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Cession de parts de SCI : les avocats en colère contre la loi ALUR ! Interview de Stéphane Illouz, Avocat Associé.
Parution : lundi 24 février 2014
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Le projet de loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) a été adopté par le Parlement. Le texte accorde la possibilité pour les experts-comptables de rédiger des actes juridiques dans le cas de cession de parts de SCI.
La rédaction du Village de la justice a pu s’entretenir avec Stéphane Illouz, Avocat associé chez Reed Smith et spécialiste du droit de l’immobilier.

Pouvez nous expliquer l’origine de cette disposition ?

Les ventes de part de SCI doivent être soumises au droit de préemption. Il est donc important qu’un professionnel du droit dispose des garanties nécessaires afin de s’assurer que la notification auprès des communes ait bien été effectuée. En terme de sécurité juridique et de responsabilités, les notaires sont les professionnels qui ont le plus de légitimité sur ces questions. Dans un premier temps, il avait donc été envisagé de rendre la vente des parts de SCI obligatoire devant les notaires.
Contestant ce monopole, la profession d’avocat a réussi à obtenir, de la part des pouvoirs publics, la possibilité de réaliser des actes de cession de parts de SCI.
Toutefois, en plus de celle d’avocat, la profession d’expert-comptable peut également rédiger ce type d’acte.

En quoi cet article de la loi est-il la source de tant d’inquiétudes de la part des avocats ?

Sur le principe, la réalisation d’actes juridiques par les experts-comptables est quelque chose d’acquis. Mais il existe un cadre légal qui réglemente cette pratique : la réalisation d’un acte juridique par le professionnel du chiffre doit être l’accessoire d’une prestation comptable. Or, la cession de parts de SCI ne correspond pas un acte accessoire d’une prestation comptable. Il s’agit d’une prestation juridique à part entière.

Il y a un second point, plus embarrassant : la création, par le législateur, de l’acte contresigné par l’expert-comptable.
L’acte d’avocat, instauré par la loi du 28 mars 2011, permet aux avocats de rédiger des actes ayant une certaine force juridique. La loi ALUR est venue apporter quelque chose d’équivalent pour les experts-comptables sur le point très spécifique des SCI. Nous avons ici affaire à un cavalier législatif car l’objet de la loi est de faire face à des problématiques d’urbanisme, de logement ou de construction et non de créer une nouvelle catégorie d’acte juridique. Il aurait fallu qu’il y ait un débat spécifique sur cette question.

Par ailleurs, au moment des débats de la loi du 28 mars 2011, l’Autorité de la concurrence avait été saisie afin qu’elle puisse donner son avis sur cette même question. Le 27 mai 2010, elle a rendu un avis négatif en précisant qu’un acte juridique devait nécessairement comporter la signature d’un professionnel du droit. Un expert-comptable dispose de toutes les compétences comptables, possède certaines compétences juridiques mais n’a pas les compétences juridiques suffisantes pour renforcer la valeur d’un contrat.

Aurait-on pu mettre en place des solutions alternatives ?

Il existe deux solutions alternatives auraient pu être mises en place :

L’État aurait pu faire peser la responsabilité de la purge des droits de préemption sur les avocats et les notaires en soumettant la cession de parts de SCI à l’intervention obligatoire de l’un ou l’autre de ces praticiens du droit qui, en cas de violation du droit de préemption qui entraîne la nullité de l’acte, trouverait sa responsabilité professionnelle engagée.

Une solution moins coûteuse aurait été aussi de confier à l’administration fiscale le contrôle du respect des droits de préemption en cas de cession de parts sociales de SCI. En effet, tout acte de cession de parts sociales de SCI étant actuellement soumis à la formalité de l’enregistrement auprès de l’administration fiscale, une simple extension du contrôle effectué par l’administration fiscale aurait été à même de répondre aux objectifs poursuivis par les parlementaires.

MAJ : Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 20 mars 2014, est venu censurer l’article 153 de la loi ALUR qui donnait aux experts-comptables la possibilité de rédiger des actes de cession de parts de SCI. Le Conseil Constitutionnel a déclaré cette disposition comme étant un cavalier législatif inconstitutionnel au motif que «  ces dispositions ne présentent pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial » et « qu’elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution  ».

Propos recueillis par Réginald Le Plénier
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