Village de la Justice www.village-justice.com

Cyber-harcèlement : les victimes vont enfin pouvoir se défendre efficacement. Par Romain Darriere, Avocat.
Parution : jeudi 25 septembre 2014
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Cyber-harcelement-les-victimes,17829.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les victimes de cyber-harcèlement peuvent se féliciter de l’adoption de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

En effet, ce texte institue un nouveau délit, spécifique au harcèlement sur internet.

Ainsi, l’article 222-33-2-2 du Code pénal prévoit désormais que :

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

1° Lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;

2° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 4°  ».

Étrangement, ce nouveau délit n’a pas ou peu été commenté dans les médias.

La loi ayant été adoptée au début du mois d’août, ceci explique sans doute cela.

Toujours est-il que ce nouvel article du Code pénal vient combler un vide juridique important, ce dont il faut se réjouir.

Bien sûr, certains diront qu’en la matière, la prévention et les sanctions éducatives restent les meilleures armes ; c’est probablement vrai, ce d’autant que les principales cibles d’actes de cyber-harcèlement sont les enfants et les jeunes adultes.

Cependant, il était également nécessaire d’affirmer haut et fort que le cyber-harcèlement relève du droit pénal, ne serait-ce que par respect pour les victimes, lesquelles sont souvent les laissées-pour-compte des procès pénaux.

Mais tout d’abord, qu’est-ce que le cyber-harcèlement ?

Selon le Ministère de l’Education Nationale, il s’agit d’un «  acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

En termes de support, le cyber-harcèlement se pratique via les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

Jusqu’à la création de l’article 222-33-2-2 du Code pénal, l’arsenal juridique à la disposition des victimes d’actes de harcèlement sur internet n’était pas satisfaisant.

Certes, il était possible de poursuivre l’auteur de propos diffamants ou injurieux sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Toutefois, rappelons que cette loi a volontairement instauré de nombreux garde-fous afin de protéger la liberté d’expression.

De fait il était donc très compliqué, pour les victimes d’actes de harcèlement, de faire condamner l’auteur de propos abusifs au visa de la loi de 1881.

Bien sûr, il était également possible d’invoquer le délit d’usurpation d’identité, infraction prévue et réprimée par l’article 266-4-1 du Code pénal, lequel dispose que :

«  Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne ».

Cependant, les victimes étaient clairement démunies lorsque leur identité n’avait pas été « volée » ou « usurpée ».

Et le même constat d’insuffisance pourrait être dressé avec l’article 9 du Code civil, lequel a « seulement » vocation à protéger la vie privée et l’image de tout individu ; il n’a bien évidemment pas été pensé et instauré pour lutter contre le harcèlement sur internet.

Au vu de ces lacunes, ce nouveau délit de cyber-harcèlement est donc le bienvenu.

Les victimes vont pouvoir se défendre beaucoup plus efficacement qu’auparavant et les plaintes devraient être traitées plus rapidement par les services de police et de gendarmerie compétents.

Reste à savoir si cette infraction aura dans le temps un effet dissuasif. Il est pour l’heure encore trop tôt pour répondre à cette question. Affaire à suivre !

Romain Darriere Avocat au Barreau de Paris www.romain-darriere.fr
Comentaires: