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Les animaux sont des êtres vivants et doués de sensibilité. Par Benjamin Brame, Avocat.
Parution : vendredi 30 janvier 2015
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Ca y est ! Ce mercredi 28 janvier 2015, la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale a reconnu définitivement aux animaux la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité », alors qu’auparavant le Code civil les considéraient comme « des biens meubles ».

En effet, l’Article 528 du Code civil prévoyait : « Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère. »

Cette modification législative à l’origine a fait l’objet d’une pétition lancée il y a près de deux ans par la fondation de protection animale 30 Millions d’amis.

Celle-ci vient d’être adoptée après un long désaccord entre le Sénat et Assemblée, un long parcours parlementaire entamé en novembre 2013.

Cette mesure avait été critiquée aussi bien par certains défenseurs des animaux, qui la jugent dénuée de portée pratique, que par la FNSEA, qui craignait qu’elle ne remette en cause l’élevage.

Certains détracteurs, afin de déclarer le caractère inutile de cette modification du statut des animaux, citaient le Code rural et le Code pénal qui reconnaissaient déjà, explicitement ou implicitement, les animaux comme "des êtres vivants et sensibles" mais pas le Code civil.

Mais ces arguments manquaient en objectivité car, dans ces textes, existait encore un réserve d’importance : « Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels »

Par exemple, le droit pénal permettait déjà d’empêcher un abruti de fracasser un chaton dans une cité de Marseille, car une mesure pénale le prévoit et sanctionne lourdement ce genre d’acte, mais le chaton restait tout de même un bien meuble, ce qui est absurde !

En effet, l’exercice du droit de propriété jouit d’une liberté quasi totale quant à l’utilisation de ce meuble, et donc permet à l’homme de pratiquer n’importe quelle aliénation ou modification sur son bien meuble.

Par conséquent, changer ce statut de meuble en reconnaissant une sensibilité aux animaux, permettra de condamner une intention nuisible au bien-être des animaux, sans avoir pour autant à prouver la cruauté qui a précédé l’acte.

De plus, l’intention est forte, car cette mesure est essentielle du point de vue de la symbolique, de la politique, de la philosophie et de la place que des sociétés modernes évoluées comme la nôtre font aux animaux.

En effet, cet amendement va enfin permettre de concilier la qualification juridique et la valeur affective de l’animal.

Mais évidemment il y existe encore des réserves d’importance. Il faut d’abord bien savoir que nous ne parlons pas des animaux en général. Par exemple, il ne s’agira pas de reconnaître la qualité d’êtres vivants et sensibles, protégés, aux moustiques ou puces ou aux cafards, etc.

Non, la loi ne parle que d’animaux dits « de propriété ». Aussi bien les animaux d’élevage que les animaux domestiques. Et dans ces cas-là, le Code civil, le Code pénal et le Code rural seront harmonisés pour protéger ces animaux comme des êtres vivants et sensibles.

Mais cela ne sera pas le cas de tous les animaux sauvages. L’homme reste encore celui qui créé, donc celui qui commande et donne le droit de vie et de mort sur l’ensemble des êtres.

Soit ! Mais les hommes de loi, avec en première ligne les avocats, doivent saisir cette opportunité, pour aller plus loin…. Beaucoup plus loin !!!

Aller plus loin, tout simplement en utilisant cette loi dans des cas d’espèces.

Et comme aucune loi ne peut jamais prévoir l’ensemble des faits auxquels elle aura vocation à s’appliquer devant telle ou telle juridiction, dans tel ou tel contentieux, demain, se créera alors, ce qu’on appelle la jurisprudence !

Quid du clonage expérimental sur les animaux par exemple ? Et tant d’autres exemples d’expériences sur ces anciens meubles vivants, devront, j’en suis convaincu, être remises en cause.

Plus les utilisateurs de cette loi auront d’audace, plus cette jurisprudence s’amplifiera et créera alors « un droit dans le droit » (bien que cette formule ne soit pas du tout académique) ; plus ce texte aura alors un sens et une vraie utilité.

Bref, autant on a pu être surpris qu’un doux dingue des quartiers de Marseille ait pu se voir infliger une peine privative de liberté pour avoir torturer avec sadisme un chaton, autant nous serons sans doute étonnés de ce que des avocats humanistes pourront faire de cette nouvelle arme de « libération juridique massive » !

Chers amis, le droit n’est pas gravé dans le marbre, il est par essence évolutif !

En ces temps où nous revendiquons une liberté d’expression totale, et donc une égalité totale entre les êtres, les animaux n’ayant pas cette possibilité de disserter ou de dessiner, écoutons au moins ceux qui prennent le temps d’être leur porte-parole.

Gandhi, l’homme de loi et l’humaniste, disait : "On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux".

Maître Benjamin Brame Avocat au Barreau de Paris Droit des Contentieux Publics Site Web : http://www.brame-avocat.com/droit-administratif-contentieux-publics/ E-mail : [->contact@brame-avocat.com]
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