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Salariés, obtenez le paiement de votre prime d’objectifs (II). Par Judith Bouhana, Avocat.
Parution : lundi 23 juin 2014
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La jurisprudence en 2013 et 2014 n’égale certes pas en volume celle de 2011 et 2012 mais apporte néanmoins une précision et d’intéressantes confirmations confirmant l’intérêt des juges à entourer ce contentieux d’un grand pragmatisme et d’une équité certaine.

Le présent article est une actualisation du précédent « Salarié, sachez obtenir le paiement de votre prime d’objectifs » qui suscite de nombreuses questions des internautes salariés concernés par le sujet.

I - Lorsque les objectifs et les conditions de calcul de la prime d’objectifs n’ont pas été précisées par l’employeur la sanction pour l’employeur est radicale : le paiement du montant maximum de la prime au salarié (Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 10 juillet 2013 n°12– 17 921).

Un salarié Directeur administratif et comptable sollicite judiciairement un rappel de salaire sur sa rémunération variable. L’employeur ayant mis fin à sa période d’essai de 3 mois, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de diverses demandes salariales dont le paiement d’un rappel de salaire sur rémunération variable.

L’employeur est condamné par la cour d’appel au paiement du montant maximal de la prime.

La Cour de cassation saisie du litige confirme l’arrêt d’appel au motif qu’ayant :« constaté que la part variable de la rémunération d’un montant maximum de 10 000 euros dépendait de la réalisation d’objectifs fixé unilatéralement par l’employeur, la cour d’appel en a exactement déduit que faute pour l’employeur d’avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables et en l’absence de période de référence dans le contrat de travail, que cette rémunération devait être payée intégralement ».

La jurisprudence clarifie les conditions de fixation judiciaire de la prime d’objectifs lorsqu’elle n’est pas fixée par l’employeur qui ne précise ni au salarié durant la relation de travail ni au juge en cours de procédure les conditions de calcul de cette prime : le paiement de la somme maximale prévue par le contrat est fixée à titre de rémunération annuelle variable.

La Cour de cassation s’est déjà prononcée sévèrement à l’égard des employeurs qui ne permettent pas au salarié de vérifier le mode de calcul de leur prime [1].

II - Confirmation et précision de la jurisprudence relative au droit au paiement de la prime d’objectifs du salarié quittant l’entreprise avant le terme de l’exercice (Cour de Cassation Chambre sociale arrêt du 13 février 2013 n°11 – 21 073 et 24 avril 2013 n° 11 – 22 151).

La question concerne la situation de nombreux salariés qui quittent l’entreprise avant la fin de l’année et s’interrogent sur l’obligation de l’employeur de leur verser ou non "prorata temporis" leur prime d’objectifs.

Dans la droite ligne du bon sens commun « tout travail mérite salaire » les juges ont déjà eu l’occasion de confirmer le droit du salarié à sa prime d’objectifs même si le contrat est rompu avant la fin de l’exercice, le juge étant compétent pour en fixer le montant "en fonction des critères visés au contrat et des accords des années précédentes » [2].

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation ajoute que c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le contrat de travail stipule une clause imposant la présence du salarié dans l’entreprise au terme de l’exercice pour percevoir sa prime d’objectifs (la cour d’appel avait à tort renversé la charge de la preuve qu’elle estimait incomber au salarié) (arrêt précité du 24 avril 2013).

Dès lors et à défaut pour le contrat de travail de prévoir une clause de versement de la prime d’objectif subordonnée à la présence du salarié au terme de l’exercice le salarié a droit au paiement "prorata temporis" de sa prime d’objectifs :

« Mais attendu que la cour d’appel a relevé que le contrat de travail prévoyait le versement au titre de chaque exercice d’une prime annuelle en fonction de la réalisation d’objectifs et qu’il ne résultait d’aucune de ses constatations que le contrat subordonnait son paiement à la présence du salarié au terme de l’exercice [3].

« Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de sa prime sur objectifs pour l’année 2008 la cour d’appel énonce que le droit au paiement "prorata temporis" d’une prime dite d’objectifs à un salarié ayant quitté l’entreprise quelque en soit le motif avant la date de son versement ne peut résulter que d’une convention ou d’un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants sans qu’il résulte de ses constatations que le contrat subordonnait le paiement de la prime dépendant de la réalisation d’objectifs à la présence du salarié dans l’entreprise au terme de l’exercice, la cour d’appel a violé les textes susvisés »,-  [4].

III - Le calcul par les juges de la prime d’objectifs non fixée par l’employeur (arrêt précité du 13 février 2013).

La Cour de cassation confirme sa jurisprudence de 2012 selon laquelle en l’absence de fixation par l’employeur de l’objectif pour l’exercice considéré, « il appartient au juge de déterminer le montant de celle-ci en fonction des critères visés aux contrats et des accords des années précédentes », à la condition toujours de principe que ces objectifs soient réalistes [5]

IV - L’employeur peut modifier unilatéralement l’objectif à atteindre par le salarié à la double condition suivante : que les objectifs fixés soient réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 2 avril 2014 n° 12 – 29 381).

« Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser certaines sommes à la salariée à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif et au titre de la prime d’objectifs pour les années 2008 et 2009, ...
Mais attendu que les objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ;
Et attendu qu’ayant relevé qu’il n’était pas établi que la salariée avait eu connaissance des objectifs fixés par son employeur ..., la cour a la cour d’appel a ...exactement déduit que la rémunération variable devait être payée intégralement ... »
.

Cet arrêt confirme la précédente jurisprudence de 2012 [6].

A suivre...

Remerciement à Lucile Douchet.

Judith Bouhana Avocat spécialiste en droit du travail www.bouhana-avocats.com

[1Déjà précité dans https://www.village-justice.com/articles/Salaries-sachez-obtenir-paiement-votre,12888.html - C. cass ch.soc. 11 juillet 2012 n°11-15344

[2Déjà précité dans https://www.village-justice.com/articles/Salaries-sachez-obtenir-paiement-votre,12888.html) Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 23 mars 2011 n°09 –69 127

[3arrêt précité du 13 février 2013

[4Parmi les textes visés par la Cour de cassation figure l’article 1134 du Code civil sur la bonne foi contractuelle ; Arrêt précité du 24 avril 2013

[5déjà précité dans https://www.village-justice.com/articles/Salaries-sachez-obtenir-paiement-votre,12888.html (C. cass ch.soc. 10 mai 2012 n°11-14 635) et (C. cass ch.soc. 15 février 2012 n° 09 - 72283).

[6Cour de Cassation chambre sociale arrêt du 15 février 2012 n° 09 – 72283

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