Village de la Justice www.village-justice.com

Evolution du régime des STECAL – Le plan local d’urbanisme et la petite maison dans la prairie. Par Charles Soublin, Avocat.
Parution : vendredi 19 décembre 2014
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Evolution-regime-des-STECAL-plan,18545.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Charles Ingalls a failli se voir refuser sa demande de permis de construire l’extension de sa petite maison dans la prairie.

Si la volonté du législateur est de prévenir l’artificialisation des sols et de concentrer l’habitat au sein des bourgs et des agglomérations, il semble avoir oublié, l’espace de quelques mois, l’extension des habitations dans les zones agricoles, naturelles et forestières.

Issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 « Grenelle II », l’ancien article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme disposait notamment :

« Dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, le règlement peut délimiter des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels des constructions peuvent être autorisées à la condition qu’elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. Le règlement précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone ».

Ces dispositions autorisent, dans les zones naturelles et agricoles, le pastillage d’une construction ou d’un ensemble de constructions pour permettre l’évolution du bâti existant et le faire échapper à l’inconstructibilité de principe dans les espaces naturels et ruraux.

Selon l’étude d’impact de la loi ALUR, la technique du pastillage a parfois été source de dérives et de surcoûts en termes d’équipement, de services publics et de réseaux, consommatrice de terres cultivables et préjudiciable à la qualité des paysages.

Et l’étude d’impact de citer le PLU de Vaison-la-romaine, partiellement annulé, créant 200 pastilles.

Dès lors qu’il est vrai que ces dispositions ont parfois conduit à voir des plans locaux d’urbanisme de certaines communes rurales véritablement « mouchetées » de zone Ah, Nh, Ar, Nr, etc., le législateur a entendu rendre ces pastilles exceptionnelles et les soumettre à l’avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.

Selon l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) :

« 6° A titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés :

a) Des constructions ;

b) Des aires d’accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l’habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ;

c) Des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.

Le règlement précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions, permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l’hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire.

Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de trois mois à compter de la saisine.

Les constructions existantes situées en dehors de ces secteurs et dans des zones naturelles, agricoles ou forestières ne peuvent faire l’objet que d’une adaptation ou d’une réfection, à l’exclusion de tout changement de destination.

Dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l’objet d’un changement de destination ou d’une extension limitée, dès lors que ce changement de destination ou cette extension limitée ne compromet pas l’exploitation agricole. Le changement de destination et les autorisations de travaux sont soumis à l’avis conforme de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.

Dans les zones naturelles, le règlement peut désigner les bâtiments qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l’exploitation agricole ou la qualité paysagère du site. Dans ce cas, les autorisations de travaux sont soumises à l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Le septième alinéa du présent 6° n’est applicable ni aux constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière, ni aux constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics ».

La possibilité de création de STECAL est donc conservée, mais seulement :

• à titre exceptionnel ;
• après avis de la CDCEA.

Le texte ne précise pas à quel moment doit intervenir la saisine de la CDCEA mais on l’imagine concomitante à celle des personnes publiques associées, dès lors que la commission peut, à sa demande, se faire communiquer le projet de PLU arrêté [1].

En dehors des STECAL, dans les zones naturelles et agricoles, la loi ALUR fige les constructions dans leur volume-enveloppe, en ne permettant qu’une adaptation ou une réfection, pour éviter la ruine.

Sous l’empire de ces dispositions, elles ne pouvaient faire l’objet ni d’une extension ni d’un changement de destination.

Toutefois, les auteurs du plan local d’urbanisme pouvaient repérer les bâtiments qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial.

• Dans les zones agricoles, les bâtiments repérés pouvaient faire l’objet d’un changement de destination et d’une extension limitée, après avis conforme de la CDCEA.

• Dans les zones naturelles, les bâtiments repérés pouvaient faire l’objet d’un changement de destination (à l’exclusion d’une extension, même limitée), après avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Ces dispositions invitaient donc les auteurs du plan local d’urbanisme à procéder à l’inventaire des bâtiments d’intérêt plutôt qu’à pastiller le territoire.

L’on peine à imaginer le travail de titan des cabinets d’étude consistant à parcourir la campagne à la recherche de bâtiments d’intérêt à identifier, alors même que, bien souvent, l’élaboration d’un plan local d’urbanisme est à peine rentable pour ces bureaux d’étude.

La loi ALUR restreignait donc considérablement l’évolution du bâti dans les zones agricoles et naturelles puisque les STECAL deviennent exceptionnels et qu’en dehors de ces zones le bâti devient figé (sauf bâtiments d’intérêt) …

Le IV de l’article 157 de la loi ALUR dispose toutefois que les STECAL délimités avant la publication de ladite loi restent en vigueur et soumis aux dispositions précitées du 14° de l’article L. 123-1-5 jusqu’à la prochaine révision du document d’urbanisme.

Quelques mois après la publication de la loi ALUR, un nouveau régime devient applicable aux constructions existantes dans les zones agricoles, naturelles et forestières.

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture revient partiellement sur le dispositif ALUR.

Selon l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme désormais en vigueur :

« 6° A titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés :

a) Des constructions ;

b) Des aires d’accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l’habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ;

c) Des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.

Le règlement précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions, permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l’hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire.

Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de trois mois à compter de la saisine.

Dans les zones agricoles ou naturelles et en dehors des secteurs mentionnés au présent 6°, le règlement peut désigner les bâtiments qui peuvent faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis, en zone agricole, à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, et, en zone naturelle, à l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Dans les zones agricoles ou naturelles et en dehors des secteurs mentionnés au présent 6°, les bâtiments d’habitation peuvent faire l’objet d’une extension dès lors que cette extension ne compromet pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le règlement précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des extensions permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone ».

Les STECAL restent donc exceptionnels.

Le changement de destination des constructions existantes dans les zones agricoles ou naturelles, en dehors des STECAL, devient possible pour les bâtiments désignés au règlement (sans que la condition tenant à l’intérêt architectural ou patrimonial ne soit reprise), après avis conforme de la CDCEA ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, selon que la construction se situe en zone A ou N.

L’extension (sans référence à son caractère limité) des bâtiments d’habitation dans les zones agricoles ou naturelles, en dehors des STECAL, redevient possible (sans qu’il soit nécessaire de recueillir un quelconque avis).

Dans cette hypothèse, le règlement doit préciser les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des extensions.

L’on est en vérité plus proche du choc que de la simplification dans la mesure où des questions essentielles, non résolues par la loi d’avenir pour l’agriculture, restent en suspens et que les dispositions modifiées de l’article L. 123-1-5 en posent de nouvelles.

Le juge administratif sera ainsi probablement amené à se prononcer sur le seuil à partir duquel la création de STECAL n’est plus exceptionnelle ou sur le point de savoir si une extension non limitée de l’existant dans les zones agricoles et naturelles reste compatible avec le caractère de la zone.

Quant aux bureaux d’études, ils s’interrogent déjà sur les critères de désignation des bâtiments pouvant recevoir un changement de destination et sur les modalités de cette désignation (règlement graphique ou littéral, désignation bâtiment par bâtiment, définition d’un type de bâtiment pouvant recevoir le changement de destination …).

L’avis conforme des commissions départementales sur le changement de destination interroge également. Doit-il être systématique, à l’occasion de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme ou à l’occasion de l’élaboration du plan local d’urbanisme ?

La petite maison dans la prairie peut donc être étendue mais, plus que jamais, les plans locaux d’urbanisme sont soumis à une constante insécurité juridique qu’un législateur « girouette » ne peut que renforcer.

Charles Soublin, avocat

[1article L. 123-9 du code de l’urbanisme

Comentaires: