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La prestation compensatoire. Par Bruno Ancel, Avocat.
Parution : mardi 18 février 2014
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Comment déterminer le montant de la prestation compensatoire ? Est-il possible de le réviser ? Les sommes versées sont elles déductibles du revenu imposable ? Autant de questions qu’il convient d’examiner. Le détour par le droit comparé est intéressant en la matière.

La suppression de la prestation compensatoire est problématique. En effet, c’est un sujet où se cristallisent plusieurs niveaux de rivalités. Pour les uns, son maintien est absolument nécessaire pour compenser la disparité de revenus consécutifs au divorce. Pour les autres, elle favoriserait le maintien de l’épouse dans un état de subordination économique après la séparation. Pour d’aucuns enfin, elle serait inéquitable.

Selon l’article 271 du Code civil, plusieurs paramètres sont à prendre en considération :

- la durée du mariage ;
- l’âge et l’état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

La prestation compensatoire peut être versée sous forme de capital ( article 274-1 du Code civil ) ou de rente révisable ( article 276-3). Dans le premier cas, elle peut donner lieu à une réduction d’impôt. Dans le second cas, cette somme d’argent attribuée au conjoint est déductible du revenu imposable.

En cas de divorce amiable, il convient de fournir au magistrat une déclaration sur l’honneur attestant de l’exactitude des revenus, du patrimoine et des biens immobiliers des époux ( article 272 ). L’article 278 du Code civil précise que le juge peut refuser d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations de ces derniers.

S’agissant des divorces conflictuels, force est de constater que le montant octroyé par les tribunaux est éminemment variable. Les meilleurs avocats sont ceux qui connaissent les invariants de toute décision de justice et savent anticiper dans la mesure du possible la position du magistrat. La rigueur, la stratégie, la connaissance des décisions jurisprudentielles font in fine la différence pour obtenir la prestation la plus élevée.

A l’étranger, la question est également d’une actualité brûlante. Aux USA, les critères permettant de déterminer le montant de la prestation compensatoire sont : la durée du mariage, les revenus de chaque personne, l’âge, le niveau de vie, le patrimoine disponible ainsi que la faute à l’origine du divorce dans certains États.

Depuis 2013, on peut constater une inflexion majeure : à cet égard, plus de 50 % des américaines sont contraintes non seulement de prendre en charge la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants suite à un divorce, mais également de verser une prestation compensatoire à leur conjoint.

En effet, de nombreuses américaines ont un salaire supérieur à celui de leur mari, ce qui dénote une évolution des mentalités contrairement à la France où subsistent encore de profondes inégalités. Une exception toutefois concerne les prestations compensatoires prohibitives que versent les sommités ( acteurs, metteurs en scène, hommes politiques, etc...) à leur compagne. Un divorce peut couter très cher : ainsi, l’ex-femme de Mel Gibson avait obtenu au total 450 millions de dollars !

Sur le plan professionnel, les a priori comportementaux et organisationnels ne sont plus de mise tout comme le processus implicite de hiérarchisation sociale. Autrement dit, le plafond de verre selon l’expression consacrée semble se fissurer.

D’ ailleurs selon les chiffres fournis en 2013 par le Digest of Education Statistics, parmi les diplômés de la faculté de médecine, il y aurait autant de lauréats des deux sexes. Il en est de même pour l’obtention du grade de docteur toute discipline confondue.

Quoi qu’il en soit, la conséquence logique de ce phénomène se traduit par une inversion des rôles en ce qui concerne le débiteur de la prestation compensatoire. Il est symptomatique de constater que les femmes éprouvent le même sentiment d’injustice que les hommes lorsqu’ il s’agit de payer des sommes somptuaires qui ne sont pas toujours méritées !

En définitive, il serait donc souhaitable de réviser les mécanismes de la prestation compensatoire afin de trouver une solution plus équitable pour tous : Jus est ars boni et aequi ( Le droit est l’art du bien et du juste ).

PS : L’expression "plafond de verre", apparue pour la première fois dans le Wall Street Journal, signifie que les niveaux supérieurs de la pyramide sociale ne sont pas accessibles à la gent féminine.

Maître ANCEL Bruno Site internet : avocat-ancel.fr
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