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Conventions et accords collectifs : la Cour de cassation sécurise les avantages catégoriels. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : mercredi 4 février 2015
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Dans une série d’arrêts du 27 janvier 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de modifier sa jurisprudence relative aux avantages catégoriels. Ceux-ci sont désormais présumés justifiés, s’ils résultent d’une convention collective ou d’un accord collectif.

1/ La reconnaissance du rôle des partenaires sociaux

Dans ses trois arrêts [1], la Cour de cassation énonce que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.

Elle ajoute qu’il appartient alors, à celui qui les conteste, de démontrer que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Les avantages catégoriels à propos desquels la Cour de cassation a statué étaient les suivants :

- Le préavis plus long accordé en cas de licenciement aux salariés ingénieurs et cadres par la convention collective des bureaux d’études techniques (dite « Syntec ») [2] ;

- L’octroi d’une prime d’ancienneté réservée aux seuls salariés ouvriers et collaborateurs classés dans les groupes I, II et III par la convention collective des industries chimiques [3] ;

- Des modalités de calcul de l’indemnité de licenciement plus avantageuses pour les ingénieurs et cadres que pour les ouvriers, prévues par la convention collective des transports routiers [4].

En affirmant que les avantages catégoriels prévus par conventions et accords collectifs sont présumés justifiés, la Cour de cassation consacre le rôle normatif des partenaires sociaux.

2/ La fin d’une insécurité juridique

Cette jurisprudence devrait mettre fin à une importante insécurité juridique qui pesait notamment sur les conventions collectives et autres accords de branche.

En effet, à l’occasion d’un litige prud’homal, certains salariés demandaient l’attribution de la norme la plus favorable prévue par la convention collective, même si elle ne s’appliquait pas à son statut (ouvrier ou employé ; technicien ou agent de maîtrise ; ingénieur ou cadre,…).

Ils pouvaient se prévaloir d’un arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2009 [5] selon lequel la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de cet avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives et pertinentes.

A titre d’exemple, dans un des arrêts du 27 janvier 2015 [6], un employeur avait été condamné, par la Cour d’appel de Riom, à verser un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement de 10 061,82 euros à un conducteur de bus.

La Cour d’appel lui avait appliqué les modalités de calcul prévues pour les cadres, considérant que la différence de traitement entre les catégories de salariés n’était pas justifiée.

De nombreuses dispositions catégorielles pouvaient ainsi être remises en cause par les salariés : durée de la période d’essai, primes diverses, délai de préavis, jours de congés, modalités de calcul de l’indemnité de licenciement, heures de recherche d’emploi,…

Face à cette insécurité juridique, la Cour de cassation avait d’ailleurs infléchi sa jurisprudence, admettant les différences de traitement entres les catégories de salariés tenant notamment aux conditions d’exercice de leurs fonctions, à l’évolution de leur carrière ou aux modalités de leur rémunération [7].

En outre, elle avait purement et simplement exclu le principe de l’égalité de traitement en matière de prévoyance, en raison « des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d’un organisme extérieur à l’entreprise » [8].

Ces deux arrêts annonçaient donc une nouvelle évolution.

3/ Les limites posées par la Cour de cassation

Comme évoqué ci-dessus (cf. § 1), dans les trois arrêts du 27 janvier 2015, la Cour de cassation considère qu’il appartient à celui qui conteste les différences de traitement de démontrer qu’elles sont « étrangères à toute considération de nature professionnelle. »

Ainsi, la Cour de cassation ne s’interdit pas, à l’avenir, de poser certaines limites à sa nouvelle jurisprudence.

Les possibilités de remise en cause des avantages catégoriels devraient cependant être résiduelles, dans la mesure où elles doivent se fonder sur des considérations extra-professionnelles.

Enfin, précisons que la nouvelle jurisprudence ne s’applique pas aux différences de traitement qui résultent d’une décision unilatérale de l’employeur, comme l’a jugé la Cour de cassation dans un quatrième arrêt du 27 janvier 2015 [9].

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1n°13-22179, 13-14773 et 13-25437.

[2arrêt n°13-22179.

[3arrêt n°13-14773.

[4arrêt n°13-25437.

[5n°07-42675.

[6n°13-25437.

[7Cass. soc. 8 juin 2011, n° 10-14725.

[8Cass. soc. 13 mars 2013, n° 11-20490 et s.

[9n°13-17.622.