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La reprise de personnel impliquant un organisme public. Par Mathilde Peraldi, Avocat.
Parution : jeudi 10 juillet 2014
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La reprise du personnel et le transfert des contrats de travail intervient soit lorsque les conditions imposées par l’article L. 1224-1 du Code du travail sont réunies, soit lorsqu’une convention collective le prévoit, soit encore en cas d’application volontaire.

Mais la reprise de personnel ne concerne pas seulement les entreprises de droit privé, elles peuvent impliquer les organismes publics, collectivités territoriales, établissements publics et ce, particulièrement dans un contexte propice à la remunicipalisation du service public.

1. La reprise en régie directe d’un service auparavant externalisé

Actée de longue date s’agissant des transferts entre structures de droit privé, ce n’est qu’en 2002, sous l’influence du droit communautaire, que la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail (anciennement l’article L. 122-12 du code du travail) s’appliquaient au transfert d’une entité économique autonome à une personne publique gérant un service public administratif [1].

Mais que regroupe cette hypothèse ? Il s’agit de la situation dans laquelle l’activité d’une entreprise de droit privé est reprise par une collectivité locale ou plus largement par une personne de droit public dans le cadre d’une reprise en régie directe.

NB : L’exercice en régie directe d’un service public consiste pour la collectivité à gérer le service avec ses propres moyens financiers et matériels et donc avec son propre personnel.

En pratique, c’est le cas par exemple lorsqu’une commune qui déléguait le service public administratif des centres de loisirs ou encore de la restauration scolaire à une structure de droit privé employant des salariés de droit privé (société ou association), décide de reprendre en régie directe cette activité.

Sur cette question, le Conseil d’Etat a jugé dans son fameux arrêt Lamblin que le nouvel employeur public pouvait maintenir le contrat de droit privé ou proposer un nouveau contrat de droit public [2] à l’employé dont l’activité était transférée.

Mais le législateur en a décidé autrement. En effet, la loi du 26 juillet 2005 légiférant sur la reprise de personnel par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif a remis en cause cette jurisprudence Lamblin.

En effet, le contrat de droit privé ne peut être maintenu et le nouvel employeur public doit obligatoirement proposer un contrat de droit public.

En effet, l’article L. 1224-1 du Code du travail dispose que :

« Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

(L. no 2009-972 du 3 août 2009, art. 24) « En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. »

Dans la mesure où la gestion d’un service public administratif en régie directe implique que le personnel dédié à cette mission relève du droit public [3] le législateur a donc décidé que le nouvel employeur public devait nécessairement proposer un contrat de droit public.

Ce nouveau contrat peut être valablement refusé par l’agent. Dans une telle hypothèse, ce dernier, contrairement au transfert « classique » entre organismes de droit privé, n’est pas regardé comme démissionnaire et bénéficie de ce fait des indemnités de licenciement.

Dans quelle hypothèse l’employé serait amené à refuser la signature du contrat public ? Ce cas peut se rencontrer lorsque le salarié était employé en CDI et que le nouveau contrat proposé ne l’est qu’à durée déterminée. Cette hypothèse concerne en particulier les directeurs d’offices de tourisme.

NB : un office de tourisme peut être géré par un établissement public ou par le biais d’une association.

Prenons le cas dans lequel un office de tourisme géré par une association dont le directeur est un salarié de droit privé en CDI est repris en régie directe par un établissement public. Le statut du directeur d’un office de tourisme, géré par un établissement public, est déterminé à l’article R. 133-11 du Code du tourisme. Selon cet article, le directeur d’un office de tourisme géré par un établissement public est recruté par un contrat à durée déterminée pour une période de trois ans.

Or, dans cette hypothèse, cela signifie que le nouvel employeur public qui est un établissement public doit proposer au directeur un contrat de droit public à durée déterminée alors qu’auparavant ce dernier était en CDI. Cette modification substantielle est permise par l’article L. 1224-3 du Code du travail.

NB : le nouvel employeur doit proposer un CDD si l’agent était auparavant en CDD ou un CDI si l’agent était en CDI sauf disposition légale contraire imposant obligatoirement le recours à un CDD.

En conséquence, le nouvel employeur public, tenu de respecter les termes de l’article R. 133-11 du code du tourisme ne pourra que proposer un contrat à durée déterminée.
Le passage d’un CDI à un CDD constituant une modification substantielle, il est de ce fait normal que le salarié puisse s’y opposer sans être considéré comme démissionnaire.

S’agissant de l’organisation pratique du transfert, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que, dans le but d’assurer la continuité du service public, le nouvel employeur public peut proposer les nouveaux contrats aux employés transférés avant la date prévue du transfert afin que les éventuels licenciements en cas de refus soient intervenus à la date effective du transfert [4].

2. L’externalisation d’un service public auparavant géré en régie directe

La loi du 3 août 2009 ajoute une pierre à l’édifice en créant un article L. 1224-3-1 au Code du travail. Auparavant, seule l’hypothèse d’une reprise en régie directe dans le cadre d’un service public administratif était envisagée.

L’article L. 1224-3-1 prévoit désormais les conditions de reprise dans l’hypothèse inverse, en cas d’externalisation du service public.

Ainsi, l’article L. 1224-3-1 du Code du travail envisage l’hypothèse suivante :

« (L. no 2009-972 du 3 août 2009, art. 25) Sous réserve de l’application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales, lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code.

Le contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne morale ou l’organisme qui reprend l’activité applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés ».

Mais que regroupe cette hypothèse ? En pratique, c’est l’hypothèse de l’externalisation d’un service public auparavant géré en régie directe.

Exemple, lorsqu’une commune exerce en régie directe une activité de service public industriel et commercial (service de l’enlèvement des ordures ménagères) et décide de confier ce service à une structure de droit privé (société, association, par délégation de service public par exemple) ou encore à un organisme de droit public tel un établissement public.

Les conditions de mises en œuvre de l’article L. 1224-3-1 du Code du travail devraient être identiques à celles de l’article L. 1224-1 du Code du travail.

En cas de refus du salarié, le nouvel employeur est tenu de procéder au licenciement sur le fondement des règles de droit public et l’agent ayant refusé la signature de ce nouveau contrat bénéficie d’indemnités de licenciements.

Mathilde PERALDI Avocat

[1Cass. Soc, 25 juin 2002, n°01-41848

[2CE, 22 octobre 2004, n°245154, Lamblin

[3CE, 26 janvier 1923, de Robert Lafregeyre, CE, 8 mars 1957, Jalenques de Labeau

[4Cass. Soc. 26 juin 2013, n°12-19208, 12-19209, 12-19210, 12-19211

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