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Laïcité n’est pas neutralité : variété de croyances, un socle de valeurs communes. Par Loïc Tertrais, Avocat.
Parution : lundi 9 février 2015
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La Constitution française consacre le principe de laïcité qui n’est pas synonyme de neutralité. Nous croyons tous en quelque chose. Au delà de la pluralité des croyances, il est fondamental en démocratie de maintenir un socle de valeurs communes.

Juste laïcité
La laïcité, principe rappelé dans notre Constitution distingue ce qui relève du politique et du religieux. Il s’agit d’une distinction et non d’une opposition. La laïcité n’est donc pas le laïcisme qui s’oppose à toute prise de parole de fidèles d’une religion ou d’un mouvement de pensée dans le débat politique.
Par ailleurs, la laïcité ne signifie en aucun cas neutralité qui est un leurre.

Laïcité n’est pas neutralité
L’article 2 de la charte de la laïcité destinée à être appliquée dans les écoles publiques dispose que « L’Etat est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’Etat. »
Cependant, on peut lire à l’article 7 de la charte que « la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ».
C’est bien reconnaître là, la foi ou la croyance de ceux qui nous gouvernent en une culture commune et partagée, ce qui n’est pas synonyme de neutralité. On voit bien en effet ce qu’une "culture commune et partagée" suppose nécessairement de croyances philosophiques, humanistes voire religieuses.

La neutralité de l’Etat est donc un leurre.

De la même manière, l’article 3 de la charte qui précise « Chacun est libre de croire ou de ne pas croire » est faux : nous croyons tous en quelque chose. Nous avons en revanche la liberté de croire à telles idées philosophiques ou religieuses plutôt qu’à telles autres.

Variété des croyances mais nécessité d’un socle de valeurs communes
Il est donc de la nature et du fonctionnement de l’Homme d’être croyant. Inutile de rappeler que les croyances religieuses ou philosophiques sont variées en France. Cela étant, pour qu’une démocratie aux croyances pluralistes fonctionne, il est nécessaire que la société s’accorde sur un socle de valeurs communes.
« Une société d’hommes libres suppose un accord des esprits et des volontés sur les bases de la vie en commun. Il y a ainsi un certain nombre de données de base comme la dignité de la personne humaine, les droits de l’homme, l’égalité humaine, la liberté, la justice, le respect de la loi , sur lesquelles la démocratie présuppose un commun consentement et qui constituent ce qu’on peut appeler la charte démocratique. Sans une conviction générale, ferme et raisonnée touchant ces données de base, la démocratie ne peut pas survivre. Mais ces données fondamentales et cette charte de la liberté sont d’un caractère strictement pratique – situées comme elles sont au point de convergence des vues théoriques particulières aux écoles de pensée diverses, voire opposées, qui sont incorporées à l’histoire des nations modernes. » [1]

Une saine laïcité ne consiste donc pas à faire taire ou disparaitre les expressions philosophiques ou religieuses de la société mais à maintenir au-delà, un socle de valeurs communes indéboulonnables.

S’accrocher aux valeurs plus qu’aux étiquettes
S’accrocher aux valeurs plus qu’aux étiquettes permet d’éviter de stigmatiser les personnes en fonction de leur religion ou groupe de pensées dans la mesure où la question n’est pas celle de l’appartenance à une famille spirituelle mais celle du respect réel de valeurs communes et bien définies.

Parmi les valeurs fondamentales de notre démocratie à défendre citons la liberté d’expression, la liberté de religion, l’égalité homme-femme, la solidarité, la justice.
Ce socle est aujourd’hui attaqué par des ennemis directs de la démocratie comme nous l’avons vécu lors des dernières agressions islamistes en France.

Mais ce socle est également mis à mal par les tenants du "tout se vaut" qui sous couvert de neutralité laissent se développer un fond d’antivaleurs-démocratiques : relativisme, nihilisme, dénigrement, qui mettent à mal les valeurs de notre république. Et c’est ainsi que les tenants de la neutralité deviennent aussi des ennemis de la démocratie !

Me Loïc TERTRAIS

[1Jacques Maritain – Pour une philosophie de l’éducation. Éditions Parole et Silence 2012.

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