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Chronique de votre carrière (12) : Le management de transition, réalité économique ou fausse bonne idée ?
Parution : lundi 16 février 2015
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Mon invité d’aujourd’hui est Thierry Grimaux du cabinet Valtus, N°1 en France dans le secteur du management de transition. Le sujet de cette chronique sera volontairement provocateur. C’est-à-dire, le management de transition est-il une nécessité économique ou une fausse bonne idée ?

Je vous rappelle le focus de cette année. Je fais appel à des professionnels reconnus dans leur secteur qui partagent leurs avis, leurs conseils et leurs truc et astuces. Cela dans le but de vous permettre de vivre votre transition professionnelle avec le maximum d’atouts dans votre jeu.

Mireille Garolla : Mon invité d’aujourd’hui est Thierry Grimaux du cabinet Valtus, N°1 en France dans le secteur du management de transition. Le sujet de cette chronique sera volontairement provocateur. C’est-à-dire, le Management de transition est-il une nécessité économique ou une fausse bonne idée ?

Thierry, les cadres que je rencontre, lorsqu’on leur parle de management de transition ont en général plusieurs idées : La première est qu’ils pensent que le management de transition va leur permettre de retrouver plus facilement un job : ils vont tout d’abord entrer dans une société puis par ce biais et ensuite chercher à se faire embaucher.

Thierry Grimaux : Je vais tout d’abord préciser le repositionnement et le type d’intervention du management de transition. Il s’agit d’intérim de cadre dirigeant. Juridiquement, cela n’est pas une bonne définition. Mais cela permet de se faire comprendre par tout le monde. Il s’agit de poste de cadre supérieur ou de cadre dirigeant dont la rémunération est au-delà de 50 k€ par an. En deça, on parle d’intérim pur.

La première idée que vous me présentez est effectivement une fausse bonne idée. Historiquement, le management de transition a été mis en place par des gens qui ont voulu abandonner les CDI pour faire des missions de transition. Ils ont fait vœu de transition. C’est souvent à 53 ans que cela se passe. Car, à cet âge, on a remboursé sa maison. Les petits derniers ont fini leur étude. Et, on peut envisager la vie différemment. On se donne le droit de gagner un peu moins. On n’a plus envie, par ailleurs de subir les caprices de Durand ou les ambitions d’un collaborateur. Le management de transition est, en fait, une occupation qui prend la forme de mission et un changement perpétuel d’entreprise. La fausse bonne idée est de penser qu’on va retrouver un job !

MG : Il y a une autre fausse bonne idée chez les 48-53 ans qui est que l’on pourra gagner en expérience avec le Management de Transition. Et ainsi, retrouver un job plus stable ailleurs.

TG : On ne vend que ce qu’on a appris à faire. Le manager de transition n’est pas là pour apprendre un métier. A partir de là, les gens que je vais utiliser en transition sont des personnes qui ont déjà résolu les problèmes que je leur propose. Généralement, Un cadre a 100 jours pour s’adapter à son évolution professionnelle dans sa nouvelle entreprise. Un manager de transition arrive, lui, dans une situation d’urgence positive ou négative. Si, on a 6 mois de retard dans un développement commercial, on prend donc quelqu’un qui l’a déjà fait pour démarrer vite. Le Manageur de transition a, lui, entre 2 et 10 jours pour montrer qu’il sait faire. C’est la raison pour laquelle on dit que le Management de Transition est un métier pour des personnes d’expérience.

MG : Autre fausse bonne idée que je peux entendre est qu’il s’agit de la dernière forme d’employabilité pour les cadres seniors de plus de 45, 55 ans. C’est par exemple l’avis de Mme Véronique Plessier Chauveau dans son article paru dans RH Advisor qui dit : « Le Management de Transition apparaît donc comme une nouvelle source d’employabilité pour les cadres seniors et une alternative positive au CDI. » Selon les cas, il s’agit de la dernière solution ou nouvelle solution possible.

TG : D’abord, j’entends dans cette phrase un message très positif. Elle dit que c’est une solution en plus. Pas la seule. Ce qui est très problématique est que dans notre pays, on pense que le CDI est la référence. Le code du travail est fait avec pour seule référence le CDI. Le CDD, l’intérim sont considérés comme des alternatives. Il faut être les enfants gâtés des 30 glorieuses pour se référer encore et toujours au CDI à vie. A contrario, de nombreux candidats de 38-40 ans considèrent que le « CDI est un CDD dont on ne connait pas la fin ». Je vous laisse réfléchir à cette phrase. Le CDI est pour eux seulement une enveloppe ou un cadre juridique. Ces quadras sont plus intéressés par le contenu.
La DRH de chez l’Oréal m’expliquait que les gens autrefois entrait chez l’Oréal pour être Lindsay Owen Jones. Jean-Paul Agon est rentré chez L’Oréal avec ce but. Et il a réussi. Mais, cela fait 10 ans que les HEC, ESSEC ou Normalien ne pensent plus comme ça. Ils resteront chez l’Oréal si l’Oréal leur propose une évolution qui leur plait.

MG : Après avoir balayé les principales idées reçues, pourriez-vous nous définir ce qu’est et ce que n’est pas un manager de transition ?

TG : C’est quelqu’un qui a un métier. Il possède aussi les réseaux et les intervenants. Et il est reconnu dans son secteur. En parallèle, c’est quelqu’un qui a une capacité d’adaptation. Il change de société tous les 7 mois environ. Il faut perpétuellement apprendre à travailler avec de nouvelles personnes. Cela se traduit par la capacité à se faire accepter par un groupe qui ne vous connait pas et ne vous accueille pas à bras ouvert. Les manager de transition fonctionnent aussi en mode projet dans une optique de résultat. Une fois le résultat atteint, la mission bien accomplie permettra d’être reconnu comme un bon professionnel avec un bon réseau et de trouver la mission suivante. Enfin, pour interagir, il faut une curiosité et un intérêt envers autrui.
En résumé, un manager de transition dispose d’un métier. Il a une forte capacité d’adaptation, travaille en mode projet, a une optique de résultat et une grande curiosité.

MG : Et ce que ce n’est pas ?

TG : Ce que ce n’est pas : ce n’est pas quelqu’un qui cherche un job. Car celui qui cherche un job cherche à rester. Le manager de transition ne rentre pas dans les jeux politiques. Il dit ce qu’il a à dire. Il n’est pas carriériste. Il sait qu’il va partir. Contrairement au job seeker, le manager de transition accepte l’instabilité permanente tel un funambule.

MG : Vous recevez près de 250 CV par mois. Comment sélectionnez-vous ceux qui passent un entretien ? Et, parmi eux, lesquels travailleront dans vos groupes de manager placés ?

TG : Parmi ces 250 CV, nous en retenons donc entre 10 et 20. Ils remplacent aussi les sortants qui prennent leur retraite ou reprennent un poste. Qu’est ce qui élimine ? On décèle dans un C.V ou par téléphone ou en entretien les qualités dont je parlais. Il faut avoir un métier et de l’adaptabilité. Si vous avez passé 20 ans dans la même entreprise, vous n’avez probablement pas développé votre capacité d’adaptation. Je citerai une phrase attribuée à Montesquieu « Les voyages forment la jeunesse ». C’est en vivant de diversité qu’on devient plus mobile, plus adaptable, plus réactif. On prépare cette employabilité toute sa vie sans forcément en avoir conscience et sans l’avoir planifié. Elle tient en trois mots : « Mobilité, Expérience, Relationnel ».
Nous testons aussi les qualités relationnelles dans une interaction avec autrui face à l’inconnu. Enfin, il faut vérifier qu’une personne a le souci d’entretenir sa propre expérience. C’est un risque car je vous rappelle que les Manager de Transition sont à leur compte. Ils n’ont pas d’institut qui vient les former. S’ils ne se forment pas tous seuls, un jour, ils sont dépassés.

MG : Je voudrais que vous m’éclairiez sur les formes d’employabilité dans votre secteur. Il y a de plus en plus de sociétés qui s’ouvrent dans ce domaine d’activité.

TG : A propos des intervenants, le management de transition est une forme de travail qui s’accélère depuis 10 ans. L’accélération est très forte surtout depuis 2008. Face à ces cabinets, les managers, eux, utilisent deux formes juridiques. Soit des sociétés unipersonnelles qui facturent des prestations, soit des sociétés de portage. Je ne fais pas de différence. Le manager choisit en fonction de son activité et de sa situation personnelle. L’auto entreprenariat ne convient pas en revanche. Il faut s’assurer de l’engagement. Et, l’autoentrepreunariat est une forme adaptée aux activités annexes.

MG : Pour nos candidats, comment faire la différence entre une société sérieuse et quelqu’un qui va se moquer de vous ?

TG : On trouve le meilleur comme le pire dans les cabinets. Il est important de vérifier que le cabinet n’est pas intéressé plus par votre carnet d’adresse et que par vos compétences et votre expérience. Comme on vous parle de votre métier, vous êtes autorisés à poser 2-3 questions. La personne connait-elle le secteur dont elle parle ? Quelle expérience ce cabinet a-t-il eu ? Un peu de Name dropping pour voir si la personne connait le secteur dont elle parle. Car, si elle ne connait pas le secteur, elle ne pourra pas vous trouver des missions. Vous pouvez aussi faire des recherches sur Google pour voir et enquêter auprès de vos collègues pour vérifier si la société a une bonne réputation sur le marché.

Mireille Garolla Associé gérant de Group3C Executive coach spécialisée en transition professionnelle Auteur de : Changer de Vie en milieu de Carrière chez Eyrolles
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