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Prêt immobilier, année civile et taux d’intérêts. Par Benjamin Blanc, Avocat.
Parution : mardi 10 mars 2015
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Les prêts immobiliers ressortent de la catégorie générique des prêts de consommation à intérêts des articles 1905 et suivants du Code civil et des prêts immobiliers sis aux articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation.

L’article 1907 du Code Civil dispose que :

« L’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi toutes les fois que la loi ne le prohibe pas.
Le taux d’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit
. »

L’article R.313-1 du code de la consommation dispose quant à lui que :

« I.- [...]

Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d’au moins une décimale.

[...] »

Enfin, l’annexe à l’article R.313-1 du code de la consommation énonce que :

« [...]
c) L’écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d’années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,416 66 jours (c’est-à-dire 365/12), que l’année soit bissextile ou non.
d) Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d’au moins une décimale. Lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d’application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1.

[] »

Ces textes posent le principe de l’interdiction du « diviseur 360 » et notamment lors de la phase de préfinancement dans la mesure où les intérêts dus par l’emprunteur sont calculés au prorata temporis et au taux conventionnel.

Par un arrêt de principe du 19 juin 2013, la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation a énoncé que :

« Vu l’article 1907, alinéa 2 ; du Code Civil, ensemble les articles L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du code de la consommation ;
Attendu qu’en application combinée de ces textes, le taux d’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile []
 » [1].

Cette jurisprudence, initiée dès 1995, confirmée en 2006 puis en 2009, est désormais appliquée par de nombreuses juridictions et a reçu notamment écho par la Cour d’appel de Grenoble qui par arrêt du 9 décembre 2014 a jugé que :

« Il résulte des dispositions combinées de l’article 1907, alinéa 2 du Code Civil et des articles L.313-1, L.313-2 er R.313-2 du Code de la Consommation, que le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base d’une année civile.
[]

C’est donc à bon droit que le premier juge, après avoir constaté que les intérêts avaient été calculés pour les deux prêts sur la base de l’année dite « lombarde », soit 360 jours, et non sur celle d’une année civile et considéré à juste titre que la BanqueE Populaire des Alpes ne pouvait se prévaloir, au regard du caractère d’ordre public des dispositions des articles L.313-1 et R.313-1 du code de la consommation, des stipulations contractuelles prévoyant le calcul sur 360 jours, a prononcé pour chacun des prêts la substitution de l’intérêt au taux légal à l’intérêt au taux conventionnel et dit que les sommes perçues par le prêteur au titre des intérêts devaient être imputées sur le solde dû  ». [2]

Or certains contrats de prêt stipulent toujours que :

« Durant le préfinancement, les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, au taux d’intérêt indiqué ci-dessus sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.
Durant la phase d’amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, au taux d’intérêt indiqué ci-dessus sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours
 ».

Force est dès lors de constater, tant au regard de la loi que de la jurisprudence, que le taux d’intérêts des contrats de prêts ainsi stipulé ne répond pas aux prescriptions d’ordre public.
Le taux conventionnel est en effet calculé sur la base d’une année de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.

La sanction retenue à l’encontre de la banque qui pratique le « diviseur 360 » afin de calculer le taux d’intérêt conventionnel est la substitution de l’intérêt légal aux intérêts conventionnels et ce dès l’origine des prêts.

Benjamin BLANC Avocat à la Cour bblanc-avocat.fr

[1Cass. Civ. 1ère, 19/06/2013, n°12-16651

[2Grenoble, 2ième Chambre civile, 09/12/2014, RG n°14/03199

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