Village de la Justice www.village-justice.com

Le comité d’entreprise allemand. Par Cathy Neubauer, Avocat.
Parution : mercredi 31 décembre 2014
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Comite-Entreprise-Allemand,18611.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les travailleurs et les employeurs français sont toujours très surpris lorsqu’ils tentent d’appréhender le fonctionnement du comité d’entreprise allemand.
Cet article se donne pour but de de réaliser une rapide approche du système de représentation dans l’entreprise du travailleur allemand.

Le comité d’entreprise en Allemagne ( Der Betriebsrat)

Der Betriebsrat, mot à mot, le conseil d’entreprise, est l’équivalent ou presque de notre comité d’entreprise en France.
Si son rôle est semblable à son homologue français, tant sa mise en place que son fonctionnement sont très différents.

Un peu d’histoire

Le Betriebsrat allemand, dont la traduction mot à mot signifie conseil d’entreprise, est de par son principe, l’équivalent du comité d’entreprise allemand.
La première loi sur les comités d’entreprises en Allemagne a été publiée en 1920, durant la République de Weimar.

Il convient de suite de signaler que le système des délégués du personnel tel qu’il existe en France, c’est-à-dire au-dessus de 10 salariés et en dessous du seuil de 50 salariés, n’a aucune existence en Allemagne.
En Allemagne, seul le comité d’entreprise existe.

En fait, il convient d’ors et déjà de faire observer que pour des raisons de commodité, nous appellerons ce Betriebsrat « Comité d’entreprise » alors qu’en fait une traduction plus puriste et plus respectueuse de la langue voudrait qu’on le traduise par conseil d’entreprise, ce qui au vu du fonctionnement de cette structure serait plus adéquate, mais la traduction de comité d’entreprise est tout à fait acceptable, dès lors que cette structure a un rôle de représentation des salariés.

Suite à cette loi de 1920, la Betriebsverfassungsgesetz (BetrVG) qui est, aujourd’hui encore, le texte fondamental en matière de comité d’entreprise en Allemagne et plus précisément, comme le dit en substance le texte, le texte fondamental en matière de travail en commun (zusamennarbeit) entre les employeurs et ce comité qui est la représentation des salariés.
Il convient de suite de souligner que le comité d’entreprise a réellement voix au chapitre dans certains cas dès lors que concernant certaines questions il faut un avis conforme, donc un accord du comité d’entreprise.
En 1972, ce texte a été modernisé de façon très importante, en élargissant notablement le périmètre des droits des différents intervenants.

Ainsi, la modification de 1972 a renforcé la position des syndicats de travailleurs, en leur permettant notamment d’entrer dans les entreprises. Ce texte a non seulement renforcé les droits collectifs mais également les droits individuels des salariés. Cette réforme a ouvert la possibilité au comité d’entreprise allemand de pouvoir d’intervenir en matière de de temps de travail, de protection du travailleur et en matière technique.

En 200, ce texte a à nouveau été amélioré en facilitant notamment la mise ne place de comité d’entreprise dans des structures plus petites. Ce même texte a également mis en place des quotas afin que les membres du sexe qui est minoritaire dans l’entreprise se voit réserver des sièges en fonction afin d’assurer leur représentativité.

Comment mettre en place un comité d’entreprise ?

Qui prend l’initiative de la mise en place du comité d’entreprise ?

Le comité d’entreprise allemand, contrairement au comité d’entreprise français, n’est pas à installer obligatoirement par l’employeur lorsque son entreprise dépasse le seuil fatidique des 50 salariés. Le système allemand est très différent.
Il est beaucoup plus souple et, bien que dépendant d’un seuil d’effectif bien moins élevé, le fait d’atteindre ce dernier n’oblige pas le chef d’entreprise à mettre le comité d’entreprise en place.
Lorsque l’effectif de l’entreprise atteint les 20 salariés, qui est le seuil d’effectif à partir duquel le comité d’entreprise peut être mis en place, il ne se passe rien, du moins du côté de l’employeur.
En fait, le législateur allemand a une très grande confiance en la capacité du travailleur à gérer lui-même sa propre représentation ainsi que les intérêts collectifs de l’ensemble des travailleurs.

En d’autres termes, l’initiative, la mise en place du comité électorale et les élections relèvent intégralement des salariés.
L’employeur a simplement à prendre les frais en charge et à mettre à disposition du comité électoral, les moyens nécessaires à l’organisation des élections.

De ce fait, il peut arriver que des entreprises d’une taille tout à fait respectable, ne disposent d’aucun comité d’entreprise.

A partir de quel seuil d’effectif ?

La représentation des salariés en Allemagne ne comporte pas les seuils d’entreprises du type moins de 10 salariés, sans représentation du personnel, entreprises de 10 à 49 salariés comportant des délégués du personnel et entreprises de 50 salariés et plus, seuil de déclenchement de la mise en place obligatoire du comité d’entreprise.
Le seuil de déclenchement de la possibilité de la mise en place du comité d’entreprise en Allemagne est bien moins élevé qu’en France.
Selon la Betriebsverfassungsgesetz (BetrVG) il est possible de mettre en place un comité d’entreprise à partir d’un seuil d’effectif de 5 salariés, sachant que, là aussi, contrairement au droit français, les apprentis ne sont pas exclus des effectifs pris en compte.

Comme indiqué précédemment, l’organisation des élections visant à mettre le comité d’entreprise allemand en place ne relève pas de l’employeur. Cela relève exclusivement des salariés. Simplement le chef d’entreprise n’a pas le droit de tenter de gêner cette mise en place et encore moins de l’interdire ou de tenter de l’interdire.

Qui va mettre le premier comité d’entreprise en place ?

Comme indiqué ci-dessus, l’initiative de la mise en place du comité d’entreprise ne relève pas de l’employeur mais elle est de la seule responsabilité des salariés, sachant que les salariés peuvent très bien ne pas souhaiter avoir de comité d’entreprise.
Il suffit, pour mettre un comité d’entreprise en place, de créer un « Wahlvosrtand » ce qu’on pourrait traduire par un comité électoral qui a pour rôle de mettre le premier comité d’entreprise en place.

Il suffit, pour créer ce comité, que trois salariés aptes à voter lors de ces élections, se rassemblent et décident de créer ce comité.
Il n’a pas à être désigné par qui que ce soit. Il s’agit tout simplement, pour trois salariés, disposant du droit de vote selon la Betriebsverfassungsgesetz, de se rassembler pour mettre le comité d’entreprise en place.

Cependant pour mettre ce comité d’entreprise en place, il faut que ces trois personnes invitent l’ensemble des salariés à une réunion qui est une sorte d’assemblée générale.

Suite à cette réunion, les 3 salariés, confirmés dans leur rôle de comité électoral vont prendre en charge l’intégralité des formalités nécessaires aux votes.

La Betriebsverfassungsgesetz met en place un calendrier qui liste les délais dans lesquels les diverses formalités doivent être faites : appel aux candidatures, opérations de vote etc…

Une fois que ces formalités sont faites, que les élections ont eu lieu et que les résultats ont été proclamés, le comité d’entreprise peut commencer à fonctionner.

Et en cas de renouvellement ?

Lorsque le mandat du comité d’entreprise touche à sa fin, le comité d’entreprise est tenu, au plus tard 10 semaines avant son renouvellement de mettre en place un comité électoral qui sera chargé de préparer les élections destinées à renouveler le comité d’entreprise.

Il en résulte que contrairement au comité d’entreprise en France où la responsabilité de la mise en place des élections du comité d’entreprise relève de l’employeur et peut même engager sa responsabilité pénale, l’employeur allemand n’a à aucun moment à provoquer la moindre élection ; Elle est intégralement sous la responsabilité des salariés.
Par contre, les frais des élections et du fonctionnement sont à la charge d’employeur.
Contrairement au système français, l’employeur n’a pas à verser de subventions au comité d’entreprise et ce dernier n’a en principe pas la charge des œuvres sociales, tel qu’on l’entend France.

Le rôle du comité d’entreprise d’allemand.

Le rôle du comité d’entreprise allemand, bien qu’ayant des points communs avec celui français, ne recouvre néanmoins pas les mêmes missions.
D’autre part, dans certains cas très précis, l’entreprise a besoin du d’un avis conforme, voire de l’accord du comité d’entreprise, sachant néanmoins que le fait que le comité d’entreprise de refuser est strictement encadré par la loi.

L’article 80 de la Betriebsverfassungsgesetz liste les prérogatives du comité d’entreprise.
Il est toujours très étonnant pour le salarié français d’apprendre que le comité d’entreprise allemand n’a aucune mission sociale et culturelle telle que nous la connaissons en France.

L’article 80 Betriebsverfassungsgesetz est exhaustif en ce sens qu’il décrit les droits et obligations du comité d’entreprise.

Les attributions du comité d’entreprise allemand sont centrées sur l’économie et sur le droit du travail. Les membres des comités d’entreprises allemands se savent avant tout élus pour représenter et défendre l’intérêt des salariés sur leur lieu de travail. Ils sont toujours très surpris d’apprendre que leurs homologues français ont une mission culturelle.

L’une de ses attributions principales du comité d’entreprise allemand est le fait de vérifier que les normes applicables en matière de droit du travail soient parfaitement respectées dans l’entreprise. Dans le système allemand, cette notion de norme et de respect des normes est extrêmement importante.

Le comité d’entreprise veille en tout premier à l’application de la loi et des différentes dispositions réglementaires, conventionnelles et autres afin qu’elles soient parfaitement appliqués dans l’entreprise. Bien entendu les textes et règlements relatifs à la protection du salarié contre les accidents du travail relèvent également des attributions du comité d’entreprise allemand.

Mais ses attributions ne s’arrêtent pas là. Le comité d’entreprise a également un rôle de proposition.
En effet selon l’article ci-dessus visé, il appartient au comité d’entreprise de faire à l’employeur toutes les propositions qu’il juge utile pour tant dans l’intérêt de l’entreprise que dans celui des salariés.
Il faut être conscient que si le comité d’entreprise veille au respect strict des lois dans le cadre de sa mission de force de proposition, un de ses lignes directrices reste néanmoins la conciliation des intérêts et de l’entreprise et des salariés.

Une autre des attributions du comité d’entreprise est de veiller à la mettre en place l’égalité homes femmes dans le cadre de l’entreprise. Le texte parle d’égalité effective tout en précisant qu’il convient de de veiller à cette même égalité lors des embauches, mais également dans l’évolution de la carrière et l’accès à la formation continue.

Le même texte impose aussi au comité d’entreprise de veiller à la mise en place, par le biais d’élections, d’un comité chargé de la représentation des jeunes travailleurs et la formation.

Il lui appartient également de prendre en compte les réclamations des salariés et si elles semblent justifiées, d’entamer les discussions avec l’employeur afin que ce dernier accepte de les mettre en application dans l’entreprise.

Le comité d’entreprise a aussi pour fonction de veiller à la bonne intégration des travailleurs handicapés et des personnes vulnérables et ou nécessitant une protection spéciale dans l’entreprise.

Les attributions du comité d’entreprise allemand ne s’arrêtent pas là. Il a également pour mission de veiller à l’emploi des seniors.

Le comité d’entreprise a également une mission envers les travailleurs étrangers. Il lui appartient de veiller à la bonne intégration des travailleurs étrangers dans l’entreprise tout en veillant à ce qu‘il y ait une entente entre les travailleurs allemands et ceux étrangers. En d’autres termes sa mission d’intégration lui impose également de tenter de veiller à ce qu’il n’y ait pas de discriminations entre les différents travailleurs quelle que soit leur origine mais vu sous l’angle de l’intégration.
Il appartient également au comité d’entreprise de demander et de veiller à ce que les salariés aient du travail. Cette disposition est importante dans sa signification puisqu’elle donne une forme de responsabilité économique dans l’entreprise, ce qui a en pratique pour conséquence que le comité d’entreprise, dans son action, va toujours tenir compte de l’aspect économique du fonctionnement de l’entreprise qu’il va systématiquement mettre en parallèle avec l’intérêt des salariés afin de concilier le tout.

Enfin, il appartient au comité d’entreprise de faire prendre les mesures utiles pour la protection de l’environnement en relation avec l’entreprise et dans le cadre de son activité.

L’ensemble de ces missions sont à réaliser, comme l’indiquent les textes régissant le rôle comité d’entreprise, « dans un climat de confiance avec l’ensemble des partenaires sociaux et dans l’optique des intérêts communs de l’entreprise et des salariés ».

Les articles 87 à 113 de la Betriebsverfassungsgesetz donnent le détail des compétences concrètes du comité d’entreprise.
Ces dispositions donnent d’une certaine façon le mode d’emploi du fonctionnement du comité d’entreprise, une fois qu’il est mis en place.

Il convient enfin d’attirer particulièrement l’attention sur l’article 87 du Betriebsverfassungsgesetz.
Ce dernier indique les cas dans lesquels le comité d’entreprise doit donner un avis conforme. En d’autres termes, lorsque l’entreprise veut prendre une décision qui relève de l’article 87 de la Betriebsverfassungsgesetz, il a besoin de l’accord du comité d’entreprise.
A défaut de cet accord, il ne pourra rien faire.

Voici en quelques lignes, les notions de base qu’il faut connaître lorsqu’on se trouve face à une mise en place d’un comité d’entreprise dans une entreprise ou une filiale allemande.
Le fonctionnement pratique du comité d’entreprise fera l’objet d’une étude part.

Cathy Neubauer Avocate