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Les effets de la prise d’acte par un salarié protégé lorsque celle-ci est justifiée. Par Laurent Vovard, Avocat.
Parution : vendredi 21 mars 2014
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Rappel : le salarié a la possibilité de prendre l’initiative de rompre son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur. En principe, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, une démission [1].

Il est également admis que la prise d’acte justifiée produit les effets d’un licenciement nul dans plusieurs hypothèses : lorsqu’elle est le fait d’un salarié protégé ouvrant ainsi droit à réparation prévue en cas de violation du statut protecteur [2] ; lorsqu’elle est le fait d’un salarié concerné par une procédure de suppression d’emploi pour raisons économiques et qu’elle est motivée par l’absence ou l’insuffisance du PSE et, enfin, lorsqu’elle est le fait d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail.

Un arrêt de la Chambre sociale de la cour de cassation du 12 mars 2014, publié au bulletin [3] rappelle les effets de la nullité du licenciement du salarié protégé au regard notamment des indemnités auxquelles il peut prétendre.

En l’espèce, un délégué du personnel suppléant a pris acte de la rupture de son contrat de travail en imputant à son employeur des faits de harcèlement moral et « menaces de mort ».

Estimant que la prise d’acte était justifiée, la Cour d’appel a dit qu’elle devait produire les effets d’un licenciement nul ouvrant droit aux indemnités légales ou conventionnelles de rupture et à l’indemnisation du préjudice subi, sans cumul des indemnités liées au mandat.

Le salarié a formé un pourvoi contre cette décision en faisant valoir que l’indemnité consécutive à la nullité du licenciement était une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait du percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours.

La Chambre sociale de la Cour de cassation lui donne raison en censurant la décision de la Cour d’appel au visa de l’article L.2411-5 du Code du travail (licenciement d’un délégué du personnel) :

« Qu’en statuant ainsi alors qu’elle retenait que la prise d’acte était justifiée et produisait les effets d’un licenciement nul, en sorte qu’elle ouvrait droit, au titre de la violation du statut protecteur dont bénéficiait le salarié, à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de sa décision, a violé le texte susvisé »

La solution est classique [4] et peut parfois conduire à des indemnités calculées sur une soixantaine de mois ! (pour rappel, les délégués du personnel sont en principe élus pour 4 ans).

A noter, en revanche, que bien que le licenciement soir considéré comme nul, le salarié protégé qui a pris acte de la rupture ne peut demander sa réintégration [5].

Laurent Vovard Avocat au Barreau de Paris https://vovard-avocat.com/

[1Cass. Soc. 25 juin 2003

[2par exemple, Cass. Soc. 17 novembre 2011, n°10-16353

[3n°12-20108

[4Cass. Soc. 29 janvier 2013

[5Cass. Soc. 29 mai 2013

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