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Fixation de la pension alimentaire. Par Bruno Ancel, Avocat.
Parution : jeudi 27 février 2014
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La détermination de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, communément appelée la « pension alimentaire », est un sujet très controversé. Faut-il privilégier les critères uniquement économiques ? Ou doit-on prendre en compte des éléments plus subjectifs tels que les besoins réels de l’enfant ? Toute disparité démographique est-elle gommée par l’utilisation d’un barème ?

La question est sensible et tout arbitrage en la matière est fort délicat.
Quoi qu’il en soit, les chiffres sont inquiétants : plus de 40 % des sommes dues restent impayées. Si les pensions versées sont de 180 euros en moyenne, il reste que certaines personnes se voient octroyées parfois seulement 50 euros, ce qui fait naître un fort sentiment d’injustice.

L’article 203 du Code civil indique que « les époux contractent par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ». Cette obligation est également présente à l’article 27 de la convention internationale des droits de l’enfant :

« Les États parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social. C’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant. »

Elle ne concerne pas seulement les frais de nourritures ou de vêtements, autrement dit les besoins matériels, mais intègre également la santé de l’enfant (Cass. ass. plén., 20 juill. 1979 : Bull. civ. 1979, ass. Plén) ou son éducation.

La fixation équitable de la pension alimentaire participe de l’exigence d’une justice de qualité. Le barème de la chancellerie est-il un instrument fiable, juste, suivi dans la pratique ? Cet outil introduit par la circulaire du 12 avril 2010 vise à aider un tant soit peu les magistrats dans leur prise de décision.

De plus, il favorise la coopération entre les parents dans la mesure où il s’appuie sur des éléments concrets : les revenus du parent débiteur, le nombre d’enfants et le droit de visite et d’hébergement ( réduit, classique, alternée ).

Malgré sa vertu pédagogique, force est de constater qu’il ne prend pas en compte plusieurs données tels : l’âge des enfants, leur état de santé, le niveau de vie des parents, le prix du trajet d’un domicile à l’autre, les frais de scolarité ainsi que les dépenses extrascolaires.

Ce barème ignore également le versement d’une pension à des enfants d’un premier lit ou les crédits contractés. Cette table de référence ne doit être selon nous qu’un point de repère et ne saurait en aucun cas réduire l’horizon intellectuel du juge et sa latitude dans la détermination de la pension.

Chaque situation est singulière et doit faire l’objet d’un examen minutieux. Le rôle de l’avocat est essentiel pour vous aider à obtenir une contribution financière à la hauteur de vos espérances.

Notons que l’Allemagne, le Canada ou encore l’Australie ont recours à des barèmes afin de donner une base objective à leur décision. Dans ces différents pays, les parties ne saisissent le juge que si elles estiment que l’utilisation des tables de références est inadéquate. Le magistrat vérifie s’il convient d’utiliser ou d’exclure le barème.

En France, en octobre 2013, la Cour de cassation a censuré les juges de la Cour d’appel d’Angers pour avoir fondé leur décision relative à la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant due par le père sur le barème de la Chancellerie. Selon elle, il était important de considérer les besoins réels de l’enfant et les capacités financières des parents.

Cette position est louable et témoigne d’une justice à visage humain qui privilégie une analyse au cas par cas. Dans le même sens, il convient de relever que la loi belge impose au juge de préciser les critères utilisés pour déterminer le montant des pensions allouées.

Les sommes octroyées semblent difficilement prévisibles dans la mesure où les décisions sont peu homogènes d’un tribunal à l’autre. Le même phénomène est perceptible aux États-Unis où chaque État donne sa propre interprétation des référentiels en matière de pension alimentaire.

On peut repérer en France certaines constantes malgré tout. En effet, le montant varie en fonction des revenus du parent débiteur et du versement ou non d’une prestation compensatoire. L’introduction d’un nouveau modèle qui s’appuierait sur d’autres paramètres semble une nécessité puisqu’une application mécanique, purement arithmétique d’un barème, peut être déconnectée de la réalité.

Souhaitons que la réforme en cours figurant dans le projet de loi égalité homme femme apporte un renouveau, aussi infime soit-il, en la matière et améliore le paiement des pensions alimentaires.

Maître ANCEL Bruno Site internet : www.avocat-ancel.fr
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