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Fraude à la carte bancaire : la victime est-elle remboursée ? Par Jules Yossa.
Parution : vendredi 18 juillet 2014
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Les consommateurs ne le savent toujours pas, mais il existe des voies de recours en cas d’utilisation frauduleuse de leurs moyens de paiement qui leur évite d’un supporter les frais.
Je vous présente de façon succincte l’état de la législation en la matière.

Les fraudes à la carte bancaire sont devenues monnaie courante avec le développement du e-commerce. Le journal Le Monde indiquait dans son édition du 17 février 2012 qu’il est enregistré « deux arnaques à la minute pour les achats par carte bancaire sur internet ». Dans son enquête du 16 février 2012, l’association UFC QUE CHOISIR rappelle que le taux de fraude dans le e-commerce a progressé de 17,5% depuis 2007 et table sur une augmentation à plus du double du coût de cette fraude qui passerait de 370 millions d’euros en 2010 à 850 millions à l’horizon 2020.

La première victime de ces arnaques c’est celui que le Code monétaire et financier appelle le « payeur », c’est-à-dire le porteur au profit duquel la banque a délivré la carte. Dans quelles conditions celui-ci peut-il se faire rembourser s’il est victime d’arnaque ? Est-il totalement ou partiellement remboursé ?

La réponse à cette question a considérablement évolué avec l’entrée en vigueur le 1er novembre 2009 d’une ordonnance N°2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement.

Avant cette ordonnance, le texte régissant la matière était l’ancien article L132-3 du Code monétaire et financier qui disposait que le titulaire victime de perte ou du vol de sa carte bancaire pouvait supporter la perte subie avant l’opposition jusqu’à un plafond de 400€. Par ailleurs, ce plafond pouvait ne pas être appliqué si la banque constatait une négligence ou une faute lourde du porteur dans la protection et la sécurité de sa carte bancaire. La faute lourde était alors constituée selon une jurisprudence ancienne, s’il était prouvé que l’opération contestée avait été effectuée avec usage du code confidentiel.

Mais cette première interprétation va être mise à mal par un revirement de jurisprudence intervenu le 28 mars 2008. Dans ce nouvel arrêt, la Chambre commerciale de la cour de cassation indique dans un attendu qualifié par les auteurs de véritable « coup de tonnerre sur la carte bancaire » : d’une part qu’il appartient à la banque d’apporter la preuve de la négligence ou de la faute lourde du porteur ; et d’autre part, que la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel n’est à elle seule pas susceptible de constituer la faute lourde.

Il ressort de cet arrêt deux informations pertinentes au regard de la situation. D’une part que la charge de la preuve d’une éventuelle négligence ou faute lourde incombe à la banque qui doit en rapporter la preuve. D’autre part que cette tâche ne lui sera plus facilitée puisque contrairement à la jurisprudence antérieure, il ne sera plus suffisant d’invoquer le simple usage du code confidentiel pour établir l’existence d’une faute lourde du porteur. La preuve de la faute lourde doit être rapportée indépendamment de l’usage du code confidentiel par le fraudeur qui ne justifie en rien la faute du porteur.

L’enjeu est énorme puisqu’il s’agit au final de déterminer la personne qui devra supporter le préjudice financier lié à cette fraude, préjudice dont on a montré plus haut qu’il pouvait atteindre des montants assez considérables au niveau national. On comprend pourquoi le secteur bancaire n’a pas apprécié ce revirement qu’il juge déresponsabilisant à l’égard des consommateurs particulièrement protégées par cette jurisprudence.

Pourtant, cette tendance protectionniste ne s’est pas arrêtée à si bon chemin.
En effet, l’ordonnance de 2009 précité qui intègre dans l’ordre juridique français les recommandations d’une directive européenne de 2007 en la matière va aller encore plus loin dans cette logique de protection des consommateurs.

Cette ordonnance crée un nouvel article L133-19 du Code monétaire et financier qui abroge l’ancien article L132-3 précité.

Ce nouveau texte dispose qu’en cas de vol ou de perte de son moyen de paiement, le porteur supporte le préjudice subi avant opposition dans la limite d’un plafond de 150€ seulement au lieu de 400€ précédemment et fait passer le délai maximum pour former opposition de 70 jours à 13 mois.

Il exclut également toute responsabilité et dont toute possibilité pour le porteur de subir le moindre préjudice de quelque montant qu’il soit, «  si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées ».

En clair, en cas de perte, de vol ou de contrefaçon de son moyen de paiement ayant permis la réalisation d’une opération non autorisée (opération frauduleuse), la banque est tenue de rembourser totalement le porteur de la carte, dès lors que celui-ci a formé opposition dans les meilleurs délais.

Jules YOSSA
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