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Le nouveau droit à l’avocat pour la personne librement auditionnée (articles 61-1, 77 et 154 CPP). Par Thibaud Claus, Avocat.
Parution : lundi 8 décembre 2014
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Dans la continuité du droit à l’assistance d’un avocat dans le cadre de la garde à vue (loi du 14 avril 2011) et du droit à l’assistance d’un avocat dans le cadre des déferrements devant le procureur de la République (loi du 27 mai 2014), le législateur a également permis à la personne librement auditionnée par les forces de l’ordre d’être assistée par un avocat depuis le 1er janvier 2015.

Pour rappel, l’audition dite libre est l’audition d’une personne par les policiers où par les gendarmes en dehors du cadre de la garde à vue.

Cette personne est donc libre de quitter à tout moment les locaux dans lesquels elle est entendue.

Cependant, les forces de l’ordre pourraient alors, si les critères étaient réunis, placé l’intéressé en garde à vue pour le garder à disposition.

Passées ces remarques, l’audition libre est aujourd’hui utilisée très largement, celle-ci étant moins contraignante procéduralement que la garde à vue, notamment par l’absence du droit à l’assistance par un avocat.

Ainsi, la difficulté pratique se posait pour l’avocat de ne pouvoir assister son client que dans un cadre contraignant. Fallait-il forcer le placement en garde à vue pour pouvoir assister son client mais en lui imposant un enfermement ?

Le législateur est venu mettre un terme à ce dilemme du praticien en permettant également pour la personne librement auditionnée d’être assistée par un avocat.

Ainsi le nouvel article 61-1 du Code de procédure pénale énonce :
« La personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée :
1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;
2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;
3° Le cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète ;
4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;
5° Si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l’audition hors la présence de son avocat ;
6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.
La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal.
Si le déroulement de l’enquête le permet, lorsqu’une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l’infraction dont elle est soupçonnée, son droit d’être assistée par un avocat ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.
Le présent article n’est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l’officier de police judiciaire. »

Ces dispositions sont applicables à l’enquête de flagrance mais également à l’enquête préliminaire et aux auditions réalisées sur commission rogatoire d’un juge d’instruction (nouveaux articles 77 et 154 du Code de procédure pénale).

Ainsi, le droit à l’assistance d’un avocat poursuit, logiquement, son extension.

Cependant, cette nouvelle procédure interroge sur sa mise en place pratique.

En effet, le législateur n’a pas prévu de temps d’entretien confidentiel avant le début de l’audition, tel qu’il en existe pour la garde à vue. Comment dès lors échanger avec un client qui souhaite un avocat de permanence lors de l’énoncé de ses droits par les enquêteurs au début de son audition ?

De même, les enquêteurs n’auront-ils pas plus facilement tendance à placer un mis en cause en garde à vue ayant perdu le "bénéfice" de l’absence de l’avocat en audition libre ?

Autant d’interrogations auxquelles seuls les premiers mois de pratique permettront d’apporter une réponse et auxquelles les avocats devront veiller pour que les droits de la défense soient respectés.

Thibaud CLAUS Avocat au Barreau de Lyon Spécialiste en droit pénal www.claus-avocat-lyon.com
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