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Les contours du déficit fonctionnel temporaire. Par Victoire de Bary, Avocat.
Parution : jeudi 2 avril 2015
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Le rapport remis par Monsieur DINTILHAC en 2005 et sur lequel se fondent les juridictions pour procéder à l’indemnisation des victimes prévoit que le déficit fonctionnel temporaire indemnise « l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à la consolidation  ».

Il rappelle ensuite que cette invalidité « correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que le rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituelle ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.)  ».

Seuls les postes correspondant aux souffrances endurées et au préjudice esthétique temporaire figurent ensuite dans le rapport pour constituer, à eux trois, les préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation).

Dans un arrêt du 11 décembre 2014 (pourvoi n°13-28774), la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation a rappelé que « le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique, intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période  ».

Elle considère donc que l’allocation d’une indemnisation au titre du préjudice sexuel temporaire fait double emploi avec l’indemnisation versée au titre du déficit fonctionnel temporaire.

De la même manière, dans un arrêt du 5 mars 2015 (pourvoi n°14-10758), la même chambre de la Cour a considéré que le préjudice moral – même exceptionnel – était également inclus dans le déficit fonctionnel temporaire.

Ainsi, au visa du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, la Cour a jugé que le préjudice moral, même exceptionnel, subi au cours de l’accident ou de l’agression, n’ouvre pas droit à une indemnisation distincte dès lors qu’il est pris en compte soit au titre du déficit fonctionnel temporaire, soit du pretium doloris qui inclut les souffrances psychiques.

La Cour retient en effet que « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément  ».

Ces deux décisions sont parfaitement conformes à ce que préconise le rapport DINTILHAC.

Pourtant, il y a lieu de s’interroger sur la rigueur de la Cour de Cassation dans la mise en œuvre d’un rapport qui n’a aucune portée normative.

Certes ces décisions sont rendues au visa du principe de la réparation intégrale du préjudice.

Mais il y a quelque chose de gênant à vouloir à tout prix faire entrer toutes les victimes dans les mêmes cases.

En outre, le déficit fonctionnel temporaire est indemnisé de façon forfaitaire, à l’aide d’un prix à la journée, ce qui interdit toute prise en compte de l’impact spécifique que peut avoir un évènement traumatique sur la vie de la victime.

Espérons que ces rappels de la Cour n’ont été faits que pour appeler à une modification de la nomenclature applicable ou, à tout le moins, à une réflexion sur cette question.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com