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La garantie des éleveurs professionnels dans la vente d’animaux domestiques. Par Carine Bloch-Levy Avocat.
Parution : jeudi 30 octobre 2014
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Un éleveur professionnel est tenu d’une garantie de conformité, tel que prévu dans le Code de la consommation.
Quels avantages cela représente t-il pour le consommateur ?

Le Code rural et de la pêche qui fixe une liste limitative des vices cachés, prévoit une procédure particulièrement stricte, à bref délai et compliquée pour un simple particulier.
A travers son article L.213-1 le Code rural et de la pêche, renvoie aux dispositions du Code de la consommation pour mettre en œuvre l’action en garantie, dans les ventes et échanges d’animaux domestiques.

C’est ainsi que la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (réf N° 12-23.519) a pu juger le 19 février 2014, qu’entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle et un acheteur agissant en qualité de consommateur, il lui incombait de faire application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public relatives à la garantie légale de conformité.

Le défaut de conformité atteint un objet ou un animal, qui soit ne correspond pas à la description qu’en a fait le vendeur, soit au modèle présenté à l’acheteur, soit ne possède pas les qualités que peut légitimement en attendre l’acheteur ou les caractéristiques convenues (art L211-5 code de la consommation).

L’article L 211-7 du Code de la consommation précise que les défauts de conformité (dont la liste n’est pas limitative) qui apparaissent dans un délai de six mois (ce n’est pas un délai d’action) à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Quoiqu’il en soit, le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n’est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.
Ceci se conçoit parfaitement pour un animal, qui aurait subi un accident, une intoxication, des troubles du comportement, un virus, des mauvais traitements, etc. et dont l’éleveur qui n’a plus aucun contrôle sur son nouveau maître, ne peut être tenu pour responsable.
L’éleveur pourra toujours combattre cette présomption simple, en se prévalant notamment du certificat de bonne santé établi par son vétérinaire au moment de l’achat.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation étend cette présomption à deux ans et elle restera de 6 mois pour les biens d’occasion.
M. le Sénateur Didier GUILLAUME a été à l’origine d’un amendement, intégré dans la loi d’avenir de l’agriculture, l’alimentation et la forêt dont le texte définitif du projet vient d’être adopté par l’Assemblée Nationale le 11 septembre 2014 et dont l’article 42 modifiera l’article L. 213-1 du Ccode rural

Tout en continuant de renvoyer aux dispositions du Code de la consommation, il rajoute un alinéa supplémentaire venu préciser que « la présomption prévue à l’article L. 211-7 du même code n’est pas applicable aux ventes ou échanges d’animaux domestiques. »
Ce sera donc désormais au consommateur, de démontrer, au besoin par un certificat et des analyses de son vétérinaire, que le défaut de conformité (voir la pathologie) qu’il invoque, existait déjà au moment de la vente (ceci peut notamment être le cas pour une maladie génétique ou héréditaire ….).

Lorsque cette preuve aura été rapportée le consommateur aura le choix entre :

-  La réparation et le remplacement du bien, toutefois le vendeur pourra s’y opposer si cela entraine un coût manifestement disproportionné par rapport à l’autre option compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut. Il sera alors tenu de procéder sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur (Art L 211-9)

-  Si ces deux options sont impossibles ou si elles ne peuvent pas être mises en œuvre dans le mois suivant la réclamation de l’acheteur (pas de chiot disponible pour le remplacement), l’acheteur pourra rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix (Art. L 211-10.)

Le choix reste celui de l’acheteur et ne peut lui être imposé par l’éleveur qui aura tout intérêt, si son nouveau maître veut le garder, à accepter de négocier un remboursement partiel, dont le montant variera selon l’importance du défaut invoqué (un défaut mineur, ne pouvant de toute façon pas donner lieu à résolution de la vente).

Quel intérêt aurait un éleveur à reprendre un animal atteint d’une pathologie, qu’il va devoir faire opérer, pour lequel il devra engager des frais et ne pourra plus le faire se reproduire ?

Pour son nouveau maitre qui s’y est la plupart du temps attaché, il sera sans doute difficile aussi de concevoir de l’abandonner à un avenir incertain.
A moins qu’il ne soit de mauvaise foi (qu’il y ait dol selon l’art L. 213-1 du Code rural qui renvoi au code de la consommation), en ayant délibérément vendu un animal qu’il savait atteint d’un défaut de conformité, l’éleveur n’est pas redevable de dommages et intérêts et ne devrait pas être condamné à des frais supplémentaires, que le propriétaire de l’animal aurait engagé de sa propre initiative (ex : des frais de vétérinaires, traitements….).

Faute d’accord amiable, le nouveau propriétaire de l’animal pourra choisir de saisir outre l’une des juridictions territorialement compétentes en vertu du CPC, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable (art L141-5 Code de la consommation), soit donc la plupart du temps le tribunal de son domicile, ce qui devrait constituer une raison supplémentaire pour un éleveur d’accepter de négocier une réduction de prix.

Carine BLOCH-LEVY Avocat