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Conciliation conventionnelle : la lettre "d’invitation" adressée aux parties adverses doit-elle comporter des mentions obligatoires ? Par Christophe Mollard Courtau.
Parution : jeudi 13 novembre 2014
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Dans le cadre d’une conciliation conventionnelle ou judiciaire, la lettre d’invitation (conciliation conventionnelle) ou de convocation (conciliation judiciaire sur délégation du juge d’instance ou de proximité avec l’accord exprès des parties ou en cas de désaccord, l’injonction du juge adressé à celles-ci de rencontrer un conciliateur de justice aux fins d’information sur la procédure conciliatoire [1]), doit-elle comporter des mentions obligatoires et si oui, lesquelles ?

Le décret de 1978 instituant les conciliateurs, très souple et peu contraignant, modifié en 1996, 2010 et 2012 [2], n’impose expressément aucune mention obligatoire dans la lettre d’invitation notamment s’agissant de la conciliation conventionnelle ;

Mais ne convient-il pas d’informer le ou les parties adverses des principes essentiels d’une conciliation conduite par un conciliateur de justice, auxiliaire de justice assermenté et non médiateur indépendant, afin qu’elles puissent décider d’y participer ou non en toute connaissance de cause ?
En effet, le consentement libre et éclairé est l’une des conditions essentielles de validité de tout contrat [3], transaction ou constat d’accord conventionnel ou judiciaire issu notamment d’une procédure conciliatoire ;

5 principes devraient donc être mentionnés, à titre informatif, dans la lettre d’invitation et/ou convocation dans le cadre d’une procédure conciliatoire mise en œuvre par le conciliateur de justice, à savoir : son caractère non obligatoire, les principes du contradictoire, gratuité et confidentialité, la suspension de la prescription ;

1/ Une procédure non obligatoire librement acceptée par les parties en litige :

Cela signifie que la ou les parties invitées ne sont nullement tenues de se présenter ni d’exprimer leur refus ni de le motiver et que ce refus n’aura aucune conséquence en droit en cas de saisine du juge ;
Mais ce refus pourra constituer un argument pour le demandeur et/ou son conseil en cas de saisine du juge fondé sur la volonté de conciliation et d’apaisement du demandeur, forme de « main tendue » refusée par le ou les parties adverses, argument laissé à l’appréciation souveraine du juge du fond ;

2/ Une procédure contradictoire, confidentielle et gratuite :l’application de certains principes directeurs du procès à une procédure non contentieuse :

- Une procédure contradictoire et loyale : Le conciliateur est tenu d’entendre les arguments en fait et en droit de chacune des parties en litige et d’examiner leurs pièces avec leur accord, le conciliateur de disposant d’aucun pouvoir d’injonction de communication des pièces ;

- Une procédure confidentielle : Tout propos tenu ou pièce communiquée au conciliateur est couvert par le secret professionnel et ne peut être communiqué à un tiers (juge, administration ou témoin) sans l’accord exprès des parties en litige sauf dispositions légales imposant la dénonciation de certains faits délictueux aux autorités compétentes ;

- Une procédure gratuite : L’accès au conciliateur de justice dans le cadre d’une conciliation conventionnelle ou judiciaire est gratuit, celui ci intervenant dans le cadre du service public de la justice gratuit contrairement au médiateur conventionnel ou judiciaire dont l’accès est payant ;

3/ La suspension des délais de prescription : l’article 2238 du Code Civil : une procédure non contentieuse se rapprochant du procès :
Cet article dispose que la saisine du conciliateur aux fins de tentative de conciliation suspend les délais de prescription à partir de la première réunion de conciliation ; En cas d’échec de la conciliation, le délai de prescription repart au moment où il s’était arrêté et non pour un nouveau délai (contrairement à l’interruption de la prescription en cas d’assignation) ;

À noter, que les parties à un contrat civil ou commercial peuvent, avant tout litige, y insérer une clause de conciliation (conciliation par les parties elles mêmes ou recours à un tiers conciliateur de justice ou non) qui doit être rédigée précisément, clause dont les parties seront tenues de respecter en cas de survenance du litige.

Ce caractère facultatif des MARC/MARL dont la conciliation conduite par un conciliateur, fondement essentiel et commun à tout mode de règlement amiable des conflits, ne constitue t-il pas à la fois leur force mais aussi leur faiblesse ?

Et s’agissant de la France, l’on peut légitimement se demander si le règlement amiable des litiges, dont le recours est fortement promu notamment dans le cadre du débat sur la justice du XXI ième siècle mais qui est peu utilisé dans la pratique judiciaire, s’inscrit dans la tradition et la pratique de nos institutions judiciaires fondées principalement sur le procès ?

Néanmoins, le Code de Procédure Civile prévoit exceptionnellement, qu’ une procédure préalable de conciliation est obligatoire mais sans sanction, devant le C.P.H (passage obligatoire et préalable devant le bureau de conciliation sauf référé, requalification d’un C.D.D et C.D.I et licenciement économique) et devant le J.A.F (conciliation en cas de divorce) ;
Quant à l’assignation aux fins de tentative préalable de conciliation devant le T.I ou J.P (article 830 et suivants du C.P.C) et qui n’est pas un préalable obligatoire à l’assignation aux fins de jugement, elle n’est utilisée que très rarement ;

Afin de promouvoir la conciliation notamment conventionnelle par rapport à la médiation et de mieux différencier leur domaine d’application qui tendent à se confondre au détriment de la conciliation pourtant spécificité de notre système judiciaire depuis 1790 , ne convient-il pas d’y introduire une légère contrainte à visée informative et pédagogique [4] ?

Christophe M. COURTAU Diplômé d\'études supérieures en droit de l\'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Conciliateur de Justice près le Tribunal d\'Instance de Versailles - (ccourtau-cj78370@sfr.fr)

[1Article 128 du C.P.C

[2Le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 instituant les conciliateurs devenus de justice par le décret n° 96-1091 du 13 décembre 1996 ; Décret n°2010-1165 du 1ier octobre 2010 et décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012

[3Article 1109 et suivants du C.Civ.

[4Christophe M. Courtau in www.village-justice.com/.../Conciliateur-justice-Promouvoir,16527.html: une conciliation conventionnelle requalifiée de conciliation « pré judiciaire »