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Le recours au travail de nuit doit demeurer exceptionnel et être indispensable au fonctionnement de l’entreprise. Par Laurent Vovard, Avocat.
Parution : mercredi 1er octobre 2014
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Ultime développement sur la question de l’emploi de salariés après 21h au sein du magasin Séphora des Champs Elysées, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée le 24 septembre 2014 en consacrant le caractère exceptionnel du recours au travail de nuit qui doit, selon elle, être « indispensable au fonctionnement de l’entreprise ».

L’ouverture du magasin Séphora des Champs Elysées après 21h avait posé frontalement la question des conditions du recours au travail de nuit et avait notamment donné lieu à la décision du Conseil constitutionnel sur QPC du 4 avril 2014.

Sur le thème du travail de nuit : voir ma chronique parue à la Revue de Jurisprudence Sociale LAMY.

Au visa de l’article L. 3122-32 du Code du travail «  interprété à la lumière de la directive 93/104 du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail », La Chambre sociale de la Cour de Cassation estime que :

« (…) le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ; qu’il en résulte que le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à son fonctionnement ;

Attendu, ensuite, que le fait pour un employeur de recourir au travail de nuit en violation des dispositions légales susvisées constitue un trouble manifestement illicite… »

Après avoir posé ces principes, la Cour les applique à l’ouverture de nuit des magasins Séphora et relève que :

« (…) la société, qui exerce dans un secteur, le commerce de parfumerie, où le travail de nuit n’est pas inhérent à l’activité, ne démontrait pas qu’il était impossible d’envisager d’autre possibilité d’aménagement du temps de travail, non plus que son activité économique supposait le recours au travail de nuit, dès lors que les difficultés de livraison alléguées ne nécessitaient pas pour autant que le magasin fût ouvert à la clientèle la nuit et que l’attractivité commerciale liée à l’ouverture de nuit du magasin des Champs-Elysées ne permettait pas de caractériser la nécessité d’assurer la continuité de l’activité, et alors qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des productions qu’une quelconque violation des dispositions tant de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ou encore de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a été invoquée par la société devant les juges du fond, la cour d’appel en a exactement déduit l’existence d’un trouble manifestement illicite ».

Plusieurs conditions devront ainsi justifier le recours au travail de nuit qui devra être indispensable au fonctionnement de l’entreprise, être « inhérent » à l’activité de l’entreprise (ce qui n’est pas le cas, relève la Cour de cassation, du secteur de la parfumerie) ou encore découler de l’activité économique de l’entreprise (continuité de l’activité économique après 21h). En outre, il faudra justifier de l’impossibilité d’envisager d’autres possibilités d’aménagement du temps de travail.

Jusqu’à ce qu’une réforme législative intervienne…

Laurent Vovard Avocat au Barreau de Paris https://vovard-avocat.com/