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Les anomalies du crédit immobilier valent de l’or pour les emprunteurs ! Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : lundi 29 septembre 2014
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Depuis la loi du 13 juillet 1979 et la loi « Lagarde » en date du 1er juillet 2010, les règles du crédit immobilier fixent un cadre de protection et d’information de l’emprunteur relativement clair.

Nombres d’entre elles sont bien souvent négligées par l’établissement de crédit et ce alors même qu’elles s’imposent par nature au prêteur, l’ensemble de cette réglementation étant d’ordre public.

L’emprunteur du crédit immobilier ou la caution de l’emprunteur l’ignorent malheureusement bien souvent à leurs plus grands détriments !

La raison d’être d’un régime si protecteur de l’emprunteur est pourtant légitime à double titre :

-  L’emprunteur non professionnel doit être pleinement informé face à un établissement de crédit dont c’est la profession ; l’établissement de crédit est donc en situation de force ;

-  L’emprunteur doit pouvoir comparer toutes les offres de crédit du marché avant de s’engager, ce qui se comprend aisément compte tenu de l’importance des engagements qu’il prend au titre de la souscription de son crédit immobilier (montant, couts, durée, frais, garanties, échéances….).

Les juridictions ont dans leur grande majorité pris conscience de la situation d’infériorité dans laquelle se trouve l’emprunteur face à l’établissement de crédit. Pour preuve, au-delà même des sanctions qu’ils infligent régulièrement aux établissements de crédit pour non-respect de cet ordre public de protection et d’information de l’emprunteur, elles ont créé une sanction « sur mesure », qui plus est d’une redoutable efficacité ayant le plus souvent pour effet de permettre à l’emprunteur de recouvrer plusieurs dizaines de milliers d’euros !

Quel est le domaine d’application de cette réglementation ? Pouvez-vous en profiter ? Une caution peut-elle s’en prévaloir ? Une opération financée exclue du régime du crédit immobilier peut-elle conventionnellement en profiter ?

Tout prêt consenti de manière habituelle par un établissement de crédit à une personne physique ou morale de droit privé en vue de financer une opération d’acquisition d’un immeuble ( habitation ou mixte habitation/professionnel) ou de parts sociales ou d’actions donnant droit à l’attribution d’un droit de propriété ou de jouissance d’un immeuble relève de cette réglementation.

Sont exclus les prêts destinés à financer une activité professionnelle (principalement les professionnels de l’immobilier) ; sont également exclues les opérations de financement d’immeubles à usage commercial ou de bureaux.

La caution d’une opération financée par un crédit immobilier peut bénéficier de ce régime protecteur et elle aura tout intérêt à le faire valoir lorsqu’elle est actionnée, par la voie d’exception (c’est un des moyens de défense efficace pour la caution afin de se soustraire à son obligation de payer en lieu et place de l’emprunteur défaillant !) par l’établissement de crédit en place de l’emprunteur qui ne fait plus face au paiement des échéances.

Le champ d’application de la réglementation d’une opération par définition exclue en application des textes peut toutefois être conventionnellement étendu selon les termes et conditions du contrat de prêt qu’il conviendra d’analyser. Toutefois cela n’est possible pour autant que la manifestation de volonté du prêteur et de l’emprunteur ne soit pas équivoque.

Le champ d’application est large, les opportunités de bénéficier de ce régime sont par conséquent innombrables !

Mais quelles sont les principales irrégularités commises par les banques dans un contrat de prêt immobilier ? Dans quels délais agir pour faire valoir ses droits ? Quelles sont les sanctions appliquées ? Quels sont les avantages financiers à en tirer pour l’emprunteur ?

En amont, on peut souligner que toute publicité d’un crédit immobilier doit reproduire des mentions obligatoires (identité du prêteur, nature, objet, durée de l’opération, délai de réflexion de 10 jours, le TEG annuel…) sous peine pour son auteur d’amende sur le plan pénal mais encore de l’ouverture d’une action sur le plan civil pour pratique commerciale déloyale (trompeuse).

Les principales irrégularités commises par les établissements de crédit, pour le plus grand intérêt de l’emprunteur, vont se concentrer dans le contenu de l’offre préalable de crédit (OPC), soit le contrat de prêt.

La réglementation fixe un socle minimum de mentions devant impérativement figurer dans l’OPC à savoir pour les principales : identités des parties, modalités du prêt, échéancier des amortissements en détaillant la répartition du remboursement du capital et des intérêts (prêts à taux fixes), le montant du prêt, son cout total, son TEG (au sens de l’art L 313-1 du Code de la consommation), les assurances, les suretés, les frais, les commissions….

Ce formalisme de rigueur n’exonère en rien le prêteur de son devoir de conseil et de mise en garde lequel est d’autant plus fort face à un emprunteur non averti !

Ces deux derniers points demeurent autant de sujets et de solutions exploitables pour l’emprunteur dont les droits n’ont pas été respectés.

Sans être exhaustif, les principales irrégularités qui affectent un crédit immobilier sont les suivantes :

-  L’omission du « taux de période » ;
-  Le calcul du cout des intérêts sur « 360 jours » ;
-  L’absence de mention du taux effectif global ou la mention d’un TEG erroné.

L’obligation de mention du « taux de période » et de la durée de la période, soit le cout périodique de l’intérêt du crédit octroyé, est une double obligation de l’établissement de crédit qui doit figurer dans tout contrat de prêt en cas de paiement anticipé par échéance (mensuelle, trimestrielle..) des intérêts du crédit.

Cette mention est d’autant plus importante que le TEG est un taux annuel à terme échu par nature proportionnel au taux de période obtenu en multipliant le taux de période par le nombre d’échéances par an.

Le calcul des intérêts du taux du crédit octroyé doit être déterminé par référence à l’année civile laquelle comporte 365 ou 366 jours et non sur la base de « 360 jours » comme bien souvent c’est encore le cas pratiqué par les établissements de crédit renchérissant un peu plus le cout du crédit pour l’emprunteur.

Attention ! L’emprunteur considéré comme professionnel peut valablement avoir négocié avec son établissement de crédit un taux calculé sur la base de 360 jours (professionnel, il est considéré comme suffisamment averti).

L’absence mention de TEG est aussi évidente que rare dans un contrat de prêt immobilier. L’erreur fréquent c’est la mention du TEG erronée soit pour une erreur mathématique de calcul soit pour la non intégration d’éléments devant obligatoirement être calculés dans le cout du crédit annuel comme les commissions (courtiers), les frais de garanties (assurances ADI, incendies), de souscription de parts sociales….

Il existe une abondante jurisprudence su cette problématique complexe.

En cas d’irrégularités révélées ou évidentes, l’emprunteur peut agir dans un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle il a connu (ex : TEG erroné) ou il aurait dû connaitre (ex : absence d’une mention obligatoire sur le contrat de prêt) les faits lui permettant d’exercer son droit à agir.

Pour un prêt accordé à un professionnel c’est la date du contrat de prêt qui sera retenue comme point de départ du délai pour agir.

Le « spectre » des crédits immobiliers irréguliers, par conséquent attaquables, est d’autant plus large que le prêteur n’est définitivement à l’abri d’une action de l’emprunteur ou d’une caution en cas d’irrégularités non flagrantes que 20 ans après la régularisation du contrat de prêt !

La sanction pour le prêteur indélicat au regard du non-respect des conditions de remise et des mentions obligatoires du contrat de prêt, relevable d’office par le juge, ainsi que du délai de réflexion de 10 jours est la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou en proportion fixée par le juge.

La sanction du défaut de mention du TEG ou de la mention du TEG erroné est la nullité de la clause d’intérêt (et non du contrat de prêt) et la substitution du taux d’intérêt légal (bien inférieur depuis 2009) au taux conventionnel applicable au crédit immobilier.

La jurisprudence a créé cette sanction rude, juste et proportionnée au degré de non-respect des droits de l’emprunteur. Elle consiste à appliquer le taux d’intérêt légal fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis au taux conventionnel qui lui est depuis plusieurs années maintenant bien supérieur.

Les enjeux financiers pour l’emprunteur sont de ce fait énormes et réels. Il doit cependant prendre toutes les précautions utiles au soutien de son action auprès d’expertiseurs du crédits et bien entendu d’un avocat expérimenté en droit de la consommation et droit bancaire pour mettre toutes ses chances dans le duel qui va l’opposer son établissement de crédits.

De nombreux contentieux ont été initiés sur le sujet dont certains ont déjà fait l’objet de décisions retentissantes en faveur des emprunteurs de la part de la Cour de cassation.

Nous aurons bien entendu l’occasion d’y revenir dans de futurs développements….

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com
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