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Loi Hamon : le nouveau régime des contrats conclus à distance et hors établissement. Par Amanda N’Douba, Elève-Avocate.
Parution : mardi 10 juin 2014
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La loi Hamon du 17 mars 2014, entrée en vigueur le 19 mars 2014, transpose quasiment mot à mot la directive communautaire n°2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, entraînant la fusion des régimes juridiques de ce qu’on appelait jusqu’ici le démarchage et la vente à distance.

I. Harmonisation des régimes

La loi Hamon procède à la fusion des régimes, auparavant distincts, du démarchage à domicile (donnant lieu à « un contrat hors établissement ») et de la vente à distance, notamment en ce qui concerne les informations précontractuelles et le droit de rétractation.

Le nouvel article L.121-16 du Code de la consommation définit ainsi les notions de « contrat à distance » et de « contrat hors établissement » comme suit :

Le contrat à distance est « un contrat entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat  » ;

Le contrat hors établissement (notamment le contrat de vente) est conclu en présence des parties dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel ou conclu dans l’établissement commercial du professionnel immédiatement après que le consommateur ait fait l’objet d’une offre dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce son activité habituellement, et en particulier lors d’une excursion organisée par le professionnel.

Un certain nombre de contrats sont exclus du champ d’application de la vente hors établissement et de la vente à distance tels que les contrats portant sur les jeux d’argent ou sur les services financiers [1].

En outre, la nouvelle loi prévoit que certaines dispositions relatives aux contrats hors établissement sont applicables entre deux professionnels, sous réserve que ces contrats ne soient pas relatifs à l’activité professionnelle principale du professionnel sollicité, et que ce dernier n’emploie pas plus de cinq salariés [2].

II. Le régime juridique applicable

Comme la directive européenne, la loi Hamon prévoit des dispositions communes aux contrats conclus à distance et hors établissement (A) et des règles spécifiques aux contrats hors établissement (B) ainsi qu’aux contrats conclus à distance (C).

A. Les dispositions communes aux contrats conclus à distance et hors établissement

Ces dispositions communes portent notamment sur les obligations d’informations précontractuelles (1) et sur le droit de rétractation (2).

1. Obligations d’informations précontractuelles à la charge du professionnel à l’égard du consommateur

Le nouvel article L.121-17 du Code de la consommation impose au professionnel, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, qu’il communique au consommateur, de manière lisible et compréhensibles les informations contenues aux articles L.111-1 et 111-2 dudit code, à savoir :

• les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
• le prix du bien ou du service ;
• en l’absence d’exécution immédiate, la date ou le délai dans lequel il s’engage à livrer le bien ou exécuter le service ;
• les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

La liste de ces informations sera ultérieurement précisée par décret

Par ailleurs, la loi précise que le professionnel doit informer le consommateur de son droit à rétractation et, à cet effet, créé un formulaire type de rétractation dont les mentions seront fixées par décret ultérieurement.

Le consommateur doit également être averti des conditions financières de l’exercice de son droit de rétractation (frais de renvoi de la marchandise). Il appartient donc au professionnel d’apporter la preuve qu’il a bien porté à la connaissance du consommateur les informations précontractuelles.

Dans l’hypothèse où consommateur n’en aurait pas été informé, ce dernier sera dispensé des frais de renvoi de la marchandise ainsi que des frais supplémentaires, notamment de transport et de livraison. Ces frais seront à la charge du professionnel négligeant.

Il est à noter que si le contrat conclu avec le consommateur n’est pas soumis au droit de rétractation, en application des dispositions de l’article L.121-8, ce dernier doit tout de même en être informé.

2. Le délai de rétractation

Allongement du droit de rétractation

La loi Hamon modifie la réglementation applicable au délai de rétractation pour les contrats à distance et hors établissement conclus après le 13 juin 2014.

Le consommateur disposera à cette date d’un délai rétractation de 14 jours et non plus de 7 jours, qu’il pourra exercer, sans motiver sa décision et sans en supporter les frais [3].

Le point de départ du délai de rétractation diffère selon les situations. Il court à compter du jour :
de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services, de fourniture de gaz, d’électricité ou d’eau ;
de la réception du bien par le consommateur ou un tiers désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestations de services incluant la livraison de bien.

Il est prévu que le délai de rétractation soit porté à 12 mois dans l’hypothèse où le professionnel n’a pas informé le consommateur de l’existence de son droit à rétractation. Si, au cours de ce délai de 12 mois, le professionnel fournit les informations au consommateur, la durée de 14 jours reprendra vigueur au jour où le consommateur aura reçu l’information [4].

Il est important de préciser que le droit de rétractation est exclu dans certaines hypothèses prévues à l’article L.121-21-8 nouveau du Code de la consommation, dont certaines d’ailleurs existaient déjà dans la réglementation antérieure, le but étant, de prendre en considération la spécificité de certains contrats et les conséquences que l’exercice du droit de rétractation pourrait avoir sur la sécurité des relations professionnels-consommateurs.

Hors des exceptions prévues à l’article précité, la loi prévoit très clairement qu’il n’est pas possible de renoncer à l’exercice de son droit à rétractation. Tout clause prévoyant que le consommateur renonce à son droit de rétractation sera considérée comme nulle [5].

• Modalités d’exercice du droit de rétractation

Pour exprimer son intention de se rétracter, le consommateur pourra soit remplir et renvoyer au professionnel le formulaire type de rétractation prévu à l’article L.121-17, I,2° du Code de la consommation, soit envoyer un courrier en recommandé, ou encore le faire en ligne sur proposition du professionnel. Dans ce dernier cas, le professionnel devra adresser sur support durable un accusé réception de la rétractation au consommateur.

• Conséquences de l’exercice du droit de rétractation

Le nouvel article L.121-21-7 du Code de la consommation indique que «  l’exercice du droit de rétractation met fin à l’obligation des parties soit d’exécuter le contrat, soit de conclure lorsque le consommateur a fait une offre ».

Par conséquent, le consommateur devra restituer le bien au professionnel dans les 14 jours suivant communication de sa décision [6].

Quant au professionnel, il sera tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées y compris les frais de livraison, et ce, sans retard injustifié et au plus tard dans les 14 jours suivant la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter [7].

Précisons que la loi a mis en place des sanctions bien plus persuasives qu’auparavant à l’égard du professionnel qui tarderait à rembourser le consommateur :
• majoration de la somme du taux d’intérêt légal entre 0 et 10 jours de retard ;
• pénalité de 5% entre 10 et 20 jours de retard ;
• pénalité de 10% entre 20 et 30 jours de retard ;
• pénalité de 20% entre 30 à 60 jours de retard ;
• pénalité de 50% entre 60 et 90 jours de retard ;
• 5% supplémentaire par nouveau mois de retard au-delà.

A titre de comparaison, la sanction applicable jusqu’alors était une simple majoration au taux d’intérêt légal soit un taux d’intérêt de 0.04% pour l’année 2014 !

B. Dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement

Le professionnel doit fournir au consommateur, sur papier ou sur support durable (clé USB, DVD, courriel notamment) sous réserve que le consommateur l’accepte, les informations précontractuelles prévues au nouvel article L.121-17 du Code de la consommation.

Le consommateur doit obtenir un exemplaire du contrat sur papier ou sur support durable (avec son accord), qui devra faire mention des informations précontractuelles et comporter le formulaire type de rétractation.

Le professionnel ne pourra recevoir aucun paiement avant l’expiration d’un délai de 7 jours [8].

Le non-respect de l’envoi desdites informations dans les conditions précitées est punissable d’une amende administrative de 3 000 euros maximum pour les personnes physiques et de 15 000 euros pour les personnes morales.

Le professionnel qui n’envoie pas de contrat écrit ou qui accepte un paiement avant le délai de 7 jours encourt 2 ans d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros ainsi que des peines complémentaires prévues au nouvel article L.121-23 nouveau du Code de la consommation.

C. Dispositions particulières applicables aux contrats conclus à distance

Concernant les contrats conclus à distance, la loi Hamon prévoit que les informations précontractuelles listées à l’article L.121-17 du Code de la consommation doivent être fournies au consommateur de manière lisible et compréhensible sous une forme adaptée à la technique de communication.

Elle admet que dans un premier temps, seules les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou services, aux prix, à l’identité du professionnel, à la durée du contrat et au droit de rétractation soit données et que dans un second temps, le professionnel transmette au consommateur les informations complémentaires, eu égard au fait que toutes les techniques de communication ne permettent pas de donner immédiatement l’ensemble de ces informations [9].

Le professionnel doit envoyer la confirmation du contrat au consommateur sur support durable ainsi que le formulaire type de rétractation dans un délai raisonnable après la conclusion du contrat et au plus tard avant la livraison du bien ou avant l’exécution du service [10].

Il est à préciser que pour les contrats conclus par voie électronique, le professionnel a pour obligation de rappeler au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations précontractuelles prévues à l’article L.121-17 du Code de la consommation et que les sites de commerce en ligne doivent indiquer, au plus tard au début du processus de commande, les moyens de paiement acceptés [11].

Le professionnel sera tenu responsable à l’égard du consommateur du consommateur de la bonne exécution des obligations nées du contrat sauf s’il apporte la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution est imputable au consommateur ou est due à un cas de force majeure [12].

Avocate au Barreau de Paris www.and-avocat.com

[1article L.121-16-1, 1° nouveau du Code de la consommation

[2article L.121-16-1, III nouveau du Code de la consommation

[3article 121-21 nouveau du Code de la consommation

[4nouvel article L.121-21-1 du Code de la consommation

[5article L.121-21 nouveau du Code de la consommation

[6article L.121-21-2 nouveau du Code de la consommation

[7article L.121-21-4 nouveau dudit code

[8article L.121-18-2 nouveau

[9article L.121-19-1 nouveau de Code de la consommation

[10article L.121-19-2 nouveau du Code de la consommation

[11article L.121-19-3 nouveau du Code de la consommation

[12article L.121-19-4 nouveau Code de la consommation

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