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L’ordonnance pénale : procédure de jugement simplifié ou simplification des droits de la défense ? Par Ronit Antebi, Avocat.
Parution : jeudi 26 février 2015
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En quoi consiste l’ordonnance pénale ?

L’article 495-1 du Code de procédure pénale dispose que le ministère public qui choisit la procédure simplifiée communique au président du tribunal le dossier de la poursuite et ses réquisitions.

Le président statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation à une amende ainsi que, le cas échéant, à une ou plusieurs peines complémentaires. Le montant maximal de l’amende pouvant être prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 €.

L’article 495-2-1 prescrit que lorsque la victime a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale. S’il ne peut statuer sur cette demande, il renvoie le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils.

Dès qu’elle est rendue, l’ordonnance pénale est transmise au ministère public qui, dans les dix jours, peut soit former opposition par déclaration au greffe du tribunal, soit en poursuivre l’exécution.

Cette ordonnance est portée à la connaissance du prévenu par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle peut également être portée à la connaissance du prévenu par le procureur de la République, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée.

Le prévenu est informé qu’il dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition à l’ordonnance, que cette opposition peut être limitée aux dispositions civiles ou pénales de l’ordonnance lorsqu’il a été statué sur une demande présentée par la victime et qu’elle permettra que l’affaire fasse l’objet d’un débat contradictoire et public devant le tribunal correctionnel, au cours duquel il pourra être assisté par un avocat, dont il pourra demander la commission d’office. Le prévenu est également informé que le tribunal correctionnel, s’il l’estime coupable des faits qui lui sont reprochés, aura la possibilité de prononcer contre lui une peine d’emprisonnement si celle-ci est encourue pour le délit ayant fait l’objet de l’ordonnance.

En l’absence d’opposition, l’ordonnance est exécutée de la même façon qu’un jugement correctionnel.

En cas d’opposition formée par le ministère public ou par le prévenu, l’affaire est portée à l’audience du tribunal correctionnel.

Cette procédure qui se veut rapide et simplifiée présente-elle des failles ?

En pratique, cette procédure est largement utilisée en matière de conduite sous l’empire d’un état alcoolique lorsque le taux d’alcoolémie n’est pas supérieur à 0,40 mg par litre d’air expiré.

Les policiers procèdent à l’interpellation du mis en cause, l’interrogent sur sa situation personnelle et sur son niveau de ressources.

Le Procureur requiert une peine principale (amende) et une ou des peines accessoires (ex : stage de sensibilisation, suspension du permis de conduire).

Le président prend connaissance des réquisitions du Procureur et prend par ordonnance une décision de condamnation.

Le mis en cause reçoit par courrier recommandé ar une convocation à se rendre à une audience au cours de laquelle le Président appelle les affaires à tour de rôle et demande au mis en cause de « signer là ».

Ensuite, le condamné est conduit librement vers le bureau de l’exécution qui lui notifie ladite ordonnance et lui indique les modalités d’exécution des peines et de voie d’opposition.

Concrètement, le condamné est invité à régler l’amende à la trésorerie avec le bénéfice d’une minoration de 20 % en cas de règlement avant l’expiration d’un délai de 30 jours.

Puis il est invité à appeler la Préfecture afin qu’il soit avisé des modalités relatives à la perte automatique de points.

Concrètement, les avocats peuvent se rendre à l’évidence qu’avec ce type de procédure, qui se veut simplifiée, et qui vise en réalité à désengorger les tribunaux, les droits de la défense s’avèrent amenuisés. En effet, l’ordonnance pénale est rendue sans audience ni débat contradictoire. L’avocat n’a pas la possibilité d’expliquer la situation personnelle de son client, ni de produire une pièce en faveur de la défense, ni de plaider.

On s’aperçoit que lorsque dans le cadre de l’enquête policière, l’individu est interrogé sur ses ressources et son métier, cette question ne vaut en réalité que pour aider le procureur à déterminer le montant de l’amende.

Certes, il est une voie d’opposition, qui permet de faire en sorte que l’affaire soit plaidée en audience correctionnelle. Toutefois, en pratique, cette voie de droit n’est usitée qu’en cas de vice de procédure avéré ou lorsqu’il est fait recours à la procédure simplifiée dans le cas d’une infraction qui ne serait pas visée par les textes de la procédure pénale.

En effet, la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes : délit de vol prévu à l’article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu à l’article 321-1 du même code ; délit de filouterie prévu à l’article 313-5 du même code ; délits de détournement de gage ou d’objet saisi prévus aux articles 314-5 et 314-6 du même code ; délits de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public prévus à l’article 322-1 et aux premier alinéa et 2° de l’article 322-2 du même code ; délit de fuite prévu à l’article 434-10 du même code, lorsqu’il est commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule ; délit de vente à la sauvette prévu aux articles 446-1 et 446-2 du même code ; délits prévus par le code de la route ; délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ; délit d’usage de produits stupéfiants prévu au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ; délit d’occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d’habitation prévu à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ; délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne ; délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ; délits de port ou transport d’armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d’Etat prévus à l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure.

Heureusement le législateur prévoit l’exclusion de l’ordonnance pénale pour les délits plus graves :

III.- La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale n’est pas applicable :
1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l’infraction ;
2° Si la victime a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance prévue à l’article 495-1 du présent code ;
3° Si le délit a été commis en même temps qu’un délit ou qu’une contravention pour lequel la procédure d’ordonnance pénale n’est pas prévue ;
4° Si les faits ont été commis en état de récidive légale.

L’opposition est également envisageable lorsque l’individu est sur le point de terminer un stage de sensibilisation pour récupérer des points ; ainsi, en formulant cette opposition, il gagne du temps car il faut attendre que le greffe le convoque devant le tribunal correctionnel.

Cette procédure simplifiée permet en général d’aboutir à des peines modérées (pas de peine d’emprisonnement). Mais la sanction est prononcée selon un processus qui se veut quai-automatique, hors la présence de l’avocat, ce qui peut dans certains cas être préjudiciable aux droits de la défense.

Par Maître Ronit Antebi Avocat à Cannes - Barreau de Grasse http://www.avocat-antebi.fr/
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