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Salariées enceintes : 5 conseils d’un avocat pour bien vous défendre. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : lundi 16 février 2015
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Lorsque vous êtes enceinte, vous bénéficiez d’une protection qui limite le champ d’action de la part de votre employeur. Votre protection sera plus ou moins importante selon la situation dans laquelle vous vous trouvez.

Il donc important de connaître vos droits lorsque vous êtes enceinte. Ces droits sont synthétisés ci-dessous.

1) Vous n’êtes pas tenue de révéler de votre état de grossesse à votre employeur (ou futur employeur)

En effet, que cela soit pendant l’entretien d’embauche ou pendant l’exécution du contrat de travail, vous n’êtes pas tenue de révéler votre état de grossesse à votre employeur [1].

L’article L.1225-1 du Code du travail prévoit qu’il est formellement interdit à l’employeur de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l’état de grossesse de la salariée.

Ainsi, l’employeur ne peut pas interroger une salariée sur une grossesse actuelle (ou à venir).

En revanche, pour bénéficier de la protection, il vous ait conseillé d’avertir votre employeur le plus rapidement possible, de votre grossesse. Dans ce cas, vous devez adresser par lettre recommandée avec avis de réception le certificat médical justifiant de votre état de grossesse [2].

2) Vous bénéficiez d’une protection absolue pendant votre congé de maternité

Lorsque vous êtres en congé de maternité, votre employeur ne peut pas vous licencier, et ce quel que soit le motif.

La durée du congé maternité est de 16 semaines (6 semaines avant la date présumée de l’accouchement et 10 semaines après l’accouchement).

Le congé maternité sera augmenté en cas de naissances multiples. Sachez que votre convention collective peut prévoir une durée plus longue.

Ainsi, l’employeur ne pourra pas notifier le licenciement et la rupture du contrat de travail ne pourra prendre effet pendant le congé quand bien même la notification a été faite avant le début du congé de maternité.

Sont également interdites pendant cette période les mesures préparatoires au licenciement, par exemple, le remplacement définitif de la femme enceinte [3].

3) Une protection limitée avant votre congé de maternité et 4 semaines après

Dès lors que vous informez votre employeur de votre grossesse (souvent attesté par un certificat médical), commence une protection pendant laquelle votre employeur pourra vous licencier que dans deux hypothèses :

- en cas de faute grave qui n’est pas liée à votre état de grossesse ;
- en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (dans le cadre d’un licenciement pour motif économique) [4].

A l’issue du congé de maternité, la salariée conserve cette protection pendant une durée de 4 semaines [5].

Si la salariée décide de prendre ses congés payés après son congé de maternité, la Cour de cassation a jugé que le point de départ des 4 semaines de protection est reporté à la date de reprise du travail par la salariée [6].

En cas de non-respect par l’employeur de ces dispositions légales, le licenciement sera atteint de nullité.

En conséquence, vous pouvez solliciter votre réintégration dans l’entreprise, ainsi que le salaire que vous auriez dû percevoir entre votre licenciement et votre réintégration effective. Si vous renoncez à la réintégration, vous pouvez solliciter auprès du tribunal une indemnité pour licenciement nul qui sera au minimum l’équivalent de 6 mois de salaire.

4) La protection se poursuit jusqu’à la notification du licenciement

En effet, l’article L.1225-5 du Code du travail prévoit que la salariée dispose d’un délai de 15 jours pour adresser à l’employeur un certificat médical justifiant qu’elle était enceinte au moment de la notification du licenciement.

La Cour de cassation est allée plus loin dans un arrêt récent en considérant que le licenciement était atteint de nullité dès lors que la grossesse, qui avait débuté après le licenciement, a été révélée par la salariée à son employeur dans le délai de 15 jours suivant la notification [7].

5) Une protection contre toutes discriminations liées à votre état de grossesse

L’état de grossesse d’une femme enceinte figure dans la liste des motifs de discrimination prohibés par les articles L.1132-1 et L.1142-1 du Code du travail.

Ainsi, l’employeur ne peut pas prendre en considération l’état de grossesse pour refuser d’embaucher une salariée, refuser une mutation ou d’octroyer un avantage.

L’article L.1225-16 du Code du travail prévoit que durant toute la grossesse, la salariée enceinte bénéficie d’autorisations d’absence pour effectuer les contrôles médicaux obligatoires. Ces absences sont considérées comme du temps de travail effectif et ne peuvent être déduites de votre paie.

Si votre employeur vous prive d’un de ces droits, vous pouvez solliciter auprès du Conseil de prud’hommes, des dommages-intérêts pour discrimination liée à votre état de grossesse.

Par ailleurs, il est interdit à votre employeur de « prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour résilier son contrat de travail au cours d’une période d’essai » [8].

Pour autant, si vous parvenez à démontrer que la rupture de la période d’essai est en rapport avec votre état de grossesse, vous pourrez solliciter auprès du juge des dommages-intérêts pour discrimination [9] et le cas échéant, votre réintégration dans votre emploi.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1article L.1225-2 du Code du travail.

[2article R.1225-2 du Code du travail.

[3Cass. Soc. 15 septembre 2010.

[4article L.1225-4 alinéa 2 du Code du travail.

[5article L.1225-4-1 du Code du travail.

[6Cass. soc. 30 avril 2014, n°13-12.321.

[7Cass. Soc. 2 juillet 2014, n°13-12.496.

[8article L.1225-1 du Code du travail.

[9Cass. Soc. 21 décembre 2006, n°05-44.806.