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L’assiette de calcul du salaire et de l’indemnité conventionnelle de licenciement des salariés expatriés. Par Alina Paragyios, Avocat.
Parution : mercredi 21 janvier 2015
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Le salaire constitue la contrepartie de la prestation fournie par le salarié dans le cadre de son contrat de travail.

Le salaire inclut tous les éléments versés au salarié en contrepartie de son travail c’est-à-dire notamment :
-  Le salaire de base correspondant à sa qualification et ses fonctions ;
-  Les primes éventuelles telles que la prime d’ancienneté par exemple ;
-  Les primes de sujétions ;
-  Les primes exceptionnelles ;
-  Les avantages en nature ;
-  Les revenus de remplacement à la charge de l’employeur, comme par exemple en cas de maladie ;
-  Les pourboires.

 Sur l’assiette de calcul du salaire d’un salarié expatrié :

Le Code du travail ne précise aucune modalité de calcul de la rémunération d’un salarié envoyé en mission à l’étranger. La rémunération est donc librement définie par accord entre l’employeur et le salarié.
Ladite rémunération est tout de même le plus souvent déterminée en fonction de plusieurs facteurs, du fait des spécificités du travail à l’étranger. Il sera ainsi pris en compte les sujétions liées au travail à l’étranger et au changement de mode de vie.

Partant, les principaux éléments du salaire des expatriés sont typiquement les suivants :

• Salaire de référence du pays d’origine :

Le salaire de référence brut annuel du pays d’origine est habituellement égal au salaire brut annuel de base perçu par le salarié au moment du départ. Il constitue l’élément principal de départ pour le calcul de la rémunération du salarié dans le pays d’accueil.
Partant du salaire de référence brut du pays d’origine, il convient de calculer le montant disponible après charges sociales et impôts.
Ainsi, la rémunération nette du pays d’origine est calculée en déduisant du salaire de référence brut du pays d’origine :
-  Le montant total de cotisations salariales aux régimes d’avantages sociaux obligatoires et facultatifs versées par le salarié dans le pays d’origine ;
-  Les impôts et taxes dont serait redevable le salarié sur la base de son salaire de référence brut (indépendamment de autres revenus).
Le résultat de ce calcul détermine la rémunération nette du pays d’origine et constitue le paramètre de départ du processus de détermination de la rémunération liée à l’expatriation.

• Prime d’expatriation :

La prime d’expatriation est une prime allouée aux salariés appelés à effectuer temporairement des travaux à l’étranger. Elle peut être prévue par la convention collective, l’usage ou le contrat de travail.
Ladite prime est ainsi destinée à compenser les sujétions et les conditions de vie particulières aux lieux d’affectation des salariés. Elle constitue un complément de rémunération en vertu de l’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale.
Elle ne constitue cependant pas une obligation légale, et ne peut dépasser 30% du salaire de l’expatrié.

• Indemnité de cout de la vie ;
• Frais de logement ;
• Education des enfants.

 Sur l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement d’un salarié expatrié :

Comme en matière de licenciement interne, l’employeur devra s’acquitter de trois types d’indemnités : l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés.
Concernant l’indemnité légale de licenciement, elle doit être calculée conformément aux articles R. 1231-1 et suivant du Code du travail.
Il faudra intégrer dans l’assiette de l’indemnité les primes d’expatriation constituant un élément de salaire et exclure celles qui ont pour objet un remboursement de frais [1]. Le salaire à prendre en compte pour le calcul correspond au douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion selon l’article R. 1234-4 du Code du travail.
Par ailleurs et dans un autre ordre d’idée, au-delà de prévisions expresses de la convention collective, l’application d’une convention peut résulter de l’application globale du droit français. La Cour de cassation a en effet énoncé que « l’application du droit français emporte celle des conventions collectives qui en font partie » [2].
Ainsi lorsque l’indemnité conventionnelle de licenciement est plus favorable que l’indemnité légale, elle prime sur cette dernière.
Un certain nombre de conventions collectives détaillent les éléments à intégrer ou à exclure de l’assiette de l’indemnité. Partant, certaines conventions collectives excluent expressément de l’assiette de calcul de l’indemnité différents avantages liés à l’expatriation, tels que les primes d’expatriation et les indemnités liées à compenser des conditions de vie difficiles à l’étranger, quand d’autres choisissent de les inclure dans la base de calcul.

A titre d’exemple, sont exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement :
-  Une indemnité mensuelle d’expatriation versée pour tenir compte des conditions d’existence difficiles et spécifiques du pays dès lors que la convention collective applicable (en l’espèce, l’article 12 de l’annexe Ingénieurs et Cadres de la convention de l’industrie du Pétrole) prévoit que l’indemnité de licenciement est calculée sur les appointements du derniers mois, à l’exclusion des gratifications de caractère exceptionnel et des sommes versées à titre de remboursement de frais [3] ;
-  Une indemnité d’expatriation et une prime d’épargne expatriation, dès lors que la convention (en l’espèce la convention collective du Personnel des Banques) prévoit que seules peuvent être prises en compte pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement les rémunérations et gratification conventionnelles. Or, comme l’avait relevé la chambre sociale, la prime d’expatriation n’est pas un élément de rémunération prévue par la convention collective mais un supplément accordé par le contrat de travail au salarié expatrié afin de compenser les inconvénients résultant de l’éloignement [4].

Dans le même ordre d’idée, il est ressorti d’un arrêt récent de la Cour de cassation que :
« Le requérant fait grief à l’arrêt de dire que les frais de scolarité des enfants du salarié, payés par l’employeur, doivent être exclus de la rémunération brute du salarié pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Mais attendu que la Cour d’appel fait ressortir que les frais de scolarité des enfants du salarié, pris en charge par l’employeur, étaient directement et uniquement liés à l’expatriation en Roumanie de M.X…, de sorte qu’il s’agissait d’un remboursement de frais qui n’avait pas à être intégré dans le montant de la rémunération brute mensuelle, que par ce motif, l’arrêt se trouve légalement justifié.
En outre, attendu que la fourniture d’un logement par l’employeur constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, par des motifs inopérants, alors que la prise en charge par la Société Colas du cout du logement du salarié pendant la durée de son expatriation constituait un avantage en nature qui devait être intégré dans le montant de sa rémunération brute pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
 » [5].

De même, toujours selon la Haute juridiction :
« lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, le temps pris en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement et autant le temps passé par le salarié au service la société mère que celui passé à la disposition de la filiale ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, bien qu’ayant constaté « que Monsieur X... avait consacré 19 ans de travail au service de la société SICAL ou de ses filiales » a néanmoins considéré « que la période à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement s’établit du 2 janvier 1995 au 20 août 2001 » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l’article L.1231-5 du code du travail. » [6].

Au contraire, dans une autre décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 mai 2014 :
« Attendu que pour limiter la somme due par la Société Saipem au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’arrêt retient comme salaire mensuel brut de référence pour le calcul de cette indemnité la somme de 3867 euros en excluant les différentes primes perçues par le salarié notamment les indemnités de dépaysement, de double foyer et la prime d’embarquement ainsi que le quatorzième mois versé au mois de juin.
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
 »

En effet, en l’espèce, l’article 7.5 de la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 1er juin 2004 prévoyait que toutes les primes versées au salarié en sus de son salaire de base au cours des douze derniers mois, doivent entrer dans la base de calcul de l’indemnité de licenciement [7].
Il s’agit donc le plus souvent d’une appréciation au cas par cas, dépendant des stipulations des conventions collectives.
Enfin, il convient de traiter également rapidement de l’indemnité compensatrice de préavis.
Si le contrat est de droit français, l’employeur est tenu par la durée minimum légale ou conventionnelle du préavis prévu en cas de licenciement. Dans l’hypothèse où le salarié licencié ou démissionnaire est dispensé partiellement ou totalement de l’exécution de son préavis par l’employeur d’une indemnité compensatrice.

La Cour de cassation considère ainsi qu’il convient de prendre en compte le salaire d’expatriation à l’exception des primes ou indemnités représentatives de remboursement de frais dès lors qu’elles n’ont plus à être exposées par le salarié durant la durée du préavis. La jurisprudence est donc amenée à distinguer les indemnités constitutives de salaire de celles qui constituent des remboursements de frais :
-  Doivent être exclues de l’assiette de l’indemnité compensatrice de préavis, les primes de transport, d’éloignement et de grand déplacement dès lors que ces primes étaient destinées à rembourser les dépenses effectuées par le salarié en raison de l’éloignement du chantier. Ces primes ne constituaient pas un avantage complémentaire du salaire et elles n’avaient pas à être payées dès lors que les frais, dont elles représentaient le remboursement, ne se trouvaient plus à la charge du salarié [8] ;
-  Au contraire doivent être inclue dans l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés et de licenciement en tant qu’élément de rémunération les primes d’expatriation constituant un élément de salaire [9].

Me Alina PARAGYIOS Cabinet A-P, Avocats au Barreau de Paris http://www.cabinet-ap.fr

[1Cass. Soc., 10 décembre 1975, n°74-40.132 ; Cass. Soc., 4 février 1993, n°89-40.473

[2Cass. civ., 5 nov. 1991, no 90-40.163, Bull. civ., no 293

[3Cass. Soc., 16 février 1989, n°86-45.130

[4Cass. Soc., 29 janvier 1997, n°94-45.309, Bull. civ. V, n°43

[5Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°13-15.884

[6Cass. Soc., 17 septembre 2014, n°13-14.706

[7Cass. Soc., 14 mai 2014, n°12-27.928

[8Cass. Soc., 8 novembre 1983, n°81-41.631, Bull. V, n°538

[9Cass. Soc., 4 février 1993, n°89-40.473