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Gestation pour autrui : encore un refus de transcription. Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat.
Parution : mercredi 30 avril 2014
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La Cour de cassation vient à nouveau de refuser la transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour autrui, fût-elle licite à l’étranger. (Cass. Civ. 1ère, 19 mars 2014 consultable sur le site de la Cour de cassation).

Le visa est les articles 16-7, 16-9 et 336 du Code civil.

L’article 47 du Code civil dispose que "Tout acte de l’état civil des français fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si l’acte est irrégulier, falsifié ou que les faits ne correspondent pas à la réalité"

Sur la base de cet article un père français ayant eu recours à une mère porteuse en Inde malgré l’interdiction de cette pratique en France (Art 16-7 et 16-9 Code civil), ne pouvait pas imaginer que la transcription de l’acte de naissance de leur enfant sur les registres français pouvait être refusée.

La Cour d’appel de Rennes avait autorisé la transcription avec les mêmes arguments, mais la Cour de cassation va casser ce raisonnement. Selon la Cour d’appel le père pouvait obtenir transcription de sa paternité sur les registres français dès lors que la régularité formelle et la conformité à la réalité des énonciations des actes litigieux n’étaient pas contestées (l’enfant avait été certes portée par une mère porteuse, mais avec les gamètes de celui qui voulait assumer sa paternité). Or, c’est ce raisonnement que remet ici en cause la Cour de cassation.

La Cour fait une appréciation globale de l’opération et parle de "processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour autrui". Peu importe, donc, la réalité biologique : le père biologique ne pourra, en France, obtenir cette transcription dès lors qu’il est démontré que c’est par le biais d’un convention de gestation pour autrui que l’enfant a été conçu. Il s’agit d’une conception très stricte de l’ordre public.

Ce refus de la gestation pour autrui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour. Dans ces arrêts du 6 avril 2011 et du 13 septembre 2013, la Cour avait rendu la même solution marquant sa sévérité sur les convention de mères porteuses.

En effet, la gestation pour autrui heurte l’ordre public international français. C’est à dire l’ensemble de valeurs intangibles et supérieures parmi lesquelles figure l’indisponibilité du corps humain. Cet arrêt est donc conforme aux articles 16-7 et 16-9 qui disposent que toute convention de gestation pour autrui est nulle car portant atteinte à l’ordre public.

Cette position de la Cour suscite beaucoup de débats dans la doctrine. Pour certains observateurs, cet arrêt n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant prévu à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France. Ce refus de la Cour peut avoir des conséquences rigoureuses pour l’enfant qui dans la mesure où il ne se voit reconnaître par le droit français aucun lien de filiation, avec ses parents, ne peut pas acquérir la nationalité française sur le fondement de la filiation.

Caroline ELKOUBY SALOMON Avocat au Barreau de Paris Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine Associée du cabinet BES Avocats www.bes-avocats.com
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