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Kafala algérienne et marocaine en France : exequatur de la naturalisation et de l’adoption. Par Messaouda Gacem, Avocat.
Parution : jeudi 26 mars 2015
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La kafala algérienne et marocaine ; son obtention, sa réception en France avec ou sans exequatur, ses effets en termes de naturalisation et d’adoption.

I-La Kafala

La décision judiciaire de recueil légal est, comme toute décision relative à l’état des personnes, reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée.

En droit musulman, l’adoption est prohibée mais il existe la kafala : recueil d’un enfant possible jusqu’à sa majorité. En Algérie la majorité est de 19 ans et au Maroc de 18 ans et pour les filles jusqu’à à leur mariage ou autonomie financière. Cela s’apparente à la délégation d’autorité parentale ou tutelle.
La personne ou le couple qui accueillent sont nommés « kafil ». Ils ont pour obligation d’assurer bénévolement son éducation et son entretien. Ils doivent être musulmans ou au moins un membre du couple. Ils doivent être en capacité d’assumer la charge de l’entretien de l’enfant.

La kafala peut être notariale c’est-à-dire établie par adoul ou judiciaire. Il y a aussi celle établie par adoul et homologuée par le juge qui entre dans la catégorie des kafala judiciaires mais dont le contrôle par le juge français sera plus poussé.
La décision judiciaire de recueil légal est, comme toute décision relative à l’état des personnes, reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée.

Dès lors qu’elle est judiciaire, elle produit ses effets en France de plein droit et ne devrait pas faire l’objet d’une exequatur. Mais il n’est pas rare que les administrations ignorant cette institution exigent cette exequatur qui peut rester nécessaire pour valider la kafala.

Espérons que la circulaire du 22 octobre 2014 aura pour effet de ne pas exiger sans raison l’exéquatur.
Néanmoins afin de confirmer ses effets en France, le recours à l’exéquatur est nécessaire parfois.

II- L’exequatur de la Kalafa

Pour accorder l’exequatur en dehors de toute convention internationale, le juge français doit s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure et l’absence de fraude ; le juge de l’exequatur n’a donc pas à vérifier que la loi appliquée par le juge étranger est celle désignée par la règle de conflit de lois française.

Pour l’obtenir l’exequatur des kafalas marocaine et algérienne il faut se référer aux conventions de coopération signées par la France avec ces deux pays : la Convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957 et la Convention franco-algérienne relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964.

Selon ses conventions, le demandeur à l’exequatur doit établir que son jugement a autorité de la chose jugée ( jugement signifié et définitif).
Une fois l’exéquatur obtenu elle produit ses effets au regard notamment du titre de séjour qui peut ainsi être délivré.
L’enfant ne peut pas être adopté car le droit applicable est celui de droit musulman qui prohibe l’adoption.

L’enfant peut en revanche être naturalisé selon les dispositions de l’article 21-12 du Code civil s’il a été recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française.
Devenant français, il n’est plus soumis au droit algérien et marocain et l’interdiction de son adoption ne s’applique plus.

III- L’ adoption d’un enfant recueilli

Une fois devenu français, ce sont les règles françaises de l’adoption qui s’appliquent : notamment les articles 348 et suivants du Code civil.

Le recueil du consentement des parents d’origine imposé par la loi française conduit alors à distinguer la situation de l’enfant abandonné ou orphelin de celle où ses parents d’origine sont connus et vivants. Dans ce dernier cas leur consentement est nécessaire pour l’adoption plénière.

Mais des parents pourront-ils consentir à une institution prohibée selon leur droit. Pour le directeur algérien des affaires civiles, les parents algériens ne peuvent, en aucun cas, s’extraire de la kafala et consentir l’adoption de leur enfant.

Lorsque les père et mère de l’enfant sont décédés, dans l’impossibilité de manifester leur volonté ou s’ils ont perdu leurs droits d’autorité parentale, le consentement est donné par le conseil de famille, après avis de la personne qui, dans les faits, prend soin de l’enfant et qu’il en est de même lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie [1] .

Pour adopter l’enfant recueilli par kafala, il faut commencer par saisir le juge des tutelles mineurs afin d’obtenir du conseil de famille son consentement.
Le conseil de famille, composé par le juge, comporte au moins quatre personnes qui manifestent un intérêt pour l’enfant.

Messaouda GACEM, Avocat au barreau de Bordeaux

[1article 348-2 code civil

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