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L’autorité compétente pour délivrer des autorisations d’occupation temporaire. Par Julien Guillard, Avocat.
Parution : jeudi 4 décembre 2014
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La question de la compétence de l’auteur d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine est fondamentale pour garantir la sécurité juridique des bénéficiaires ; le décalage entre les textes régissant cette compétence et l’interprétation qui en est faite par le Conseil d’État fait potentiellement peser une illégalité externe sur les autorisations consenties par les assemblées délibérantes.

Les autorisations d’occupation temporaire du domaine public sont des outils de gestion du domaine des collectivités locales.

Ces actes administratifs délivrés de manière unilatérale recouvrent deux types d’autorisations : le permis de stationnement et la permission de voirie.

Le permis de stationnement autorise l’occupation temporaire et superficielle du domaine public, et n’autorise aucune emprise au sol, c’est l’exemple des terrasses de cafés.

La permission de voirie, à la différence du précédent titre, autorise une emprise au sol. Elle est délivrée dans le cas où la création de fondations est nécessaire, notamment pour faire passer des canalisations, installer un stand implanté au sol, etc.

En principe, l’intérêt de la distinction entre ces deux autorisations vient de la compétence déployée pour délivrer une telle autorisation : le permis de stationnement est une mesure de police administrative dont la compétence est dévolue au Maire, alors que la permission de voirie, qui porte atteinte à l’intégrité du domaine public par son emprise, est de la compétence de son propriétaire, soit de l’assemblée délibérante.

Néanmoins dans les faits, la question de l’autorité compétente pour délivrer ces actes n’est pas si tranchée ; la pratique dépasse largement le cadre simpliste brossé ci-dessus et des obligations respectives s’articulent souvent au sein d’une convention d’occupation temporaire du domaine.
Sur la question de la compétence, la réponse semble toute trouvée à la lecture de l’article L2121-19 du Code général des collectivités territoriales, lequel dispose que le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, il dispose donc d’une plénitude de compétence lorsqu’un texte n’en confie pas la compétence à une autre autorité.

L’organe susceptible d’interférer dans cette compétence est le Maire, qui dispose quant à lui de certaines compétences dont la source peut provenir soit de pouvoirs propres issus de la loi, soit de délégations de compétences du Conseil municipal.

Le Maire a pour mission d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique au sein de la commune.

L’article L2122-22 5° du CGCT permet au Maire pour la durée de son mandat, après délégation du Conseil municipal de « décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n’excédant pas douze ans ».

On doit déduire de cet article qu’en l’absence de délégation, seul le conseil municipal est compétent pour autoriser l’occupation du domaine public de la commune.

Pourtant, l’article L2122-21 1° du CGCT attribue au maire la conservation et l’administration « des propriétés de la commune et de faire en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ».

En effet, le Conseil d’État affirme que « s’il appartient au conseil municipal de délivrer sur les conditions générales d’administration du domaine communal, le Maire est seul compétent pour délivrer et pour retirer les autorisations d’occuper temporairement ce domaine » [1].

La décision Commune de Cap-d’Ail contre Sté PALOMA du 26 mai 2004 a été rendue sur conclusions contraires du Commissaire du gouvernement COLLIN. L’abrogation d’une autorisation d’occupation du domaine public avait en l’espèce été décidée par le Conseil municipal ; la société PALOMA avait ainsi attaqué la délibération, soulevant un moyen d’illégalité externe tiré de l’incompétence du Conseil municipal pour prendre une telle décision.

Sur ce point, les positions doctrinales divergent. Le professeur GODFRIN écrit que « l’exécutif de la collectivité territoriale est compétent pour délivrer et abroger l’autorisation. L’organe délibérant excéderait sa compétence et sa décision serait annulée s’il intervenait en la matière » [2], alors que le professeur PLESSIX estime que cette solution « est loin d’emporter la conviction, car elle néglige l’évolution du régime des communes » [3].

Pourtant, il semblerait que les juridictions du fond suivent le Conseil d’État ; dans un arrêt du 6 avril 2006, la Cour administrative d’appel de LYON a pu valider ce raisonnement en approuvant la décision du Maire intervenue en dehors de toute délibération du Conseil Municipal, de rejeter une demande visant à apposer une planque commémorative [4].

De même que la Cour administrative d’appel de NANCY dans un arrêt du 3 février 2005 a affirmé qu’un Conseil municipal était incompétent pour se prononcer sur la demande d’attribution de locaux par une association [5].

Il semble soutenable que la distinction pourrait se faire en tenant compte de celle réalisée dans les autorisations d’occupation unilatérales du domaine public, où en présence d’une emprise sur le domaine public, l’autorisation du propriétaire serait nécessaire, alors que sans emprise sur le domaine, cela ne constituerait qu’une mesure de gestion dévolue à la compétence du Maire.

Cette vision n’est également pas retenue par la jurisprudence, puisque dans une décision du 20 octobre 2008 [6], la Cour administrative d’appel de BORDEAUX a affirmé qu’une autorisation d’occupation du domaine public communal délivrée par le Conseil municipal, afin de permettre la réalisation d’une construction dont une canalisation devait traverser une voie publique, était entachée d’illégalité, reprenant le considérant de l’arrêt Société PALOMA et attribuant la compétence d’une telle autorisation au Maire de la commune.

Pourtant en pratique, on constate que bon nombre de collectivités rechignent à confier à leur exécutif ce type de décision, que certains pourraient qualifier in fine, d’éminemment politique.

Néanmoins, toute question touchant à la légalité externe d’un acte ne devrait souffrir d’aucun flou.

Julien Guillard Avocat au Barreau de La Rochelle

[1Conseil d’État, 26 mai 2004 – Cne de Cap-d’Ail c/ Sté Paloma, req. N°242086

[2GODFRIN P, Droit administratif des biens, SIREY 2009, p. 155 n°223

[3JURISCLASSEUR Fasc. 79

[4CAA Lyon, 6 avril 2006 n°03LY02022

[5CAA Nancy, 3 février 2005 n°00NC01522

[6CAA BORDEAUX, 20 octobre 2008 n°06BX02106