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Les enjeux juridiques de l’enquête sociale devant le juge aux affaires familiales. Par Vincent Ricouleau, Professeur de Droit.
Parution : mardi 7 mars 2017
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L’enquête sociale reste un instrument essentiel pour le juge aux affaires familiales afin d’explorer l’environnement de l’enfant et ses impacts sur sa vie. Ses modalités pratiques, son référentiel, intéressent mais aussi inquiètent, voire angoissent à tort ou a raison nombre de justiciables.
Des précisions sur la nouvelle loi du 18 novembre 2016 sur le divorce par consentement mutuel (portant sur la modernisation de la justice du XXI siècle) permettent de mieux comprendre un droit de la famille mouvant et complexe où le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant est largement perfectible. Quel état des lieux peut-on faire en matière d’enquête sociale après cette réforme ? L’enfant, doté du discernement, concept subjectif, sera-t-il réellement entendu et écouté ? L’enquête sociale reste-t-elle un moyen d’investigation adapté ?

(NDLR : article remis à jour en mars 2017).

Le numéro 132 de janvier 2015 de INFOSTAT JUSTICE, exploitant les statistiques du Répertoire Général Civil, précise que les décisions des juges aux affaires familiales ont impacté près de 200.000 enfants en 2012.

L’article 373-2-11 du Code civil dit que lorsque le juge aux affaires familiales se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, il prend notamment en considération :

-  La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure,
-  Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil,
-  L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre,
-  Le résultat des expertises éventuellement effectuées tenant compte notamment de l’âge de l’enfant,
-  Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 du Code civil,
-  Les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Le juge des affaires familiales a besoin dans nombre de dossiers de divorces et de séparations, d’informations objectives et actualisées sur l’environnement des enfants, afin de statuer sur l’autorité parentale, la fixation de la résidence alternée ou non, le droit de visite et d’hébergement classique, restreint ou élargi, le montant de la contribution à l’éducation et à l’entretien.

Le juge aux affaires familiales est en effet de plus en plus confronté à des conflits parentaux complexes de nature différente. L’entretien avec les parties à l’audience et les pièces communiquées sont bien souvent insuffisants pour éclairer le JAF.

Les différentes formes de parentalité, l’homoparentalité, l’immaturité parentale avec des parents adolescents, le déni de parentalité, le déni de paternité, le refus de l’enfant d’aller chez un parent, les aliénations parentales, les conflits culturels, les parents de bébé séparés, un parent expatrié, un parent étranger, la revendication d’un droit de visite d’un ascendant ou d’un tiers non parent, autant de situations ayant un impact direct sur la vie des enfants que le JAF doit analyser.

L’article 373-2-12 du Code civil prévoit qu’avant toute décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, le juge peut donner mission à toute personne qualifiée d’effectuer une enquête sociale.

Une liste des enquêteurs sociaux ayant vocation à être désignés en application des articles 1072, 1171 et 1221 du Code de procédure civile, est dressée tous les cinq ans dans le ressort de chaque Cour d’appel.

Le décret n°2009-265 du 12 mars 2009 stipule que l’enquêteur social doit avoir moins de 70 ans, et avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité, notamment dans le domaine social ou psychologique en relation avec l’objet des enquêtes sociales.

L’article 1 al 3 du décret stipule aussi que le juge peut le cas échéant désigner toute autre personne qualifiée de son choix.

Aucune précision n’est toutefois apportée sur la qualification.

Il n’existe pas actuellement de diplôme d’Etat ou de diplôme spécialisé. Pourtant l’enquêteur social doit cumuler dans l’exercice de sa mission des connaissances juridiques, sociales et psychologiques.

Le juge aux affaires familiales peut ordonner d’office une enquête sociale lors d’une audience de tentative de conciliation d’une procédure de divorce, lors d’une audience d’incident, lors d’un référé JAF, ou d’une requête JAF.

Les parties peuvent solliciter aussi une enquête sociale.

Le juge aux affaires familiales peut rejeter la demande des parties en motivant son refus.

L’article 1072 du Code de procédure civile indique que l’enquête sociale porte sur la situation de la famille ainsi que sur, le cas échéant, les possibilités de réalisation du projet des parents ou de l’un d’eux quand aux modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Elle donne lieu à un rapport où sont consignées les constatations faites par l’enquêteur et les solutions proposées par lui.

Le juge donne communication du rapport aux parties en leur fixant un délai dans lequel elles auront la faculté de demander un complément d’enquête ou une nouvelle enquête.

Après le dépôt du rapport d’enquête sociale, les parties et leurs avocats sont convoqués à nouveau devant le juge aux affaires familiales.

Comment est réalisée l’enquête sociale ?

L’enquête sociale est réalisée selon un référentiel d’actes prévu par le décret n° 2009-285 du 13 janvier 2011 et défini par l’ arrêté du 13 janvier 2011 du ministre de la justice.

L’article 2 de l’arrêté du 13 janvier 2011 emploie le terme de trame.

L’enquêteur social doit prendre l’initiative de recueillir tous les éléments visant à éclairer le juge. Il ne faut pas hésiter à compléter la trame jouant plus le rôle de guidelines.

Le caractère intrusif de l’enquête sociale peut être mal supporté.

L’enquêteur social doit expliquer les modalités du jugement avant-dire droit, de la mesure et de son intervention.

Il doit maîtriser les situations d’entretien. Anticiper sur les résistances et les rétentions d’informations.

L’enquêteur social doit réaliser deux entretiens avec chaque parent. Un entretien se déroule au domicile. Une difficulté se pose lorsqu’un parent habite hors du ressort du tribunal, à grande distance ou à l’étranger. Il faut en pratique missionner un autre intervenant. Se pose le problème de la méthodologie de l’enquête et de son unité sans parler des délais pendant lesquels la situation des parents et de l’enfant peuvent évoluer, rendant caduques certaines informations au moment du dépôt du rapport.

La tâche de l’enquêteur est difficile si un des parents est détenu, hospitalisé ou ne parlant pas français.

L’enquêteur social doit identifier la composition de la famille.

Reconstituer le parcours familial et social voire judiciaire des parents.

La nature de leurs activités professionnelles. S’ils travaillent à temps partiel, à temps complet, de jour ou de nuit. A quelle distance kilométrique de leur domicile.

Leur disponibilité.

Si les parents peuvent bénéficier d’une aide d’autrui pour les enfants.

Il doit connaître les caractéristiques de leur logement. Les conditions d’accueil des enfants.

La situation financière. Les ressources et les charges.

Le justiciable a tout intérêt avec l’aide de son avocat à lister les pièces afin de faciliter l’enquête sociale. Certaines attestations, certaines main-courantes, certains dépôts de plainte, peuvent éclairer l’enquêteur social.

L’enquêteur social et le dossier médical

La trame précise que l’enquêteur social doit prendre contact avec les médecins et les thérapeutes. Cette prise de contact peut se faire par courrier, par questionnaire ou par téléphone. Mais on imagine mal un médecin violer le secret professionnel par téléphone sans pouvoir identifier la qualité exacte de son interlocuteur.

Lorsqu’un des parents souffre d’une pathologie évoquée dans la procédure et susceptible d’avoir un impact sur ses droits, il est utile de transmettre certaines pièces à l’enquêteur social.

Le dossier médical unique n’existe pas. Le justiciable devra faire les démarches suffisamment à temps auprès de chaque professionnel médical concerné pour la communication de son dossier.

Concernant le dossier médical d’un mineur, peuvent consulter le dossier d’un patient mineur, le mineur lui-même et son représentant légal. Il incombe à ce dernier de transmettre à l’enquêteur social les informations médicales utiles.

Si le mineur reçoit des soins à l’insu de ses parents, il peut s’opposer à ce que le médecin communique son dossier. [1] L’enquêteur social ne bénéficiera d’aucune information dans ce cas.

Les pathologies psychiatriques, dépression, ou autres maladies, tentatives de suicide anciennes ou non, sont souvent des motifs de saisine du JAF. Par conséquent, le justiciable souhaitant communiquer à l’enquêteur social, des pièces médicales, démontrant une guérison, un état stable, une situation s’améliorant, une observance du traitement, un suivi spécifique, compatible avec la résidence d’un enfant ou avec un droit de visite et d’hébergement, doit respecter certaines règles pour récupérer son dossier médical.

En psychiatrie, en cas d’hospitalisation d’office ou sur demande d’un tiers, le détenteur des informations peut estimer que la communication doit avoir lieu par l’intermédiaire d’un médecin. Dans ce cas, il en informe l’intéressé. Si le demandeur refuse de désigner un praticien, le détenteur des informations saisit la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Le demandeur peut également saisir cette commission de son côté. L’avis de celle-ci est notifié au demandeur et au détenteur des données. Il s’impose à eux conformément à l’article L.1111-7 du Code de la santé publique.

Le concubin

L’enquêteur doit rencontrer le concubin éventuel. Vérifier dans la mesure du possible son parcours et dresser un profil. Eventuellement rencontrer les enfants du concubin vivant au domicile commun et les enfants vivant au foyer de l’ex-concubin s’il bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement en tant que tiers non parent, sur le fondement de l’article 371-4 du Code civil.

L’audition des enfants reste la tâche la plus sensible et la plus complexe.

L’audition de l’enfant par l’enquêteur social

Le juge aux affaires familiales peut en effet décider d’auditionner l’enfant lui-même dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil mais aussi d’attribuer cette mission à l’enquêteur social.

L’enquêteur social doit prendre contact avec les enseignants, la protection maternelle et infantile, les thérapeutes.

L’enfant doit avoir la capacité de discernement. Aucun seuil d’âge n’est prévu par la loi. L’enfant est un enjeu pour beaucoup de parents. Il est fréquemment dans un conflit de loyauté. Dans une position d’arbitre. Potentiellement manipulable. Il faut amener l’enfant à parler de sa vie familiale, de son environnement. De ses copains. De ce qu’il aime, de ce qu’il n’aime pas.

L’enquêteur social doit dire à l’enfant que ses déclarations peuvent ne pas être retranscrites ou seulement partiellement s’il le souhaite.

Le climat de confiance est indispensable pour recueillir la parole de l’enfant.

Concernant les adolescents, l’enquêteur social doit être à même de remarquer une conduite à risques potentiellement plus grande chez l’un ou l’autre des parents.

L’enquêteur social et le juge des enfants

Le juge des enfants est parfois amené à prendre certaines mesures de protection d’un mineur concerné par une enquête sociale.

La communication des pièces n’est pas des plus aisées.

L’article 1187-1 du Code de procédure civile dit en effet que le juge des enfants communique au juge aux affaires familiales ou au juge des tutelles, les pièces qu’ils sollicitent quand les parties à la procédure devant ces derniers ont qualité pour consulter le dossier.

Le juge des enfants peut ne pas transmettre certaines pièces lorsque leur production ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers.

Conformément aux articles 1072-2 et 1321-2 du Code de procédure civile, le juge aux affaires familiales ou le juge des tutelles transmettent copie de leur décision au juge des enfants ainsi que de toute pièce que ce dernier estime utile.

Le juge des enfants a donc un pouvoir d’appréciation dans la communication des pièces au juge aux affaires familiales alors que ce dernier doit communiquer l’intégralité de son dossier au juge des enfants.

L’enquêteur social doit pouvoir se repérer dans les procédures parallèles devant le juge aux affaires familiales et le juge des enfants. Il doit être informé d’une procédure devant le juge des enfants.

Le juge aux affaires familiales doit l’orienter et faire le point avec lui à chaque fois qu’il le demande même si les emplois du temps sont surchargés.

L’objectif est que l’enquêteur social bénéficie de toutes les informations nécessaires pour faire des propositions au juge aux affaires familiales.

L’enquête sociale dans la cause du divorce

L’article 373-2-12 du code civil interdit d’utiliser l’enquête sociale dans la cause du divorce alors que les conclusions d’une expertise médico-psychologiques peuvent être utilisées au titre des causes de divorce en tant que griefs ou autres.

Le secret professionnel

L’enquêteur social, indépendant, objectif, est tenu en outre au secret professionnel conformément à l’article 226-13 du code pénal.

Le coût d’une enquête sociale

Les décrets n°2009-285 du 12 mars 2009 et n°2013-770 du 26 août 2013 fixent les tarifications des enquêtes sociales. La rémunération des enquêteurs sociale est très disproportionnée par rapport à ce qu’on exige d’eux. D’où les difficultés de les recruter et de les conserver.

La demande de contre-enquête ou d’une nouvelle enquête

L’article 373-2-12 du Code Civil permet à une partie de solliciter une contre-enquête ou une nouvelle enquête.

Mais le juge n’est pas tenu d’y faire droit.

Il faut motiver la demande de contre-enquête et de nouvelle enquête. Il faut prouver par exemple que l’avis de certaines personnes aurait dû être sollicité. Ou apporter la preuve d’une mauvaise appréciation de certains éléments. Ou bien des évolutions très importantes de la situation rendant caduques les propositions de l’enquêteur social. Ou bien des confusions dans les états-civils et des erreurs de rédaction. Ou bien un parti pris et une absence d’objectivité. L’enquêteur social peut être récusé dès sa nomination si son professionnalisme est défaillant.

L’article 276 du Code de Procédure Civile dit que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Certains enquêteurs sociaux adressent aux parties un pré-rapport, permettant d’affiner certains points.

Quand les parties considèrent qu’elles ont été entendues, et que leurs observations ont été prises en considération, le rapport d’enquête sociale est beaucoup mieux appréhendé et accepté.

Les demandes de contre-enquête et de nouvelle enquête sont alors peu fréquentes.

Le rapport d’enquête sociale est une étape primordiale dans une procédure. L’enquêteur social doit analyser la problématique du dossier. Confronter la position de chaque parent.

Le juge attend ses propositions.

Mais le magistrat n’est pas lié. Il peut ne pas suivre les conclusions de l’enquêteur social, parfois trop prudentes ou peu motivées.

L’audition de l’enfant dans le cadre du nouveau divorce par consentement mutuel.

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle a créé l’article 229-1 du code civil, instituant le divorce par consentement mutuel par acte sous-signature privée contresigné par avocats, déposé au rand de minutes d’un notaire.

On se rapportera à la loi et à sa circulaire d’application du 26 janvier 2017 pour bien comprendre les subtilités de cette nouvelle procédure.

Retenons que dans ce texte, le juge aux affaires familiales n’intervient plus. Il n’a plus le pouvoir d’homologation de la convention de divorce. Il ne contrôle plus l’équilibre des clauses et ne pourra plus exiger une modification.
Chose courante que tous les praticiens redoutaient, le juge ajournait l’audience et sollicitait une nouvelle convention lorsque le respect des droits des enfants ou de l’un ou l’autre conjoint ne lui semblait pas conforme à la loi. Dorénavant, les avocats sont en première ligne.

Les époux ne vont plus au tribunal mais chez un notaire, accompagné chacun par leur propre avocat. Les deux avocats préparent les conventions de divorce qu’ils déposent au rang des minutes du notaire.
L’article 229-2 du code civil précise « que les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition par le juge ».

La circulaire précise à son tour que « sont également exclus de cette forme de divorce les époux dont l’un au moins des enfants mineurs, concerné par les conséquences du divorce telles qu’envisagées par ses parents, demande à être entendu par le juge dans les conditions du nouvel article 1148-2 alinéa 1 du code de procédure civile ».

Rappelons l’article 3.1 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 :
« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

L’article 388-1 du code civil, reproduit en fin d’article, dit que le mineur peut être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Il peut donc s’agir d’un enquêteur social dont on a vu plus haut les modalités d’intervention et les prérogatives.

La précision que le mineur a bien été informé :
L’article 229-3 du code civil énonce les mentions obligatoires de la convention ainsi que ses annexes, à peine de nullité de la convention. Il faut indiquer que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 du code civil et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

Les conséquences procédurales d’une demande d’audition par un enfant :
« En cas de demande d’audition, la procédure de divorce par consentement mutuel prévue à l’article 229-1 du code civil est fermée aux époux. Ils peuvent saisir le juge conformément aux articles 1088 à 1092 du code de procédure civile ».

Aucun âge minimum pour l’information de l’enfant :
« Le choix a été fait de ne pas fixer d’âge minimum pour l’information de l’enfant mineur dans le cadre de cette procédure à l’instar de ce qui existe pour les autres procédures le concernant ».

Une appréciation personnelle du discernement :
« Le discernement devra donc faire l’objet d’une appréciation personnelle de la part des parents, prenant en compte plusieurs critères, à savoir, l’âge, la maturité et le degré de compréhension de leur enfant au regard de l’objectif d’information de ce formulaire ».

Rappelons l’article 27-2 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant parmi beaucoup d’autres textes : « C’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant ».

Et si l’enfant n’a pas de discernement ?
L’article 1144-2 du code de procédure civile précise « que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement. »

La circulaire dit ce que les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt seront facilitées.
Le notaire est donc chargé des vérifications formelles.

Le formulaire informant le mineur de son droit à être entendu :
La circulaire explique « qu’en vertu de l’article 1144 du code de procédure civile, l’information prévue à l’article 229-2 du code civil est délivrée au moyen d’un formulaire dont le modèle est fixé par l’arrêté du 28 décembre 2016 à destination de chaque enfant mineur commun, dans les conditions de l’article 388-1 du code civil, c’est-à-dire capable de discernement ».

Le formulaire d’information a un double objectif : donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit et permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de la mention prévue à l’article 229-3-6° du code civil.

Le formulaire d’information daté et signé par l’enfant :
La circulaire précise que « le formulaire d’information doit être daté et signé par l’enfant. Outre ces mentions, l’enfant complète le formulaire en cochant une case, afin d’indiquer s’il souhaite, ou non, être entendu par le juge. Les informations relatives à son identité peuvent être remplies par l’enfant lui-même ou par ses parents » (voir le formulaire reproduit dans la note ci-après : [2]).

La circulaire expose deux hypothèses pour l’enfant capable de discernement :
« soit il sait lire et le formulaire complète alors l’information dispensée par les parents.
soit il ne sait pas lire et il revient alors à ses parents de le lui lire et de lui expliquer les mentions en termes compréhensibles, en fonction de sa maturité
 ».

La force probante de la signature du mineur :
La circulaire indique que « la signature du mineur, qui n’est pas prévue à peine de nullité et dont la valeur est analogue à celle apposée sur les règlements scolaires par exemple, n’aura pas de force probante quant à la capacité de discernement de ce dernier, de sorte que cet élément reste, dans ce nouveau dispositif, soumis à l’appréciation du seul juge en cas de demande d’audition. »

Pas de formulaire rempli en l’absence de discernement de l’enfant :
La circulaire indique qu’en « l’absence de discernement, aucun formulaire ne sera remis à l’enfant. L’article 1144-2 du code de procédure civile impose aux parents de mentionner dans la convention que l’information prévue au 1° de l’article 229 du code civil n’a pas été donnée en l’absence de discernement de l’enfant mineur concerné. »

Si l’enfant est incapable de signer physiquement :
La circulaire indique qu’en « ce qui concerne le cas particulier des mineurs dotés de discernement mais incapables physiquement de signer le formulaire, les deux parents signeront le formulaire en précisant que leur enfant est dans l’incapacité physique de le faire ».

La mission de l’avocat :
La circulaire précise qu’il « appartient à l’avocat de s’assurer que l’ensemble des formulaires d’information destinés aux enfants mineurs capables de discernement sont annexés à la convention lors de la transmission au notaire, ce dernier ne pouvant procéder à ce dépôt, ne serait-ce qu’en l’absence d’un seul formulaire dans le cas d’une fratrie ».
Questions : Ne lui incombe-t-il pas même si la circulaire ne le rappelle pas expressément, de vérifier le discernement de l’enfant ? Aura-t-il assez d’objectivité ?

Eviter les pressions sur les enfants :
La circulaire précise « qu’afin d’éviter toute pression sur l’enfant qui demande à être entendu, la procédure prévue par l’article 229-1 du code civil n’est plus possible dès que cette demande est faite dans les conditions de l’article 1148-2 du code de procédure civile, ce qui inclut l’hypothèse où l’enfant reviendrait ensuite sur son souhait d’être entendu pour y renoncer ».

A quel moment peut être faite la demande d’audition ?
La circulaire précise que « la demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire ».

Conclusion.

Une procédure devant le JAF n’est pas des plus simples et en aucun cas stéréotypée.
Chaque affaire, dont la spécificité peut nécessiter une enquête sociale, est unique et doit être traitée ainsi.
L’’enquête sociale, si elle est bien faite, reste un excellent moyen d’explorer l’environnement de l’enfant.
Les compétences humaines des professionnels sont aussi importantes que les compétences juridiques.
Précisons aussi que l’enquête sociale peut être doublée d’une enquête médico-psychologique, voire psychiatrique, dans les dossiers complexes, évolutifs, exigeant un suivi. Le droit de la famille et des enfants évoluera encore.

La nouvelle loi sur le divorce venant d’être adoptée, nous ne savons pas si les juges aux affaires familiales privilégieront les enquêtes sociales suite aux demandes d’audition des enfants. Tout dépendra du contexte humain et juridique.
Quelle raison peut en effet pousser un enfant à « stopper » la procédure de divorce par consentement mutuel sinon un événement impactant gravement sa vie actuelle ou future ? Le juge aux affaires familiales pourrait constater que les divorces par consentement mutuel sont bien moins consensuels qu’on ne le dit.

Compte tenu aussi du droit international de l’enfant, un troisième personnage pourrait faire son entrée dans la nouvelle procédure de divorce : l’avocat de l’enfant.
La parole de l’enfant, doté du discernement, serait « recueillie » autrement que dans une case d’un formulaire rempli la plupart du temps par les parents. L’intérêt supérieur de l’enfant doit en effet rester la priorité absolue de toute réforme du droit de la famille.

De nombreux progrès sont à faire, comme par exemple, redonner à la Défenseure des enfants, son statut d’autorité indépendante perdue en 2011. Une piste parmi beaucoup d’autres, car le travail ne manque pas…

Bibliographie indicative :
- Article 388-1 du code civil : Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.
L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.
- Article 1148-2 du code de procédure civile
Dès qu’un enfant mineur manifeste son souhait d’être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1du code civil, la juridiction peut être saisie selon les modalités prévues aux articles 1088 à 1092.

Les époux peuvent également, jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire, saisir la juridiction d’une demande de séparation de corps ou de divorce judiciaire dans les conditions prévues aux articles 1106 et 1107.

- Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle ;
- Décret n°2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale ;
- Arrêté du 28 décembre 2016 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ;
- Circulaire d’application de la loi du 18 novembre 2016 du 26 janvier 2017 ;
Décret n°2009-285 du 12 mars 2009 relatif aux enquêteurs sociaux et à la tarification des enquêtes sociales en matière civile ;
- Décret n°2011-54 du 13 janvier 2011 modifiant le décret n°2009-265 du 12 mars 2009 relatif aux enquêteurs sociaux et à la tarification des enquêtes sociales en matière civile ;
- Arrêté du 13 janvier 2011 définissant le référentiel des diligences à accomplir en matière d’enquête sociale ordonnée par le juge aux affaires familiales ;
- Décret n°2013-770 du 26 août 2013 relatif aux frais de justice.

Vincent Ricouleau Professeur de droit -Vietnam - Titulaire du CAPA - Expert en formation pour Avocats Sans Frontières - Titulaire du DU de Psychiatrie (Paris 5), du DU de Traumatismes Crâniens des enfants et des adolescents (Paris 6), du DU d\\\'évaluation des traumatisés crâniens, (Versailles) et du DU de prise en charge des urgences médico-chirurgicales (Paris 5)

[1Article L.111-7 du Code de la Santé Publique.

[2L’arrêté ministériel du 28 décembre 2016 prévoit de laisser l’enfant remplir un document pré-imprimé qui se présente de la manière suivante :
Je m’appelle [prénoms et nom]
Je suis né(e) le [date de naissance]
Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être entendu(e), par le juge ou par une personne désignée par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte pour l’organisation de mes relations avec mes parents qui souhaitent divorcer.
Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être assisté(e) d’un avocat.
Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou une personne de mon choix et qu’il sera rendu compte de cette audition à mes parents.
J’ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi du divorce de mes parents.
Je souhaite être entendu(e)
OUI NON
Date
Signature de l’enfant

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