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Renonciation à la condition suspensive et recours éventuel à un prêt. Par Christophe Jervolino, Avocat.
Parution : mardi 25 février 2014
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Issu de la loi Scrivener du 13 juillet 1979, la condition suspensive légale d’obtention d’un prêt immobilier ne cesse de susciter des difficultés.

Dans un arrêt du 29 janvier 2014, la Cour de cassation s’est prononcée dans un cas d’espèce particulier au visa de l’article L 312-17 du Code de la consommation.

Cet article dispose que :
« Lorsque l’acte mentionné à l’article L. 312-15 indique que le prix sera payé sans l’aide d’un ou plusieurs prêts, cet acte doit porter, de la main de l’acquéreur, une mention par laquelle celui-ci reconnaît avoir été informé que s’il recourt néanmoins à un prêt il ne peut se prévaloir du présent chapitre.

En l’absence de l’indication prescrite à l’article L. 312-15 ou si la mention exigée au premier alinéa du présent article manque ou n’est pas de la main de l’acquéreur et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l’article L. 312-16. »

En l’espèce, la promesse unilatérale de vente prévoyait dans un paragraphe intitulé « financement de l’opération » que le prix de l’acquisition serait financé à l’aide d’un prêt relais éventuel, hors condition suspensive, et que pour satisfaire aux dispositions de l’article L.312-17 du Code de la consommation, l’acquéreur a écrit de sa main « je déclare que j’effectuerai cette acquisition sans recourir à un prêt. Je reconnais avoir été informé que si je recours néanmoins à un prêt, je ne pourrai me prévaloir de la condition suspensive de son obtention prévue par le chapitre II du titre I du livre III du code de la consommation relatif au crédit immobilier », suivi de sa signature.

En réalité, l’acquisition devait être financée au moyen du prix de la revente d’un autre bien immobilier concomitamment mis en vente.

Dans l’attente de la réalisation de cet actif, l’acquéreur avait sollicité un prêt relais.

Ledit prêt ayant été refusé, l’acquéreur refusait également de poursuivre l’acquisition de l’immeuble.

Le vendeur saisissait alors le tribunal en paiement de l’indemnité d’immobilisation et en paiement de dommages et intérêts.

L’acquéreur pour échapper à cette demande tentait d’invoquer l’illicéité de sa renonciation au bénéfice de la condition suspensive d’obtention d’un prêt au regard des dispositions de l’article L.312-16 du Code de la consommation, lesquelles sont d’ordre public de protection, au motif que sa renonciation à la condition suspensive ne pouvait intervenir qu’une fois le droit acquis alors qu’en l’espèce il avait renoncé aux dispositions protectrices de la loi dès la signature de la promesse, et non une fois que le prêt lui avait été refusé.

Qu’en outre, il indiquait que cette renonciation n’était pas conforme à la réalité en ce sens qu’elle était contraire aux énonciations mêmes de la promesse de vente aux termes de laquelle le cadre pré imprimé « financement avec emprunt » avait été ainsi complété de sa main « éventuel, hors condition suspensive » et que le vendeur ne pouvait lui imposer une renonciation à ce droit alors qu’elle savait qu’il entendait recourir à un prêt.

La Cour d’appel rejetait la demande du vendeur, et validait ce raisonnement, en indiquant que l’acquéreur devait recourir à un emprunt pour financer l’achat du bien immobilier, comme l’ajout de la mention du recours à un prêt relais éventuel l’indiquait, et qu’ainsi, nonobstant la mention manuscrite contraire apposée par lui sur la promesse de vente, en réalité le prix de cet immeuble devait être payé à l’aide d’un prêt, en sorte que l’acte était nécessairement conclu sous la condition suspensive de son obtention.

La Cour de cassation vient censurer cet arrêt au motif que la Cour n’a pas recherché si le vendeur avait connaissance, lors de la conclusion de la promesse de vente, de l’intention de l’acquéreur de recourir à un prêt.

Cette décision sévère illustre la pleine efficacité des mentions imposées par la loi... et le fait que la protection de l’acquéreur-emprunteur n’est pas sans limites...

Malgré la mention du recours à un prêt relais, la renonciation expresse au bénéfice de la condition suspensive et l’indication que l’acquisition se ferait sans prêt doit jouer pleinement son efficacité.

Il est donc plus que conseillé d’avoir recours à un professionnel du droit avant de signer un compromis de vente ou tout autre contrat, afin d’en garantir la pleine efficacité, et éviter, comme dans ce cas d’espèce, de lourdes condamnations pécuniaires. (L’indemnité d’immobilisation était de 120 000 euro...)

Me PION - Me JERVOLINO - Me BAYLOT - Me MORABITO Cabinet GOBERT ET ASSOCIES Avocats Associés www.gobert-associes.fr Tel : 04 91 54 73 51