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L’admission exceptionnelle au séjour des étrangers par le travail. Par Benjamin Brame, Avocat.
Parution : mercredi 1er octobre 2014
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Prévue à l’article L.313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’admission exceptionnelle au séjour par le travail connaît un véritable succès en préfecture depuis la Circulaire dites « Valls » du 28 novembre 2012.

En effet, ce texte indique aux préfectures quelles sont les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Mais si cette circulaire a amené de nombreux étrangers à déposer des demandes de titre de séjour en utilisant cette procédure, celle-ci doit être utilisée à bon escient, à savoir en connaissance des règles de traitement des dossiers.

En effet, trop d’étrangers mal conseillés déposent des dossiers à la va-vite et par conséquent passent d’une situation d’étranger en situation irrégulière, à une situation d’étranger, se voyant délivrer une obligation de quitter le territoire, après avoir déposé un dossier de régularisation par le travail, qui s’est trouvé rejeté par la préfecture.

Et ceci souvent à cause du manque de préparation de leur dossier, dû à la méconnaissance de critères essentiels dont personne ne leur a parlé avant le dépôt de celui-ci.

I. Principe de l’admission exceptionnelle au séjour par le travail

Par principe, si l’étranger réside irrégulièrement en France, il ne peut en obtenir une autorisation de travail que dans le cadre d’une régularisation de sa situation au regard du séjour.

Néanmoins, l’article L.313-14 du CESEDA qui codifie la réforme instaurée en 2007, ouvre la possibilité d’une admission dite « exceptionnelle » au séjour, d’étrangers en situation irrégulière, au titre du travail.

La loi du 16 juin 2011 a ensuite fait progresser cette procédure de régularisation en supprimant la liste des métiers dits « en tension ». En effet, initialement il était nécessaire que la profession exercée par l’étranger figure sur cette fameuse liste, à savoir une série de professions connaissant des difficultés de recrutement par région.

Mais malgré ces derniers assouplissements, la procédure de « régularisation » reste en définitive entièrement soumise au pouvoir discrétionnaire des préfectures, et c’est en cela que l’impact de la circulaire dites « Valls » du 28 novembre 2012 a considérablement changé les critères des procédures de traitements des dossiers de demande d’admission exceptionnelle au séjour par le travail.

II. Une circulaire à l’intention de travailleurs remplissant des conditions strictes.

La circulaire du 28 novembre 2012 ne subordonne pas son bénéfice au respect de la situation de l’emploi dans le département, la circulaire impose la production d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche d’une durée minimale de six mois.

Trois catégories de travailleurs pourront prétendre à une régularisation :

-  l’étranger justifiant d’au moins cinq ans de présence en France et de huit mois de travail sur les deux dernières années ou de trois ans de présence et deux ans de travail dont huit (consécutifs ou non) dans les douze derniers mois ;

-  l’étranger présent depuis au moins cinq ans et exerçant une activité d’économie solidaire pour le compte d’un organisme agréé ;

-  le travailleur intérimaire présent depuis au moins cinq ans assurant une activité depuis au moins 24 mois équivalent à un niveau de salaire d’au moins 12 SMIC pour un minimum d’au moins 910 heures d’intérim (dont au moins 310 pour l’entreprise associée à la demande). Dans le dernier cas, la demande devra être appuyée par une offre de contrat à durée déterminée d’au moins douze mois et un engagement pour plus de huit mois de travail sur les douze prochains mois.

De manière dérogatoire, l’étranger qui établit une forte durée de présence en France (sept ans « par exemple ») et une activité supérieure à douze mois au cours des trois dernières années, pourra obtenir un récépissé de carte de séjour « salarié » pour rechercher un emploi et travailler. Ce titre précaire sera renouvelé une seule fois.

Les personnes concernées par ce dispositif pourront justifier de leur activité par tout mode de preuve : bulletins de salaire, virements mais également des chèques emploi service. En cas de régularisation, les autorisations de travail seront valables sur l’ensemble du territoire et non pas, comme cela était jusqu’alors la règle, dans un seul département.

Enfin, le volume de ces régularisation dépend en grande partie de l’attitude des employeurs. Ceux-ci devront en effet admettre qu’ils ont eu recours à un travailleur étranger dépourvu d’autorisation au moment de l’embauche, et ils sont donc souvent réticents à s’engager dans ce genre de démarches, craignant le plus souvent à tord des sanctions rétroactives de l’Administration.

III. La nécessité d’être conseillé dans l’utilisation de la circulaire pour déposer des demandes de titre de séjour ou contester des refus de séjour.

A l’énonciation des critères indispensables pour « rentrer dans les clous » de la circulaire Valls, on voit bien que l’avocat ou l’association d’aide aux étrangers doit être, aux côtés du client étranger, le premier conseil et un soutien permanent.

En effet, les candidats à la régularisation devront justifier de la durée de leur séjour en France. Ce séjour devra être continu, même si une absence de courte durée ne peut pas faire obstacle à l’admission au séjour.

Pour établir « un faisceau d’indices suffisamment fiable et probant », les intéressés devront produire, par principe, deux preuves certaines par année de présence en France émanant d’une administration. Cette preuve pourra également être apportée par des documents à « valeur probante réelle » (bulletin de salaire, relevé bancaire, certificat médical…) ou à « limitée » dès lors qu’ils sont appuyés par d’autres justificatifs.

Enfin, l’expérience des préfectures permet aux avocats qui pratiquent beaucoup le droit des étrangers, ainsi qu’aux associations de soutien aux étrangers, de donner des conseils, qu’eux seuls connaissent, pour bien préparer un dossier de demande de titre de séjour, ainsi que sur sa façon de le présenter.

Enfin, il est fondamental d’être accompagné en préfecture par votre avocat ou un soutien associatif le jour où vous vous rendrez en préfecture, afin de mieux comprendre ce qui est demandé par cette dernière et afin d’être mieux défendu en cas de malentendu(s) aux guichets.

En conclusion donc, la procédure d’admission exceptionnelle au séjour par le travail s’avère donc un très bon moyen de régulariser la situation de travailleurs étrangers désireux de s’intégrer dans la société française. Mais si le dossier de demande révèle au final ne pas présenter les éléments indispensables pour une acceptation du dossier, cette demande peut s’avérer devenir un vrai contentieux avec l’Administration par la suite.

Il est donc indispensable de chercher un conseil efficient avant de se lancer dans cette procédure, ainsi que d’envisager, si l’étranger en possède les critères d’admission, la demande subsidiaire d’un autre titre de séjour, afin de limiter les risques de se voir délivrer une obligation de quitter le territoire en cas de refus du dossier.

Maître Benjamin Brame Avocat au Barreau de Paris Droit des Contentieux Publics & Droit des Etrangers Site Web : http://www.brame-avocat.com [Mail->contact@brame-avocat.com]
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