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L’abrogation des peines planchers et le dispositif de la récidive. Par Hugues de Poulpiquet, Élève-avocat.
Parution : mercredi 15 octobre 2014
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Créées par la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 relative à la lutte contre la récidive, les peines dites « planchers » sont, depuis le 1er octobre 2014, définitivement abrogées.

L’article 132-19-1 du Code pénal prévoyait que pour les personnes condamnées pour un délit commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement infligée par le juge ne pouvait être inférieure à certains seuils : de un an, si le délit était puni de trois ans d’emprisonnement et jusqu’à quatre ans, si le délit était puni de dix ans d’emprisonnement. Également, la juridiction ne pouvait prononcer une peine autre que l’emprisonnement lorsqu’étaient commis une nouvelle fois en état de récidive légale les délits de violences volontaires, ou les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, mais également les délits d’agression ou d’atteinte sexuelle, ou enfin les délits punis de dix ans d’emprisonnement.

Ce système de sanction était fortement critiqué en ce qu’il prévoyait des peines minimales et écartait la possibilité pour le juge pénal d’appliquer le principe de l’individualisation de la peine, principe selon lequel l’autorité judiciaire doit infliger une sanction qui soit proportionnée à la faute du coupable et qui soit, dans le même temps, la plus juste possible en fonction de la personnalité, du passé mais également de l’avenir du condamné. Il faut cependant noter que la juridiction pouvait tout de même prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en prenant en compte les circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’auteur ou des garanties d’insertion (plus ou moins exceptionnelle) ou de réinsertion qu’il présentait.

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales est venu abroger ce système de peines « planchers ». Le pouvoir d’individualisation de la peine est donc redonné aux juridictions pénales.

Le maintien du système de la récidive

Si les peines "planchers" sont abrogées, le système de la récidive perdure.

En effet, le Code pénal prévoit toujours qu’en cas de récidive, la peine encourue est doublée. Mais, ici, le pouvoir d’individualisation de la peine n’est pas retiré au juge pénal qui n’a pas de peine minimum obligatoire à infliger.

La récidive, prévu par les articles 132-8 à 132-16-7 du Code pénal, est la situation dans laquelle une personne ayant déjà été définitivement condamnée pour une infraction, en commet une autre dans les conditions fixées par la loi.

La récidive doit être distinguée de la réitération d’infraction de l’article 132-16-7 du Code pénal qui est à mi-parcours entre le concours réel d’infraction et la récidive : c’est une aggravation des peines à purger. Il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et qui commet une infraction ne répondant pas aux conditions de la récidive légale. Les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum, et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente.

Le premier terme de la récidive : l’exigence d’une première condamnation

Le premier terme de la récidive doit être une condamnation pénale, prononcée par une juridiction française ou de l’Union européenne, définitive et non supprimée, le second terme consistant en une nouvelle infraction, indépendante de la première.

Ainsi, seule une infraction de nature pénale peut constituer le premier terme de la récidive, et les sanctions prononcées en matière administrative, économique ou administrative ne peuvent pas constituer le premier terme. Il en est de même pour les sanctions et mesures éducatives prononcées contre un mineur. Mais les condamnations à quatre mois d’emprisonnement pour le délit de violences peuvent constituer le premier terme de récidive du mineur, peu importe que le deuxième soit commis à l’âge adulte (Cass. crim., 16 nov. 2010, n° 09-87.691). Le jugement doit préciser la condamnation constituant le premier terme de la récidive, pour permettre pas à la Cour de cassation de vérifier si les conditions de la récidive légale sont réunies, quant à la nature du délit antérieur et de la peine prononcée, et quant au caractère définitif de la condamnation au moment de la commission des faits, objet de la nouvelle poursuite (Cass. crim., 17 avr. 2013, n° 12-85.550).

Ensuite, la première infraction doit concerner certaines infractions. Les articles 132-8 à 132-10 CP ne visent que la récidive des crimes ou des délits. Pour les délits, la peine encourue doit être d’une certaine gravité et la deuxième infraction doit avoir été commise dans un certain délai. La récidive de contravention ne concerne uniquement que celles de cinquième classe, à certaines conditions seulement, et seulement si la loi le prévoit.

Également, la première infraction doit être définitive : c’est-à-dire qu’elle doit avoir été jugée définitivement, sans aucun recours possible. Une condamnation assortie de sursis, avec ou sans mise à l’épreuve, bien que réputée comme non avenue, peut néanmoins constituer le premier terme de la récidive (Cass., avis, 26 janv. 2009, n° 00-80.013 ; Cass. crim., 11 janv. 2011, n° 10-81.781). De même, une condamnation réputée non avenue peut constituer le 1er terme d’une récidive (Cass. Crim, 11 janvier 2011). Il faut préciser qu’une composition pénale n’étant pas une condamnation, la récidive ne sera pas envisageable au sens de l’article 132-10 du Code pénal (Cass. avis, 18 janv. 2010, n° 09-00.005).

La première infraction doit avoir été prononcée par une juridiction pénale française ou de l’union européenne. Pour la juridiction de l’Union Européenne on prendra en compte la qualification française des faits ayant donné lieu à condamnation à l’étranger ainsi que les peines équivalentes aux peines prévues par la loi française.

Enfin, la première condamnation doit encore exister. C’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir été l’objet d’une loi d’amnistie. Mais la grâce et la réhabilitation légale ou judiciaire ne font pas obstacle à la récidive.

Le deuxième terme de la récidive : une nouvelle condamnation

Le deuxième terme est constitué par une nouvelle infraction qui peut soit être distincte de l’infraction ayant donné lieu à la première condamnation, soit être identique ou assimilée par la loi à celle-ci.

Le deuxième terme doit intervenir dans un délai déterminé après la première condamnation (pour les récidives temporaires) mais peut aussi intervenir sans considération de délai pour les récidives perpétuelles.

Hugues de Poulpiquet Élève-avocat.