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Réforme des plus-values sur valeurs mobilières : l’administration publie enfin ses commentaires. Par Lionel Flin, Avocat.
Parution : lundi 10 novembre 2014
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Adoptée à la suite de nombreux atermoiements politiques et législatifs, la réforme des plus-values de cession de valeurs mobilières issue de la loi de finances pour 2014 pose le principe de leur taxation au barème progressif de l’impôt sur le revenu. La mise en œuvre de cette règle est assortie de mesures d’abattements sur l’assiette imposable en fonction de la durée de détention des titres. L’administration vient de mettre en ligne sur son site Bofip de volumineux commentaires de cette réforme.

L’essentiel des commentaires administratifs est consacré aux conditions d’obtention des abattements sur le montant de la plus-value imposable…étant précisé que lesdites réductions d’assiette ne concernent que l’impôt sur le revenu, et non les prélèvements sociaux qui s’élèvent dans tous les cas à 15.5% de la plus-value totale.
Dans le cadre du régime dit de droit commun, la plus-value réalisée est réduite de 50% après deux ans de détention et de 65% à l’issue d’une période de huit ans. Cette mesure a une portée très générale : elle s’applique à toutes les catégories d’actions ou parts, sans distinguer selon la nature juridique de l’entité cédée, ni selon la forme nominative ou au porteur des titres. La cession de droits démembrés bénéficie de la même réduction d’assiette. Les gains de cession de bons de souscription d’action (BSA) ou de droits de souscription ou d’attribution détachés des actions en sont en revanche exclus.

Les contribuables ayant acquis des titres par l’intermédiaire de fonds communs de placement ou de SICAV sont logés à la même enseigne que les investisseurs directs à la condition que l’actif de ces organismes soit composé d’actions ou parts de sociétés pour 75% de son montant. Cette dernière exigence n’est toutefois pas opposée en cas de cession de parts de FCPR, FIP ou FCPI.

La transparence ainsi reconnue à ces organismes intermédiaires permet à leurs membres de bénéficier du même abattement pour l’imposition des distributions en provenance de plus-values de cessions des titres éligibles. La condition tenant à la composition de leur actif s’applique alors dans les mêmes conditions.
Bien que le texte légal limite l’application de l’abattement aux « gains nets » réalisés, l’administration entend l’opposer également aux moins-values subies. L’économie d’impôt représentée par la faculté d’effacer des plus-values imposables par l’utilisation de moins-values sera paradoxalement d’autant plus faible que le contribuable a persévéré dans la détention longue des titres porteurs de moins-values.

Un mécanisme d’abattement dit renforcé est prévu dans un certain nombre de situations. Il se substitue à plusieurs mesures d’abattement ou d’exonération qui prévalaient dans le passé. Les réductions d’assiette applicables sont les suivantes :
-  50%pour une détention de plus d’un an et moins de quatre ans ;
-  65% pour une détention d’au moins quatre ans et de moins de huit ans ;
-  85% pour une détention d’une durée au moins égale à 8 ans.

Ce dispositif s’applique en cas de cession de titres d’une PME (au sens de la définition communément retenue dans les textes communautaires) acquis ou souscrits dans les dix ans suivant sa création. Les principales conditions posées à l’égard de la société cédée sont les suivantes :
-  Elle ne doit pas être issue d’une opération de concentration, restructuration, extension ou reprise d’activité préexistante ;
-  Elle doit être implantée dans un état membre de l’espace économique européen ;
-  Elle doit être passible de l’impôt sur les bénéfices ou d’un impôt équivalent (l’administration précise que cette équivalence n’est pas reconnue aux impôts sur le capital ni aux impôts fonciers) ;
-  Elle doit avoir exercé de façon continue depuis sa création jusqu’à la cession des titres une activité à caractère professionnel (industrielle, commerciale, libérale…) – à l’exclusion donc d’une activité patrimoniale – ou avoir le statut de holding animatrice de son groupe. Dans ce dernier cas, l’instruction exige que le holding et toutes ses filiales satisfassent aux conditions visées ci-dessus, concernant notamment leur date de création. Une telle contrainte limite la portée pratique de l’abattement en cas de cession de titres de cette nature et introduit une regrettable inégalité dans la portée du présent dispositif en fonction de l’organigramme mis en place au sein des groupes de PME.

Un autre cas d’application de l’abattement renforcé concerne les cessions au sein du groupe familial de tout ou partie d’une participation au sein d’une société implantée dans un état de l’espace économique européen qui est soumise à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent, sous réserve que ces personnes aient détenues ensemble au moins 25% du capital de la société considérée à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. S’il préserve un avantage en faveur des entreprises familiales, ce dispositif marque néanmoins un net recul par rapport à la législation antérieure qui prévoyait une exonération complète desdites plus-values, sans condition de délai de détention. L’administration transpose à la présente mesure l’ensemble des règles doctrinales qu’elle avait publiées pour l’application du précédent cadre législatif y compris, malheureusement, celle suivant laquelle toute cession ultérieure, même partielle, des titres reçus à l’extérieur du cercle familial entraîne la remise en cause de l’abattement pour la totalité de la plus-value réalisée lorsqu’elle intervient dans le délai de cinq ans suivant la première transaction.

Le dernier cas d’application de l’abattement majoré concerne les dirigeants de PME (au sens de la réglementation communautaire) qui cèdent leur participation à l’occasion de leur départ en retraite. Cet abattement majoré s’applique après imputation sur la plus-value réalisée d’un abattement fixe de 500 000€, indépendant de la durée de détention des titres. De nombreuses conditions sont posées par la loi pour bénéficier de cette mesure concernant notamment :
-  Les fonctions de direction exercées par le cédant, sa rémunération, qui doit excéder la moitié de ses revenus professionnels ;
-  Le niveau de détention du capital de la société cédée par le groupe familial, au moins égal à 25% durant les cinq dernières années ;
-  L’activité de la société cédée : elle peut déployer une activité professionnelle, une activité de holding, mais en aucun cas une activité patrimoniale ;
-  L’absence de lien entre le cédant et l’acquéreur
-  Le calendrier de la cession de titres et du départ en retraite, les deux opérations devant être proches.

Dans ses commentaires, l’administration reprend l’essentiel des règles énoncées à propos de l’ancien régime qui prévoyait dans les mêmes situations un abattement du tiers sur la plus-value réalisée pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, aboutissant à une exonération complète à l’issue d’une détention de huit ans.

Elle revient toutefois sur la mesure qui ouvrait le bénéfice de l’abattement aux co-fondateurs et aux membres du groupe familial qui cèdent leurs titres en même temps que le dirigeant prenant sa retraite. Ce changement doctrinal contribue à l’alourdissement de la fiscalité des transmissions d’entreprises familiales et introduit de fâcheux écarts de prélèvements entre les différents cédants qui ont pris le risque économique d’un investissement dans une PME.

Lionel Flin Avocat au Barreau de Paris Ancien inspecteur des impôts
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