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Recouvrement de créances en Pologne. Par Lucien Peczynski, Avocat.
Parution : mercredi 22 octobre 2014
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Tout comme en France, l’injonction de payer est une procédure simplifiée de recouvrement des créances civiles et commerciales. A compter de 2008, les procédures polonaises internes coexistent avec la procédure européenne d’injonction de payer instituée par le Règlement CE n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006.

Bien que ces procédures internes soient destinées à être mise en œuvre à l’encontre des débiteurs domiciliés en Pologne, la pratique démontre que les injonctions de payer contre les entreprises étrangères ne sont pas rares. Cette situation génère d’importantes difficultés pour les entreprises étrangères, le législateur polonais n’ayant prévu aucune disposition spéciale en faveur des défendeurs ne demeurant pas en Pologne.

Il convient également de relever que les modalités applicables aux procédures internes d’injonction de payer peuvent varier en fonction des documents présentés par le demandeur.

I. Injonction de payer interne « ordinaire ».

1. Procédure.

La procédure d’injonction de payer obéit aux règles de compétence (territoriale et matérielle) de droit commun. Sous réserve de nombreuses exceptions prévues tant en droit interne qu’au plan européen (cf. Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commercial), l’injonction de payer est rendue par le Tribunal de District (Sad Rejonowy) du lieu du domicile ou du siège social du débiteur. Si toutefois la valeur de la demande dépasse 75.000 zlotys (+/- 17.850 euros), l’injonction de payer est rendue par le Tribunal d’Arrondissement (Sad Okregowy).

Le créancier souhaitant obtenir une injonction de payer doit saisir la juridiction compétente au moyen d’une assignation assortie de la justification de l’existence de sa créance.

Dès lors que la créance lui paraît fondée (ce qui est presque toujours le cas), le juge rend une ordonnance portant injonction de payer suivant une procédure non contradictoire, se fondant donc sur les seuls éléments fournis par le créancier.

Il convient de souligner que si une partie est représentée par un avocat dans une telle procédure, ce dernier est tenu de justifier d’un pouvoir écrit de la part de son client.

2. Opposition.

L’injonction de payer est notifiée au débiteur par le greffe du Tribunal selon les règles de droit commun (au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception si le débiteur demeure en Pologne ou selon les modalités prévues au Règlement CE n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale si le débiteur demeure dans un autre Etat membre). Le débiteur dispose alors d’un délai extrêmement bref de 2 semaines pour former opposition. A défaut, l’injonction de payer acquiert l’autorité de la chose jugée et devient définitif.

L’opposition à l’injonction de payer revêt un caractère de véritables conclusions qui doivent être impérativement motivées en fait et en droit (en France, une simple déclaration d’opposition est suffisante).

Une fois les conclusions signifiées (dans le délai imparti), les débats sont en principe clos. Lors de la procédure contradictoire qui s’en suivra l’admission de nouvelles pièces ou de nouveaux arguments est laissée à l’appréciation du juge. Celui-ci pourra accepter de nouveaux éléments uniquement lorsque :

leur absence de communication lors de l’opposition à l’injonction de payer ne résulte pas de la faute du défendeur, ou lorsque

la prise en compte de nouveaux éléments n’a pas pour conséquence de prolonger la procédure, ou enfin lorsque

la prise en compte de nouveaux éléments est motivée par des circonstances de nature exceptionnelle.

S’agissant des débiteurs étrangers ayant reçu une notification d’injonction de payer interne, la défense consiste principalement à démonter l’inapplicabilité de cette procédure au cas considéré. Le débiteur étranger doit, néanmoins, produire l’ensemble des pièces et écrits au soutien de son opposition, le tout en polonais. En outre, seules les traductions assermentées sont autorisées.

Bien évidemment, les « conclusions d’opposition » devront être signifiées selon les formes requises devant le Tribunal ayant délivré l’injonction de payer (délai, pouvoir de représentation, etc.).

3. Frais de justice.

Le demandeur souhaitant obtenir une injonction de payer « ordinaire » est tenu de consigner une somme correspondant à 5 % de la valeur du litige (dans la limite de 100.000 zlotys, soit +/- 23.800 euros). Le sort de cette somme dépend de l’issue de la procédure. Si l’injonction de payer devient définitive, le Tribunal restitue au demandeur 75 % de la consignation, le solde étant recouvré auprès du défendeur avec la condamnation en principal.

Par contre, en cas d’opposition, la somme consignée, conformément au principe général, est supportée en totalité à la partie qui succombe à l’issue de la procédure contradictoire.

II. Injonction de payer interne « formalisée ».

Cette injonction de payer présente certaines spécificités par rapport à la procédure « ordinaire ».

1. Procédure.

Cette procédure peut être mise en œuvre uniquement lorsque la créance est constatée au moyen de certains documents limitativement énumérés par la loi tels que des documents officiels (par exemple des actes notariés, y compris étrangers), des factures acceptées par le débiteur, des déclarations de reconnaissance de dettes signées par le débiteur, des lettres de change, etc.

L’avantage de cette procédure est que l’injonction de payer ainsi rendue constitue immédiatement et nonobstant une éventuelle opposition formée par le défendeur, un titre permettant la prise de mesures conservatoires sur le patrimoine du débiteur.

2. Opposition.

L’opposition peut être formée par le débiteur selon les mêmes principes que pour l’injonction de payer « ordinaire ». Toutefois, contrairement à la procédure « ordinaire », l’opposition doit faire l’objet d’une consignation proportionnelle à la valeur du litige.

3. Frais de justice.

En effet, la somme consignée dans cette procédure est supportée à hauteur de 1,25 % de la valeur du litige par le demandeur et à hauteur de 3,75 % par le défendeur souhaitant former opposition. Cette mesure est bien entendu destinée à combattre les oppositions formées à titre purement dilatoire.

III. Injonction de payer interne « électronique ».

Cette procédure, instaurée en 2010, constitue une nouveauté dans le système juridictionnel polonais. Son avantage indéniable consiste dans sa rapidité inconnue des procédures traditionnelles. Ainsi, la décision peut être rendue dans un délai de quelques jours à compter de la saisine du Tribunal.

1. Procédure.

Un seul Tribunal (situé à Lublin) est compétent pour toute la Pologne.

L’assignation peut être effectuée exclusivement par voie électronique et qu’il convient de noter qu’elle n’a pas à être assortie de la justification de l’existence de la créance. Une simple description des pièces suffit.

L’injonction de payer électronique peut être obtenue pour toutes les créances civiles et commerciales, à l’exception des créances :

d’un montant supérieur ou égal à 100.000.000 zlotys (+/- 23.800.000 euros), ou

échues depuis plus de 3 ans à compter de la date de l’assignation.

2. Opposition.

L’injonction de payer « électronique » est notifiée au débiteur selon les mêmes modalités que pour les injonctions de payer traditionnelles. Le débiteur dispose également d’un délai très bref de 2 semaines pour former opposition. Cette opposition peut être formée par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception ou par voie électronique.

L’opposition ne nécessite, ni motivation, ni envoi de pièces à l’appui : il s’agit d’une différence essentielle par rapport aux procédures d’injonction de payer traditionnelles. Elle se rapproche ainsi de l’opposition en droit français.

Elle a pour effet de transférer le dossier au Tribunal compétent selon les règles de droit commun qui l’examinera selon la procédure contradictoire.

3. Frais de justice.

Le demandeur souhaitant obtenir une injonction de payer « électronique » est tenu de consigner une somme correspondant à 1,25 % de la valeur du litige. Le taux est donc moins élevé que pour l’injonction de payer « ordinaire ». Le sort de cette somme dépend de l’issue de la procédure. Si l’injonction de payer devient définitive, elle est recouvrée auprès du défendeur avec la condamnation en principal.

Par contre, en cas d’opposition, la somme consignée, conformément au principe général, est supportée à la partie qui succombe à l’issue de la procédure contradictoire.

IV. Injonction de payer européenne.

Cette procédure est mise en œuvre devant les Tribunaux polonais sur le fondement du Règlement CE n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

La compétence du Tribunal est déterminée selon les mêmes critères que pour les injonctions de payer internes traditionnelles. Les frais de justice suivent le régime de l’injonction de payer interne « ordinaire ».

Certaines particularités par rapport aux procédures internes méritent néanmoins d’être signalées.

1. Procédure.

La principale différence par rapport aux injonctions de payer internes consiste dans l’obligation d’introduire l’assignation auprès de la juridiction compétente au moyen du formulaire figurant en annexe I du Règlement CE n° 1896/2006. La saisine du Tribunal effectuée en méconnaissance de cette règle est irrecevable.

2. Opposition.

A réception de l’injonction de payer, le débiteur dispose d’un délai de 30 jours pour former opposition. Cette opposition est, comme pour l’assignation, introduite au moyen du formulaire figurant en annexe VI du Règlement CE n° 1896/2006. A la grande différence de procédures internes traditionnelles et comme pour l’injonction de payer « électronique », l’opposition à l’injonction de payer européenne ne nécessite ni motivation, ni envoi de pièces à l’appui.

L’opposition régulière a pour effet de transférer le dossier au Tribunal compétent selon les règles de droit commun qui l’examinera selon la procédure contradictoire.

Lucien Peczynski Copernic Avocats.