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Quand une jeune avocate crée son propre cabinet. Témoignage de Mélodie Kudar.
Parution : jeudi 4 décembre 2014
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Mélodie Kudar, jeune avocate, a ouvert son propre cabinet en octobre 2014. Elle répond aux questions du Village de la justice afin de partager son expérience.

"J’exerce principalement en droit pénal et en droit routier mais également en réparation du dommage corporel, en droit du travail et en droit des étrangers. J’ai d’abord obtenu un DUT Carrières Juridiques à l’IUT de Villetaneuse (Université Paris XIII), puis ma licence, mon Master 1 et mon Master 2 doit pénal et sciences criminelles à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense.
J’ai ensuite réussi le concours d’entrée au CRFPA à l’IEJ l’université Paris Ouest Nanterre La Défense et intégré la Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) de Versailles.
Ayant obtenu mon CAPA, je suis devenue avocate le 31 octobre 2012."

Pour quelles raisons avez-vous choisi d’ouvrir votre propre cabinet ?

"J’ai toujours été très indépendante et même si le statut de collaboratrice m’a permis d’apprendre énormément de choses, je n’y trouvais pas ma place."

"J’ai exercé en collaboration après l’obtention du diplôme et ce jusqu’au mois de mars 2014.Je me suis vite rendue compte que ce statut ne me convenait pas.
La collaboration peut en effet être un très bon moyen de débuter dans la profession, lorsque les principes essentiels du contrat de collaboration sont respectés, ce qui est loin d’être toujours le cas malheureusement.
Pour ma part, j’ai toujours été très indépendante et même si le statut de collaboratrice m’a permis d’apprendre énormément de choses, je n’y trouvais pas ma place.
Ma dernière collaboration s’est terminée pour des raisons économiques et je n’ai pas décidé de m’installer immédiatement, au contraire, j’ai même d’abord recherché une nouvelle collaboration mais ne trouvant pas de poste qui me convenait, j’ai envisagé l’installation.
Je savais que m’installer avec deux ans de barreau à peine serait un véritable challenge, mais cela m’a boostée. Et savoir que j’allais pouvoir enfin gérer mes propres dossiers, à ma manière a été un véritable soulagement pour moi.
Je suis donc installée depuis le 1er octobre 2014."

Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre installation ?

"L’installation en individuel est un cap difficile, car on se retrouve facilement seul face à ses questions.
Je n’ai pas rencontré de difficultés majeures, mais les démarches administratives sont fastidieuses ; j’ai été très occupée avec les nombreuses formalités à effectuer. "

Vers qui, vers quelles institutions vous êtes-vous tournée pour trouver de l’aide ?

"Je me suis tournée vers l’UJA de Paris qui m’a donné quelques conseils, mais je me suis essentiellement débrouillée seule."

Le barreau auquel vous êtes rattachée vous a t’il guidée lors de votre installation, vous a t’il conseillée ?

"Le barreau entrepreneurial (de l’ordre des avocats de Paris) dispense des formations très intéressantes et c’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui m’a aidée à prendre la décision de l’installation.
En revanche, concernant les démarches à proprement parler, je me suis sentie très seule et j’ai rencontré quelques difficultés pour obtenir une toque, changer d’adresse…"

Depuis votre installation, quel est votre quotidien professionnel, comment organisez-vous vos journées ?

"Depuis l’installation, mes journées sont beaucoup mieux organisées que lorsque j’étais collaboratrice, je suis beaucoup plus productive sans horaires imposés.
Je partage mon temps entre le cabinet, les tribunaux et les commissariats.
Une journée « classique » : je suis au cabinet la moitié de la journée et l’autre moitié au tribunal pour les audiences ou les nombreuses démarches à effectuer, ou encore au commissariat pour les gardes à vue.
Je suis aussi très souvent en formation, environ trois fois par mois, les services de l’ordre et l’UJA proposant de nombreuses formations à Paris."

Quelles sont vos démarches pour trouver de nouveaux clients ?

"Il existe différents moyen de trouver des clients.
Je suis inscrite sur certains annuaires (gratuits) d’avocats sur internet, et je suis en train de créer mon propre site internet.
Le bouche à oreille des clients satisfaits est aussi un bon moyen d’avoir de nouveaux clients.
J’ai également la chance d’avoir comme soutien un certain nombre de confrères qui me font confiance, c’est ce qu’il y a de plus précieux pour moi. Ils ont souvent la gentillesse de m’adresser certains clients.
C’est cet ensemble de moyens qui me permet de faire tourner mon cabinet de manière pérenne pour le moment."

De part votre expérience, quels conseils adresseriez-vous à un(e) jeune avocat(e) qui désire s’installer ?

"Je dirais donc à un jeune confrère qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, mais qu’il faut être bien entouré."

"Ce n’est pas aussi difficile qu’on peut le croire mais cela demande une volonté, une motivation sans faille.
Cela demande beaucoup de travail, un certain sens des responsabilités et une énorme débrouillardise.
Je dirais donc à un jeune confrère qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, mais qu’il faut être bien entouré. En effet, on se retrouve vite seul face à ses dossiers si l’on n’est pas un minimum soutenu et cela peut peser."

En tant que jeune avocate, comment voyez-vous l’avocat du XXIème siècle ?

"Pour moi, l’avocat doit d’abord savoir s’adapter aux nouvelles technologies, c’est l’enjeu principal des prochaines années, nous sommes très en retard !
Nos ordres et le CNB doivent être plus réactifs afin d’aider la majorité des confrères. Nous ne pouvons plus exercer aujourd’hui sans e-mails, SMS, cloud… Nos instances doivent nous aider à utiliser ces outils numériques modernes en toute sécurité notamment afin de respecter le secret professionnel."


Et depuis 2014, quelle a été votre évolution ?

Je m’étais installée à Paris, mais il y a beaucoup d’avocats et le secteur est donc très concurrentiel, difficile de réussir à y développer sa clientèle. J’ai alors pris la décision en 2016 de m’installer au barreau de Versailles.

Le cabinet aujourd’hui se porte plutôt bien et c’est un véritable soulagement après autant de travail, car malheureusement dans cette profession, l’investissement n’est pas toujours à la hauteur du résultat.

Je disais en 2014 que le principal lorsque l’on s’installe seul, c’est d’être bien entouré et je maintiens aujourd’hui que c’est le plus important. J’ai eu beaucoup de chance, depuis que j’ai prêté serment, car j’ai rencontré de très nombreux confrères formidables qui m’ont beaucoup soutenue et qui continuent de le faire.
Je me suis beaucoup impliquée au sein du syndicat des avocats de France (SAF) et au sein de mon ordre à Versailles. Je suis désormais membre du Conseil de l’Ordre depuis janvier 2018 et je découvre le fonctionnement du barreau de l’intérieur. C’est extrêmement enrichissant et je suis ravie de pouvoir aider mes confrères du mieux possible.
Je suis également membre de l’A3D (Association pour la défense des droits des détenus) et de l’ADAP (Association des avocats pénalistes). Ces associations sont un lieu d’échange extraordinaire avec des confrères qui partagent les mêmes valeurs et combats que moi.

J’exerce désormais uniquement en droit pénal, droit routier et application des peines, dans toute la France, mais le plus souvent en région parisienne.
Les journées types n’ont pas tellement changé depuis 2014 si ce n’est qu’elles sont plus chargées qu’avant. Je suis toujours partagée entre le temps passé au cabinet, dans les tribunaux, les commissariats, les prisons, mais également à l’Ordre de avocats et auprès des confrères.

Être seule, cela n’est pas toujours facile, je ne suis pas toujours aussi joignable que je le voudrais pour mes clients, je cours parfois entre les audiences mais heureusement j’ai de nombreux confrères sur qui je peux m’appuyer en cas de besoin.
J’essaie aussi d’optimiser le traitement des dossiers au cabinet, pour gagner en productivité, dématérialisation, cloud, tout cela en respectant le secret professionnel et les règles sur les données personnelles. Cela n’est pas toujours simple, mais c’est l’avenir de la profession de travailler de plus en plus de manière connectée, tout en gardant le lien humain avec nos clients qu’aucun ordinateur ne pourra jamais remplacer.
Il est parfois difficile de concilier tout cela avec ma vie personnelle, mais c’est important de garder aussi des moments pour soi, cela me redonne de la force pour mieux défendre mes clients.

Et si c’était à refaire ? Je referai exactement la même chose et de la même manière. Je ne regrette rien. Je suis libre aujourd’hui de défendre tous ceux que je souhaite, à ma façon. Je suis libre dans la gestion de mon temps, de mes dossiers, de mes stratégies. On dit souvent que la liberté n’a pas de prix, c’est faux, elle en a un. Ça coute cher d’être libre mais je ne changerai de vie pour rien au monde.

Propos recueillis par Marie Depay, Rédaction du Village de la justice.
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