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L’utilisation du domicile à des fins professionnelles. Par Juliette Clerbout, Avocat.
Parution : lundi 3 mars 2014
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De plus en plus de salariés travaillent à leur domicile. Dans certains cas la totalité de la prestation de travail s’effectue au domicile du salarié, dans d’autres cas le salarié est le plus souvent sur la route mais utilise son domicile pour les tâches administratives qu’il doit accomplir.

L’utilisation du domicile à des fins professionnelles s’amplifie notamment en raison du développement du travail sur internet.

Le domicile du salarié est un lieu privé. Ce lieu abrite le salarié mais également sa famille. Le domicile du salarié n’étant pas un lieu de travail comme les autres la jurisprudence a posé des règles protectrices pour le salarié.

En effet face au développement de l’utilisation du domicile à des fins professionnelles la jurisprudence a posé 3 grands principes :

-  Un salarié a le droit de refuser de travailler chez lui,
-  Le travail à domicile doit être indemnisé,
-  L’employeur d’un salarié travaillant à son domicile ne peut en principe pas lui imposer de retourner travailler dans un établissement de l’entreprise.

Nous allons examiner successivement ces trois grands principes.

Tout d’abord le salarié n’est pas obligé d’accepter de travailler chez lui. Il peut en effet refuser de travailler à son domicile.

Ainsi la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt de principe rendu le 2 octobre 2001, a expliqué que « le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail. » (N° de pourvoi : 99-42727)

Cette solution est valable même si l’entreprise a décidé de fermer le local dans lequel travaillait le salarié, ce qui était le cas dans cette affaire.

Si l’employeur ne respecte pas la volonté du salarié de ne pas travailler chez lui, la Cour de cassation estime que cela constitue une modification unilatérale de son contrat autorisant le salarié à prendre acte d’une rupture du contrat s’analysant en un licenciement. (N° de pourvoi : 99-42727)

(Pour plus de clarté il sera rappelé aux lecteurs de cet article que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse soit comme une démission soit comme un licenciement selon les faits qui la justifient.)

Si le salarié accepte de travailler chez lui il doit recevoir pour cela une indemnisation.

Dans un arrêt rendu le 7 avril 2010 la Chambre sociale de la Cour de cassation a, pour la première fois, affirmé que le salarié doit percevoir une contrepartie financière lorsqu’il occupe à la demande de son employeur une partie de son domicile pour les besoins de son activité professionnelle.

Dans cet arrêt la Chambre sociale affirme en effet que « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail ; que si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile. » (N° de pourvoi : 08-44865)

Cet arrêt pose le principe de l’indemnisation du salarié qui accepte, sur proposition de son employeur, de travailler à son domicile.

Il convient de préciser que bien évidemment l’indemnisation de cette sujétion particulière s’ajoute au remboursement des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile.

Enfin, l’employeur d’un salarié travaillant à son domicile ne peut en principe pas lui imposer de retourner travailler dans un établissement de l’entreprise.

Dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 avril 2005 les juges ont expliqué que le fait pour un employeur d’imposer à un salarié de se rendre deux jours par semaine au siège de la société (situé à plus de 200 kilomètres du domicile du salarié) pour exécuter ce travail constituait une modification de son contrat que le salarié était en droit de refuser. Il convient de préciser qu’auparavant le salarié travaillait tous les jours chez lui. (N° de pourvoi : 02-47621)

Juliette Clerbout Avocat à Arques (62 510) http://julietteclerboutavocat.fr/