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Le harcèlement moral au travail vu par la jurisprudence. Par Cathy Neubauer, Avocate.
Parution : mardi 20 janvier 2015
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La jurisprudence concernant le harcèlement moral au travail est une jurisprudence vivante dont la Haute Cour affine au fur à et mesure les contours, aidée en cela par de nouveaux textes qui permettent une meilleure prévention de ce type de situation.
Le présent article est une mise à jour d’un article publié en décembre 2011 et qui fait le point sur les rajouts jurisprudentiels et textuels qui ont eu lieu ces trois dernières années.

La prohibition du harcèlement moral est visée dans le Code du travail. Cette notion a été affinée par la jurisprudence. Le présent article se propose de dresser un tableau, bien entendu non exhaustif, des agissements visés par la loi, et ce au regard des décisions rendues en la matière.
"Il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral.", Marie-France Hirigoyen.

Marie-France Hirigoyen a été la première, en France, à parler de harcèlement moral. Son livre sorti en 1998 a été une première. Néanmoins, même si le harcèlement moral a de tout temps existé au travail, la loi n’y a fait expressément référence qu’à partir du 17 janvier 2002 et encore, il ne s’agissait pas d’une loi consacrée exclusivement au harcèlement moral, mais tout simplement d’une loi de modernisation sociale ; loi fourre-tout composée de 224 articles, qui englobait dans ses articles 169 à 180, un chapitre consacré au harcèlement moral au travail.
Bien que les dispositions relatives au combat contre le harcèlement auraient sans doute dû faire l’objet d’une loi à part, ces quelques articles sont une véritable révolution dans le monde du travail.
En effet, désormais la souffrance au travail porte un nom ; mieux encore, le responsable de la souffrance au travail d’autrui est susceptible d’avoir à répondre de ses actes devant la juridiction pénale.
D’abord relativement frileuse, la position de la Cour de Cassation a rapidement évoluée pour finir par poser le principe de l’obligation de sécurité de résultat.

Comment identifier une situation de harcèlement moral ?

I. Les textes applicables

La définition du harcèlement moral

L’article L1152-1 du Code du travail, tel qu’il résulte de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail dispose que :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

Les solutions mises en place par le code du travail

Cet article est complété par l’article L1152-2 du Code du travail, libellé comme suit :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés  ».

Et la sanction de ces dispositions est prévue par l’article L1152-3 du même Code :
« Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul  ».
Le Code du travail impose à l’employeur d’agir : article L1152-4 :
« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »
Et lui donne des pistes pour trouver une solution : article 1152-6 :
« Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties. Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime. »

En n’oubliant pas de les assortir de possibilités de sanctions : article L1152-5 du code du travail :
« Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire  ».

Le législateur a également prévu des sanctions pénales, tant dans le Code du travail que dans le Code pénal.
De ces textes, la jurisprudence a brossé, durant ce qui sera sous peu une décennie, un tableau relativement précis du harcèlement moral.
Il convient néanmoins de rappeler qu’une des difficultés majeures de la reconnaissance du harcèlement moral comporte nécessairement une part de subjectivité.

En effet, si les agissements visés sont un ensemble de faits, qui s’ils sont prouvés, sont relativement aisément qualifiables et quantifiables, la notion d’altération de l’état de santé physique ou mentale par contre, dépend elle, de la résistance du harcelé au stress, tout comme la dégradation des conditions de travail peut dépendre pour part du ressenti du salarié face à la situation engendrée par lesdits agissements.
Il en résulte qu’il peut arriver que dans des cas extrêmes, un salarié puisse se sentir harcelé alors qu’un autre salarié dans la même situation ne le ressentira pas comme cela.

Toujours est-il que la jurisprudence a dégagé un certain nombre d’éléments qui permettent d’ébaucher un début de tableau des agissements et situations reconnues comme relevant du harcèlement moral.

II. Les contours dessinés par la jurisprudence

A- Les situations ayant été considérées comme relevant du harcèlement moral

Quelques exemples :
Les brimades
Le fait pour l’employeur d’affecter un salarié dans un local exigu, sans chauffage correct, sans lui remettre d’outils de travail en l’isoler des autres salariés de l’entreprise tout en faisant des réflexions de nature à laisser douter de l’équilibre psychologique du salarié constitue du harcèlement moral. [1]
Le harcèlement moral est constitué du fait, pour un employeur, de critiquer de façon humiliante et régulière le travail d’un salarié en présence d’autres salariés. [2]

Le retrait sans motif du téléphone portable à usage professionnel, l’instauration d’une obligation de se présenter tous les matins au bureau du supérieur hiérarchique, l’attribution de tâches sans rapport avec les fonctions exercées a été considéré par la Cour de Cassation comme constitutif de harcèlement moral. [3]

Pour caractériser des faits de harcèlement, les juridictions du fond peuvent se fonder sur, des témoignages, et constater les conséquences sur la santé de la salariée du travail de "sape morale" et des réflexions humiliantes de sa supérieure. [4]

Le fait pour l’employeur de n’avoir plus fourni de travail au salarié depuis plus de deux ans, et de l’obliger à se présenter tous les jours dans les locaux d’une société tierce constituent des agissements répétés portant atteinte à la dignité du salarié. [5]

Présume l’existence d’un harcèlement moral, le fait que la salariée soutenait avoir été victime d’insultes quotidiennes du gérant de la société et de son épouse, s’être vue imposer des tâches sans aucun rapport avec son contrat de travail. [6]

La violence
Dans les cas de violence, le salarié s’adresse plus volontiers à la justice pénale ; en effet, les violences, brimades, injures et autres vexations infligées à des personnes vulnérables constituent une atteinte à la dignité humaine et ne peuvent être assimilées à un mode paternaliste de gestion non pénalement punissable. [7]

La Cour d’appel qui a estimé que le comportement déplacé du chef de service qui s’emportait à l’encontre de son assistante et devenait violent ne relevait pas du harcèlement moral a été censuré au motif de la violation de l’article L1152-1 du code du travail. [8]

Le fait pour un dirigeant d’entreprise d’agresser verbalement et physiquement une salariée après son congé maternité a été considéré comme relevant du harcèlement moral. [9]

Le fait pour un employeur de harceler, de proférer des menaces verbales et physiques ainsi que des insultes envers un salarié, de telle façon que le salarié et d’ailleurs ses collègues avaient peur de l’employeur, a conduit un salarié à prendre acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur. La Cour d’appel de Pau a validé cette prise d’acte de rupture le 19 juillet 2011 [10] en indiquant que, à supposer que les remarques faites par l’employeur seraient justifiées, il ne peut être accepté qu’elles soient faites avec une telle virulence qu’elles provoquent la peur chez les salariés.
Cette décision est un peu en marge du harcèlement moral dès lors qu’il s’agissait d’une prise d’acte de rupture et que le salarié demandait sa requalification en licenciement pour cause réelle et sérieuse et qu’elle ne vise pas uniquement et expressément le harcèlement moral.

Les comportements racistes
Un salarié d’un palace de la Côte d’Azur était victime de remarques racistes continuelles de la part de son supérieur hiérarchique ; un tract raciste abject à souhait avait même été affiché dans les locaux de l’entreprise « ministre des transports- nouvelles propositions : Si vous écrasez un arabe +2 points…si vous écrasez une arabe enceinte + 3points… si vous écrasez un arabe et le tract de désigner nommément le salarié, + 1500 points » Ce comportement a bien entendu été qualifié de harcèlement moral par la Cour de Cassation. [11]

Les comportements homophobes
Les comportements envers un salarié, moqué en raison de son homosexualité, questionné sur sa petite amie, auquel on fait des réflexions sur son prétendu sac à main, des remarques sur son physique, agressés verbalement avec en des termes lourds de sous-entendus concernant son homosexualité, ayant pour conséquences une dégradation de son état de santé mentale sont constitutifs d’un harcèlement moral. [12]

Sont également constitutifs de harcèlement moral, les propos homophobes et les insultes répétées envers une salariée. [13]

Il en est de même pour le manque de respect envers un salarié en raison de son orientation sexuelle. Le fait de la traiter de « pédé de base », de lui dire qu’il ne pouvait travailler correctement du fait de son homosexualité, d’annoter « évidemment non » dans la colonne « enfants » dans un document. [14]

Certains cas de modification des horaires de travail ou de l’emploi du temps
Si la mise en place des horaires de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur, dans certains cas, ces modifications peuvent relever du harcèlement moral. Constitue un harcèlement moral par l’employeur le fait d’imposer des horaires extensibles, variant d’un jour à l’autre à un salarié, le tout accompagné d’un comportement désobligeant voire insultant. [15]

La modification sans nécessité de l’emploi du temps d’un salarié sans qu’il soit établi que cette modification était nécessaire ou correspondait à un usage de l’établissement est constitutif de harcèlement moral. [16]

Les procédures disciplinaires à répétition quand elles sont injustifiées
La succession de procédures de licenciement exercées à l’encontre de la salariée caractérisant un acharnement de l’employeur à l’égard d’une salariée protégée est constitutif de harcèlement moral. [17]

Le fait d’envoyer de nombreuses lettres de mise en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et reprochant ses absences au salarié, en arrêt de maladie prolongé relève également du harcèlement moral. [18]

Est victime de harcèlement moral la salariée qui n’a précédemment fait l’objet d’aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n’est fondé et dont il résulte une dégradation de ses conditions de travail. [19]

Le fait d’adresser 3 lettres contenant des observations partiellement injustifiées, d’engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et de provoquer dans une période de 3 mois 3 contrôles médicaux est constitutif de harcèlement. [20]

La suppression sans motif des responsabilités du salarié
Caractérise l’existence d’un harcèlement, la diminution importante des responsabilités et un déclassement de la salariée ainsi que la divulgation par l’employeur de données relevant du secret médical et de l’intimité de la vie privée de la salariée. [21]

Caractérisent un harcèlement moral les agissements répétés de la direction à l’égard d’un cadre responsable (oubli de son nom dans l’organigramme, diminution des responsabilités...) qui ont pour conséquence une dégradation de sa santé physique et mentale. [22]

Le harcèlement managérial
Le responsable du département fruits et légumes ayant mis en œuvre une méthode habituelle de direction soumettant les salariés de son secteur à des pressions, des vexations et humiliations répétées, la cour a caractérisé un harcèlement moral. [23]

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié par des agissements répétés ayant pour objet ou effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail. [24]

B- L’indifférence de la durée des agissements répréhensibles sur la qualification de harcèlement moral

Il convient tout d’abord de relever que le temps n’est pas un élément constitutif du harcèlement moral.
En effet, dans une affaire où un salarié se considérait comme victime d’un harcèlement moral, à son retour d’une absence relativement longue pour maladie, l’employeur s’est mis à harceler le salarié. Ce dernier au bout de quelques semaines à peine a saisi la justice aux fins de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur. Appel a été fait et la Cour d’appel de Grenoble a estimé qu’en raison de la brièveté de la durée des agissements visés, le harcèlement moral en pouvait être retenu.
Ce faisant, la juridiction d’appel s’est fait censurer par la Cour de cassation qui lui a, tout naturellement reproché de rajouter à la loi en rappelant que « les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période ». [25]

Il est évident qu’en posant ce principe, la Cour de cassation a envoyé un signal fort en direction des juridictions du fond, auxquelles elle signifie clairement que les affaires de harcèlement moral sont à ne pas prendre à la légère sous prétexte que les comportements visés se seraient inscrits dans un intervalle de temps relativement bref.

C- La personne du harceleur

La loi est muette sur la personne du harceleur. Il en résulte que le harcèlement moral est répréhensible quelle que soit la personne qui en soit à l’origine.
Des exemples relevés en jurisprudence, il appert que c’est le plus souvent le supérieur hiérarchique, mais cela peut aussi être directement l’employeur lui-même.
Dans certains cas, il s’agit des collègues directs du salarié harcelé.
La jurisprudence a admis que l’auteur des actes de harcèlement n’est pas nécessairement un salarié de l’entreprise.
Présume l’existence d’un harcèlement moral, le fait que la salariée soutenait avoir été victime d’insultes quotidiennes du gérant de la société et de son épouse, s’être vue imposer des tâches sans aucun rapport avec son contrat de travail. [26]

Un tiers peut être l’auteur du harcèlement moral dès lors qu’il est chargé par l’employeur, par le biais d’un contrat de franchise, de mettre en place de nouveaux outils de gestion et formation, et exerce donc une autorité de fait sur les salariés. [27]

D- L’intention de nuire.

La Cour de cassation a estimé le 10 novembre 2009 que le harcèlement moral est constitué dès lors que le salarié harcelé a été victime d’agissements répétés ayant eu pour effet la dégradation de ses conditions de travail et cela même si l’auteur des agissements visés n’avait aucune intention de nuire au travailleur harcelé. [28]
Cette tentative de définir les contours du harcèlement moral tel qu’il est définit par la jurisprudence actuelle est nécessairement amené à évoluer, dès lors que les affaires se multiplient.
La tendance actuelle de la jurisprudence est au durcissement et sauf revirement toujours possible, il est fort probable que la position de la Cour de cassation s’oriente vers la notion « zéro tolérance » en matière de harcèlement moral

III Le durcissement de la jurisprudence depuis 2011.

Depuis la rédaction de cet article en décembre 2011, la jurisprudence en la matière a évolué dans le sens d’un durcissement même si certaines juridictions du fonds restent parfois un peu frileuses.

Une jurisprudence plus ferme

La simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral. Par ailleurs, le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction. [29]

Le harcèlement moral étant indépendant de l’intention de son auteur, une Cour d’appel doit rechercher si une diminution du salaire et l’annonce du départ de la salariée lors du déjeuner de noël ne traduit pas une intention de porter atteinte à sa dignité. [30]

Ne peuvent être justifiés par l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction de multiples mesures vexatoires à l’égard d’un salarié protégé, telles que l’envoi de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire propre à le discréditer, les reproches sur son "incapacité professionnelle et psychologique" et sa présence "nuisible et inutile", le retrait des clés de son bureau, sa mise à l’écart du comité directeur, ou la diminution du taux horaire de sa rémunération. [31]

Le fait, pour un salarié d’avoir subi une rétrogradation, d’avoir été affecté sur un chantier éloigné alors qu’il avait fait savoir qu’il ne souhaitait plus faire de grands déplacements, d’avoir vu une demande de paiement des heures supplémentaires faire l’objet d’une présentation péjorative révélant une certaine condescendance à son encontre, de s’être vu qualifier auprès d’un client dont il dirigeait le chantier comme "défaillant", d’avoir été affecté à un autre chantier au retour d’un congé maladie sont des éléments qui caractérisent un harcèlement moral. [32]

Une salariée ayant fait l’objet d’une inégalité de traitement et d’une rétrogradation au mépris de la procédure disciplinaire légalement applicable doit être considérée comme étant victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé. Partant, est légitime sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. [33]

Caractérise un harcèlement moral, une modification unilatérale du contrat de travail, une absence de paiement des heures supplémentaires, le retrait du véhicule mis à la disposition du salarié, une menace de plainte pour vol, une convocation à entretien préalable après la réception d’une lettre indûment interprétée comme valant démission, les décisions prises par l’employeur n’étant pas justifiées par des éléments objectifs et ayant eu des conséquences sur la santé du salarié, placé en arrêt de travail au cours des deux mois pendant lesquels ces faits sont survenus. [34]

La Cour d’appel qui a retenu, ce qui n’était pas contesté par l’employeur, que ce dernier avait exercé sur son salarié des pressions destinées à s’en séparer a, par ces seuls motifs, justifié sa décision en le condamnant à payer au salarié une somme pour harcèlement moral. [35]

L’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral. Il doit prendre des mesures pour mettre un terme aux actes de harcèlement commis par un salarié protégé, dont les agissements sortent du cadre de la fonction assignée par son mandat. A défaut, l’employeur engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés du fait de son inaction. [36]

Ayant constaté que devant l’importance du conflit opposant le salarié à sa responsable hiérarchique, en dépit des signalements de la médecine du travail, du CHSCT et des syndicats, l’employeur n’avait entrepris aucune enquête sérieuse et laissé la situation se dégrader, la cour d’appel a décidé à bon droit que ce dernier avait manqué à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité du salarié victime de harcèlement. [37]

Tout en sachant nuancer le cas échéant

L’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral. [38]

Ayant constaté dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve, que seul le fait d’avoir assisté à la scène de violence du 9 novembre 2010 opposant l’employeur et son fils invoqué par la salariée comme constitutif d’un harcèlement moral était établi, et que celle-ci, qui n’était pas concernée par leur conflit, n’en était que le témoin, la cour d’appel a légalement justifié sa décision en considérant qu’aucun fait de harcèlement moral n’était établi à son égard et que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité. [39]

Soutenue par des textes permettant une meilleure prévention

Il appartient au chef d’entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements ou les propos de harcèlement moral. Les personnes mentionnées à l’article L.1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33-2 du Code pénal.
 [40]

Si un délégué du personnel constate qu’il existe une atteinte à la santé physique et mentale des personnes qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. [41]

L’employeur ou son représentant est tenu de procéder sans délai à une enquête avec le délégué du personnel et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. [42]

En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié ou le délégué si le salarié averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le conseil de prud’hommes. [43]

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. [44]

Ces textes ont été mis en place et permettent aujourd’hui de mettre en place une meilleure politique de prévention dans le cadre de l’entreprise. Ces textes étaient d’autant plus nécessaires que la Haute Cour ne cessait de durcir sa jurisprudence, mais sans donner des moyens d’action à titre préventif aux employeurs. Souvent l’employeur n’était alerté que lorsqu’il était déjà trop tard et que le mal était fait.
En permettant aux délégués du personnel d’agir et de prendre d’une certaine façon des fonctions de lanceur d’alerte, il est possible de désamorcer une situation avant qu’il n’y ait une dégradation de la santé du salarié victime des agissements.

Si la jurisprudence s’est durcie, elle a aussi eu à démêler le vrai du faux et notamment à mettre un coup d’arrêt à certaines dénonciations mensongères voire à des actions malveillantes de salariés qui avaient cru pouvoir tirer des avantages indus en détournant des textes de leur buts réels.

Mais impitoyable avec les abus et la mauvaise foi

Les éléments apportés par le salarié qui ne sont pas de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime, en particulier, les avertissements justifiés par des refus illégitimes de rendre des comptes à sa hiérarchie et une attitude de dénigrement envers l’entreprise, ne justifient pas un harcèlement du fait de sa mauvaise foi caractérisée. [45]

Constitue une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise, la dénonciation mensongère par une salariée de faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser d’un cadre responsable. [46]

Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. [47]

La Cour d’appel a constaté, au vu des éléments de preuve produits par les parties, que les faits allégués par la salariée ne suffisaient pas à faire présumer un harcèlement moral étant donné qu’aucune difficulté n’était apparue avant le 3 décembre 2010 et que les écarts de langage de la supérieure hiérarchique de la salariée, tenus ce jour-là, ne pouvaient, en tant que fait unique, caractériser un harcèlement moral. [48]

Cathy Neubauer Avocate.

[1Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 29 juin 2005, n° 03-44.055.

[2Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 08 juillet 2009, n° 08-41.638.

[3Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 27 octobre 2004, n° 04-41.008.

[4Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 24 novembre 2009, n° 08-43.047.

[5Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 19 octobre 2010, n° 09-42.391.

[6Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 06 avril 2011, n° 10-30.284.

[7Cour de Cassation, Chambre Criminelle, arrêt du 23 avril 2003, n° 02-82.971.

[8Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 10 février 2009, n° 07-44.953.

[9Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 06 avril 2011, n° 09-71.17.

[10n° 10/03634

[11Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 21 juin 2011, n°10-11690.

[12Cour d’Appel de Douai, arrêt du 31 mars 2009, n° 08/01639.

[13Cour d’Appel de Grenoble, arrêt du 20 septembre 2006 juris data 2006-313521.

[14Cour d’Appel de Bordeaux, arrêt du 11 juin 2009, n° 08/6832.

[15Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 22 mars 2011, n° 09-69.231.

[16Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 02 mars 2011, n° 08-43.067.

[17Cour de cassation, Chambre Sociale, arrêt du 19 mai 2009, n° 07-41.084.

[18Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 07 juillet 2009, n° 08-40.034.

[19Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 22 mars 2007, n° 04-48.308.

[20Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 13 avril 2010, n° 09-40.837.

[21Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 15 mars 2011, n° 09-72.541.

[22Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 23 novembre 2011, n° 10-18.571.

[23Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 27 octobre 2010, n° 09-42.488.

[24Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 19 janvier 2011, n° 09-67.463.

[25Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 26 mai 2005, pourvoi n° 08-43.152.

[26Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 06 avril 2011, n° 10-30.284.

[27Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 01 mars 2011, n° 09-69.616.

[28Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 10 novembre 2009, n° 08-41.497.

[29Cour de Cassation, Chambre Criminelle, arrêt du 6 décembre 2011, n° 10-82.266.

[30Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 31 janvier 2012, n° 10-25.716.

[31Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 26 mars 2013, n° 11-27.964.

[32Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 12 février 2014, n° 12-26.652.

[33Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 18 décembre 2013, n° 12-16.460.

[34Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 25 juin 2014, n°13-14.604.

[35Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 19 novembre 2014, n° 13-19.526.

[36Cour de Cassation, Chambre Criminelle, arrêt du 28 mai 2013, n° 11-88.009.

[37Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 9 juillet 2014, n° 13-16.797.

[38Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 22 octobre 2014, n°13-18.862.

[39Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 19 novembre 2014.

[40Art. L1152-4, Code du travail, en vigueur depuis le 28 juin 2014 et Art. 222-33-2, Code pénal, en vigueur depuis le 6 août 2014.

[41Art. L2313-2, Code du travail, en vigueur depuis le 8 août 2012.

[42Art. L2313-2, Code du travail, en vigueur depuis le 8 août 2012.

[43Art. L2313-2, Code du travail, en vigueur depuis le 8 août 2012.

[44Art. L2313-2, Code du travail, en vigueur depuis le 8 août 2012.

[45Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 7 mai 2014, n° 13-14.344.

[46Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 6 juin 2012, n° 10-28.345.

[47Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 22 octobre 2014, n°13-18.862.

[48Cour de Cassation, arrêt du 5 novembre 2014, n°13-16.729.

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