Creative Commons).

Zéro : le créateur renonce à ses droits patrimoniaux (il est impossible de se défaire de son droit moral en France). Aucune limite à la diffusion de l’œuvre n’existe, sous réserve des législations locales. Dans un certain nombre d’États, la licence CC0 équivaut à la licence CC-BY [1].

Concrètement, il n’y a aucune obligation en France d’utiliser les symboles du type ® ou ™ avec la marque pour la reconnaissance de l’existence du droit de marque.
La Convention de Paris du 20 mars 1883 dispose même expressément dans son article 5 que :

« Aucun signe ou mention du brevet, du modèle d’utilité, de l’enregistrement de la marque de fabrique ou de commerce, ou du dépôt du dessin ou modèle industriel ne sera exigé sur le produit pour la reconnaissance du droit ».

La reconnaissance du droit de marque n’est donc pas conditionnée par l’apposition du ®.

Que faut-il retenir ?

- Si votre produit a vocation à être exporté à l’étranger, il est souhaitable d’y apposer le sigle ® ou ™ en fonction de la situation de la marque dans le pays en question. Si la marque n’est pas enregistrée partout, il est préférable de se contenter du simple ™.

- Si la marque est faiblement distinctive, le propriétaire doit éviter la dilution susceptible d’entrainer la perte du droit. La communication autour de ce type de marque (proche par hypothèse de l’activité) doit donc être verrouillée en évitant de l’utiliser avec un article, en évitant de la décliner en verbe (voir par exemple la communication faite par Karcher pour s’opposer à l’usage de l’expression « karcheriser les banlieues » ou encore l’action judiciaire menée par Google aux USA pour rappeler à une dictionnaire que « to google » peut figurer dans le dictionnaire mais uniquement pour indiquer une recherche sur le moteur de recherche Google). L’apposition d’un des sigles ® ou ™ permet donc de revendiquer le statut de marque et de prévenir cette dégénérescence du droit.

- Attention, bien sûr, à ne pas apposer l’une de ces mentions sans justification car cela pourrait être analysée comme une tromperie du consommateur et un acte de concurrence déloyale vis-à-vis d’un concurrent.

Éric Schahl, Conseil en Propriété Industrielle Associé – Mandataire Européen Partner - European Trademark Attorney Inlex IP Expertise
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