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Forfait jours Syntec : le nouvel accord de branche du 1er avril 2014. Par Ludovic Sautelet, Avocat.
Parution : jeudi 3 avril 2014
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Le 1er avril 2014 un nouvel accord a été conclu dans la branche Syntec, avec pour objectif de sécuriser les conventions de forfait jours conclues dans le secteur.

Le forfait jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non pas en heures.

Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s’engager à effectuer chaque année. Ainsi, le salarié concerné est réputé avoir accompli une journée de travail (ou demi-journée) quel que soit le temps qu’il a réellement consacré à son activité professionnelle.

En pratique, le forfait jours déroge aux dispositions relatives aux heures supplémentaires et à la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail.

Seules les règles applicables au repos journalier (11 heures consécutives) et au repos hebdomadaire (un repos tous les six jours d’une durée ininterrompue de 24 heures) sont applicables.

Malgré quelques abus, le forfait jours est largement répandu dans les entreprises.

A compter de 2011, la Cour de cassation a elle-même commencé à s’y intéresser, en invalidant un certain nombre de conventions collectives sur la question des forfaits jours.

Si la convention collective de la Métallurgie a réussi à passer entre les mailles du filet de la Cour de cassation (Soc, 29 juin 2011, n°09-71107), tel n’est pas le cas de :

Le 24 avril 2013, c’était au tour du dispositif de la convention collective Syntec sur le forfait jours d’être invalidé par la Cour de cassation, au motif que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (Soc, 24 avril 2013, n°11-28398).

En effet, la Cour de cassation avait préalablement encadré les conventions de forfait jours et posé un certain nombre de conditions à leur validité, et notamment le fait que toute convention de forfait en jours devait être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Ainsi, dans l’arrêt du 31 janvier 2012 (n°10-19807), la Cour de cassation avait jugé qu’il était possible – en l’absence d’accord d’entreprise – de signer des conventions individuelles de forfait en jours, qu’à la condition que la convention collective prévoit elle-même un certain nombre de garanties pour le salarié, tel que notamment :

Or, cela n’était pas le cas de la convention collective Syntec et c’est ce que la Cour de cassation a jugé dans son arrêt du 24 avril 2013.

Compte tenu de l’insécurité juridique en résultant, il devenait urgent de négocier au sein de la branche Syntec, afin de mettre le dispositif sur les forfaits jours en conformité avec les dernières jurisprudences de la Cour de cassation.

D’autant que, par un arrêt du 12 mars 2014, la Cour de cassation a jugé que l’employeur devait impérativement prévoir – pour tous les salariés en forfait jours, et ce quel que soit la date de conclusion de la convention – un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle (Soc, 12 mars 2014, n°12-29141).

C’est ce qu’ont fait les partenaires sociaux de la branche Syntec, comme avant eux ceux de la branche Plasturgie, avec ce nouvel accord sur les forfaits jours dans la branche Syntec qui prévoit dorénavant :

1) Les salariés concernés

Il s’agit là d’un élément essentiel.

Aux termes de l’accord, il s’agit du personnel exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite ou de supervision de travaux, disposant d’une large autonomie, liberté et indépendance dans l’organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées.

L’accord Syntec ajoute que les salariés concernés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d’initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu’ils consacrent à l’accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l’entreprise. Ils doivent donc disposer d’une grande latitude dans leur organisation du travail et la gestion de leur temps.

Il doit s’agir au minimum de salariés relevant de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective Syntec ou bénéficiant d’une rémunération annuelle supérieure à 2 PASS ou qui sont mandataires sociaux.

Le personnel concerné doit aussi bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie.

2) Le nombre de jours de travail

Le forfait prévu est de 218 jours de travail maximum par année complète, journée de solidarité incluse.

Néanmoins, l’accord prévoit un système de rachat de RTT, en contrepartie du versement d’une majoration minimum de 20 % de la rémunération jusqu’à 222 jours et 35 % au-delà.

Cela est plus avantageux que le système légal (qui prévoit une majoration de 10 %).

Dans tous les cas, ce dispositif de rachat ne peut avoir pour conséquence de porter le nombre de jours travaillés au-delà de 230 jours.

3) Le contrôle du temps de travail

Contrairement à l’accord de branche de la Plasturgie sur le forfait jours, l’accord de branche Syntec précise, quant à lui, que les salariés concernés ne sont pas soumis aux durées légales maximales quotidiennes et hebdomadaires.

Néanmoins, pour se conformer à la jurisprudence de la Cour de cassation l’accord Syntec prévoit que le forfait en jours s’accompagne d’un décompte des journées travaillées au moyen, dit le texte, d’un « suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l’employeur ».

L’accord ajoute que l’employeur est tenu d’établir un document qui doit faire apparaitre le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre du respect du plafond de 218 jours.

Et l’accord précise que ce suivi est établi par le salarié sous le contrôle de l’employeur.

4) L’encadrement du temps de repos

Sur ce point, le texte précise que l’effectivité du respect par le salarié des durées minimales de repos implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance.

Le texte ajoute que l’employeur veillera à mettre en place un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié.

Il s’agit assurément là d’une nouveauté, mais qui n’est guère très précise.

5) Le droit d’alerte

Autre nouveauté : à l’instar de l’accord de branche de la Plasturgie sur le forfait jours, le salarié, en cas de charge de travail excessive, aura la possibilité d’émettre par écrit une alerte auprès de l’employeur, qui dans ce cas devra le recevoir dans les 8 jours avant de formaliser par écrit les mesures pour y remédier.

6) Les deux entretiens annuels individuels

Le texte institue également un minimum de deux entretiens annuels individuels, à l’occasion desquels seront évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et enfin la rémunération du salarié.

Enfin, l’accord prévoit aussi la possibilité d’un troisième entretien en cas de difficultés inhabituelles, outre une information-consultation du CE sur le recours aux forfaits jours dans l’entreprise ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés, un contrôle par le CHSCT, des mentions particulières dans la base de données économiques et sociales unique et la possibilité d’une visite médicale annuelle distincte pour les salariés qui le souhaitent.

Ludovic Sautelet, Avocat au Barreau de Paris sautelet@lafond-sautelet.com
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