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L’assurance protection juridique. Par Carine Bloch-Levy, Avocat.
Parution : mercredi 29 octobre 2014
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L’assurance protection juridique est-elle une solution pour un meilleur accès au droit ?

La loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique intégrée dans le Code des assurances aux articles L127-1 à 7 est censée avoir pour effet et pour but de mettre fin à des pratiques et des clauses jugées abusives et permettre un nouveau développement de la protection juridique en donnant un meilleur accès au droit à nos concitoyens.

Si les principes du libre choix de l’avocat et de la liberté de l’honoraire ne devraient plus poser de problème particulier, il en va tout autrement de la prise en charge effective qui est très variable selon les compagnies d’assurances.

A l’ouverture d’un nouveau dossier, le Conseil National du Barreau nous recommande vivement d’interroger nos clients pour savoir s’ils bénéficient ou non d’un contrat de protection juridique dont la garantie pourra avoir été souscrite à part ou faire partie d’une option supplémentaires de diverses polices (assurance habitation, assurance automobile, cartes de crédit, complémentaire santé …).

Il en va ainsi pour un client qui payera des honoraires et la mention apparaitra dans la convention ou de celui qui est susceptible de bénéficier de l’AJ auquel cas une case devra être cochée, à partir du moment où l’assurance se substituera à l’AJ, ce qui devrait permettre à l’avocat de retrouver sa liberté dans la fixation de ses honoraires et d’un éventuel honoraire de résultat.

Toute somme obtenue en remboursement des frais et des honoraires exposés pour le règlement du litige bénéficie par priorité à l’assuré pour les dépenses restées à sa charge et subsidiairement, à l’assureur, dans la limite des sommes qu’il a engagé.
Par conséquent, lorsque les honoraires reçus par l’avocat seront supérieurs au barème ou au plafond fixé par la compagnie d’assurance, c’est l’assuré qui bénéficiera prioritairement des montants qui seront allouées au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans tous les cas, une convention d’honoraire sera signée, qui n’aura pas à être transmise à l’assurance, qui couvrira une partie des honoraires de l’avocat en fonction de son barème, ainsi que les frais d’huissier et éventuellement, les honoraires de l’expert désigné.

En cas de cumul de contrat de protection juridique, qui devront être portés à la connaissances des autres compagnies, chacun produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et à hauteur du montant des honoraires de l’avocat (c’est aux assureurs de se mettre d’accord entre eux sur la répartition en fonction de l’indemnité qu’il aurait versé s’il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s’il avait été seul.).

Vis à vis de certaines compagnies (heureusement pas toutes !), les difficultés commenceront à se poser lorsque le client déclarera son sinistre et ce sur les conseils de son avocat qui se retrouve ainsi le pourvoyeur de ce type de contrats d’assurances
Non seulement il lui sera souvent difficile de joindre l’assureur au téléphone, mais il faudra aussi s’armer de patience pour attendre une réponse écrite où la plupart du temps l’assureur exigera des documents complémentaires avant de donner éventuellement son accord, ce qui peut représenter une perte de temps préjudiciable au client, qui lorsqu’il vient voir un avocat, est souvent inquiet et ne veut pas attendre.
Si les consultations et les actes de procédure, réalisés avant la déclaration du sinistre ne peuvent justifier la déchéance de la garantie, ils ne sont pris en charge par l’assureur, qu’en cas d’urgence

Or certains assureurs seront très réticents à admettre cette notion d’urgence, en partant du principe qu’ils sont tout autant capables qu’un avocat d’intervenir dans les démarches préalables et amiables et qu’il n’y a aucune urgence qui justifierait que le dossier soit confié à un avocat plutôt qu’a lui !

Or seul l’avocat qui va pouvoir recevoir son client, a le monopole des consultations en droit, présente des garanties de confidentialité, de compétences, est indépendant, soumis à des règles de déontologies, au secret professionnel et assuré professionnellement, tandis que le « juriste » de la compagnie, qui se retrouvera la plupart du temps à l’autre bout de la France et ne verra jamais l’assuré, pourra changer, n’aura pas à justifier de ses diplômes, ni de ses compétences, son but premier étant d’éviter à son employeur de couvrir un sinistre, quitte à prendre fait et cause pour l’adversaire !

C’est ainsi que lorsque l’assuré aura saisit au préalable son assurance et qu’il aura été suffisamment patient pour attendre la réponse de son « juriste », il pourra se faire rétorquer que sa demande n’est pas susceptible d’aboutir de sorte que l’assurance va le dissuader d’introduire un procès, qu’elle refusera de couvrir ensuite
Lorsque le client se retrouve en défense, tant qu’il n’y a pas de procès en cours, certains assureurs considèreront qu’il n’y aura pas de litige !
Ce n’est qu’en cas de constitution d’un avocat pour la partie adverse, qu’à ce moment là l’assureur n’aura d’autre choix que de prendre en charge les honoraires d’un avocat pour l’assuré

En cas de désaccord sur les mesures à prendre, le différend pourra être soumis à une tierce personne désignée d’un commun accord ou le président du TGI en référé, mais là aussi cela prendra du temps, beaucoup d’énergie alors que pour l’assuré, il peut y avoir urgence à se faire conseiller !

Si l’assuré a engagé à ses frais une procédure contentieuse et obtient une solution plus favorable que celle qui lui avait été proposée par l’assureur ou par la tierce personne, l’assureur ne l’indemnisera qu’à hauteur des frais exposés pour l’exercice de cette action, dans la limite du montant de la garantie.
Il ne court ainsi aucun risque pour ses mauvais conseils !

Lorsqu’on voit l’importance que veut donner notre gouvernement à ce type de contrat, qu’il envisage même de taxer pour renflouer les caisses de l’AJ, je suis très inquiète pour l’indépendance de notre profession, qui se voit ainsi infliger un contrôle à priori de nos clients, qui souvent ne savent même pas ce qu’ils signent, ni les montants qui vous pouvoir être octroyés qui sont très variables d’une compagnie à l’autre !

Carine BLOCH-LEVY Avocat