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Propriété intellectuelle : comment protéger un logiciel ? Conditions de protection par le droit d’auteur. Par Pierre de Roquefeuil, Avocat.
Parution : lundi 24 mars 2014
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La liberté du commerce et de l’industrie, de la concurrence, permet à un industriel, hors cas de fraude, de vendre des produits similaires à ceux de ses concurrents qui ne font pas l’objet d’une protection de propriété intellectuelle (domaine public).

Lors de l’organisation d’une protection juridique d’un logiciel à partir de la France l’entrepreneur de logiciel considérera donc les droits de propriété intellectuelle auxquels il peut prétendre, leur portée et leur efficacité.

La liberté du commerce et de l’industrie, de la concurrence [1], permet à un industriel, hors cas de fraude, de vendre des produits similaires à ceux de ses concurrents qui ne font pas l’objet d’une protection de propriété intellectuelle (domaine public).

Lors de l’organisation d’une protection juridique d’un logiciel à partir de la France l’entrepreneur de logiciel considérera donc les droits de propriété intellectuelle auxquels il peut prétendre, leur portée et leur efficacité.

Indépendamment des questions de titularité des droits : sur la portée du droit d’auteur :

Celui-ci a une portée internationale. Il est visé, pour un résultat qui n’est cependant pas harmonisé, par de nombreuses conventions internationales - par exemple, pour les plus connues, la convention de Berne de 1886 [2], l’accord APDIC [3] - des textes communautaires, dont la directive programmes d’ordinateur [4], et les législations nationales.

Le droit d’auteur est étendu mais ne protège pas, en principe, les fonctionalités.

Le droit patrimonial d’auteur a une portée de 70 ans post mortem ou à compter de la divulgation du logiciel [5] et s’étend aux nombreux pays qui reconnaissent l’oeuvre et le droit d’auteur qu’elle fait naître, en particulier en vertu de la convention de Berne, art.5(1).

Pour prétendre au droit d’auteur le logiciel doit être original, c’est-à-dire non imposé par un contexte technique ou des standards de programmation [6].

Les logiciels à effet audiovisuel important du type des jeux vidéo, qui mettent en oeuvre de riches contenus graphiques et artistiques, se distinguent des autres en ce qu’ils font appel au droit d’auteur spécifique aux oeuvres audiovisuelles, voire au droit des dessins et modèles et des marques.

Toutefois, en ce qui concerne les premiers et les seconds le droit d’auteur a un impact qui peut paraître plus ou moins limité car il ne protège le titulaire des droits que contre la copie.

En effet, le droit d’auteur ne protège pas contre la reprise par un tiers des fonctionalités, idées, genres, principes, méthodes, systèmes, cahiers des charges, “design” spécifications, mis en oeuvre par le logiciel ; un tiers peut donc développer un logiciel similaire dans ses fonctionalités de façon indépendante et loyale, dès lors qu’il ne se contente pas de recopier un autre logiciel.

Usuellement d’ailleurs les cahiers des charges, les design spécifications, le savoir-faire, ne sont pas protégés par des droits de propriété intellectuelle [7]. Toutefois leur captation peut être sanctionnée par le bias d’une action en concurrence déloyale ou parasitaire et par une action en responsabilité contractuelle pour violation de confidentialité. En effet la liberté du commerce et de l’industrie ne permet pas pour autant les actes de fraude, de concurrence déloyale ou parasitaire.

En revanche la conception du programme manifestée dans les organigrammes, l’architecture (spécifications fonctionnelles, enchaînement des sous-programmes) ainsi que les programmes source et objet qui en sont la réalisation sont bien protégés par le droit d’auteur, étant précisé toutefois que ce sont les expressions à l’écran qui sont protégées en premier lieu.

Ainsi, si une reprise des éléments importants de la structure interne du logiciel est un indice de contrefaçon de l’ensemble du logiciel mais que l’expression à l’écran est différente, l’allégation de contrefaçon sera d’un intérêt réduit à proportion et plus aisément contestable.

Afin de protéger des fonctionalités nouvelles et inventives l’entrepreneur cherchera plutôt une protection par brevet, plus lourde, plus limitée dans le temps et dans l’espace, mais qui protège les inventions contre les exploitations non autorisées telles que par exemple la fabrication de produits mettant en oeuvre l’invention.

Il démontrera alors devant l’office de brevets que son logiciel fait partie d’une invention, qu’il constitue une étape d’un processus à “effet technique” apte à résoudre un problème technique. Les logiciels sans effet technique, tels les logiciels courants de productivité ou de loisirs à disposition du public seront donc usuellement exclus de cette protection par brevet.

En revanche si le logiciel a un effet technique ou industriel, participe à la résolution d’un problème technique et peut, d’après les consignes de l’Office européen des brevets [8], être qualifiée d’”invention mise en oeuvre par ordinateur”, il pourra prétendre à la protection par brevet.

Le droit d’auteur naît sans formalités (convention de Berne art.5(2) mais le dépôt confidentiel voire la publication de la création aura un impact dans le procès en contrefaçon.

Le droit d’auteur naît dès l’acte de création sans formalités préalables, à l’inverse du brevet qui nécessite le dépôt d’une demande de brevet auprès d’un office étatique. Les dépôts qui peuvent être prescrits par ailleurs (dépôt légal, obligations fiscales et comptables) ne conditionnent pas la naissance du droit.

Par exemple la formalité française du dépôt légal pour la conservation du patrimoine ne concerne que les oeuvres destinées à être mises à la disposition du public et ne fait pas obstacle à la naissance du droit d’auteur.

La qualité d’auteur appartient en effet, sauf preuve contraire, - et sauf législation nationale plus exigeante qui ne suivrait pas le droit international usuel en la matière -, à celui sous le nom (par exemple le nom de l’entreprise) de qui l’oeuvre est diffusée (diffusion restreinte ou large), avec, de préférence, et pour se prémunir d’autres réticences de législations nationales étrangères, la “notice de copyright” (lettre c entourée d’un cercle : Ⓒ), et la date de publication, instituée par la Convention universelle de Genève du 6 septembre 1952 [9] ; ce qui n’empêche pas d’indiquer le nom du développeur ou de l’équipe concernée.

Le titulaire présumé doit toutefois pouvoir prouver, dans certaines hypothèses, l’acte de création ou l’acquisition légitime des droits.

Un intérêt du droit des brevets tient à ce que le dépôt de la demande de brevet permet de réserver l’invention même quand la demande n’est pas encore publiée, ce qui permet d’obtenir une protection même pendant la phase de développement confidentiel.

En ce qui concerne le droit d’auteur aucun dépôt n’est en principe exigé mais le dépôt auprès d’organismes publics ou privés spécialisés (offices publics, agences privées de protection des programmes [10], sociétés de gestion des droits) permettra d’opposer à quiconque, dans le cadre d’une contestation, une date de dépôt et une présomption de propriété par le déposant. Le dépôt confidentiel auprès d’un office ou d’une agence permettra d’opposer le droit d’auteur au supposé contrefacteur contre lequel on démontrera qu’il a forcément été mis en présence du logiciel copié et qu’il l’a copié.

La publication, par mise à disposition du public d’exemplaires du logiciel, n’est pas requise pour assurer au logiciel une protection par le droit d’auteur et il est par conséquent possible d’assurer la confidentialité du développement du logiciel par un dépôt confidentiel.

Aux Etats-Unis le dépôt au Copyright office est en outre nécessaire pour permettre le rapatriment des redevances, l’action des douanes et la condamnation du contrefacteur à des dommages statutaires (forfait prédéfini par les textes) et à l’indemnisation des frais d’avocat [11].

En l’absence de ce dépôt la victime conserve toutefois les recours pénaux et la possibilité de demander l’indemnisation de son dommage réel, à priori plus difficile à établir.

Ce dépôt n’est pas de nature à porter atteinte à la confidentialité du développement avant commercialisation, grâce aux mécanismes de “preregistration”, de dépôt non public, ou aux délais accordés pour enregistrer. FIN

Pierre de Roquefeuil, Avocat, Paris