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La rémunération des salariés grévistes. Par Laurent Vovard, Avocat.
Parution : jeudi 3 avril 2014
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Un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 26 mars 2014 (n°12-18-125) est l’occasion de faire le point sur la rémunération des salariés grévistes, plus particulièrement sur les conditions dans lesquelles l’absence consécutive à la grève peut être prise en compte dans le calcul d’une prime ou l’application d’un accord d’intéressement.

Rappel des principes :

Le contrat de travail étant suspendu pendant la grève, l’absence de travail par le salarié gréviste entraîne l’absence de salaire et de ses accessoires sauf si la grève est motivée par un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations [1]. La réduction de salaire – calculée sur l’horaire mensuel des intéressés – doit être proportionnelle à la durée de l’interruption de travail à défaut de quoi elle s’interpréterait comme une sanction pécuniaire prohibée.

Cela étant précisé, l’article L 2511-1 du Code du travail pose le principe selon lequel l’exercice du droit de grève « ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux … »

Il est notamment fait application de ce principe dans le cas des primes dites « d’assiduité » (ou accords d’intéressement) mises en place par l’employeur prévoyant que la prime fera l’objet d’un abattement en cas d’absence du salarié.

La Chambre sociale de la Cour de cassation s’assure que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences [2]. Ce qui la conduit ainsi à sanctionner la mise en place de prime d’assiduité visant implicitement les grévistes par multiplication des cas de maintien de la prime (maternité, formation…).

Illustration : Cass. Soc. 26 mars 2014

Une société avait refusé le versement, à l’un de ses salariés, de deux jours d’intéressement et d’un quantième du treizième mois en raison d’absences pour fait de grève.

Le salarié avait saisi le Conseil des Prud’hommes qui avait condamné l’employeur à lui verser les sommes litigieuses, estimant qu’en application de l’article L 2511-1 du Code du travail, l’exercice du droit de grève ne pouvait donner lieu à aucune mesure discriminatoire.

Un pourvoi avait immédiatement été interjeté par l’employeur contre cette décision.

La Chambre sociale de la cour de cassation commence par rappeler que :

« l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution »

Analysant les cas d’absence donnant lieu à abattement, la Cour de cassation censure ainsi la décision du Conseil des Prud’hommes au motif :

« qu’en statuant comme il l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations qu’à l’exclusion des absences pour accident de travail, légalement assimilées à un temps de travail effectif, toutes les autres absences prévues par l’accord d’entreprise conclu le 2 juin 1982, donnaient lieu à réduction ou suppression de congés supplémentaires, ce dont il résultait que la retenue opérée par l’employeur pour absence pour fait de grève ne revêtait aucun caractère discriminatoire, le conseil de prud’hommes a violé par fausse application le texte susvisé… »

Laurent Vovard Avocat au Barreau de Paris https://vovard-avocat.com/

[1par exemple Cass. Soc. 4 décembre 2007 RJS 2/08, n°216

[2Cass. Soc. 4 mai 2011