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Recours contre les tiers : action subrogatoire contre les tiers et les employeurs. Par Khaled Touati.
Parution : mardi 7 avril 2015
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L’action subrogatoire est un recours d’ordre judiciaire intenté par une personne physique ou morale et qui fait intervenir un tiers étant responsable d’un fait causé par lui, cette action tend à responsabiliser l’auteur du fait soit par une action judiciaire principale, soit au cours d’une instance intentée auparavant.

En vertu des dispositions législatives en matière de sécurité sociale, en l’occurrence la loi 08-08 du 23 février 2008 relative au contentieux en matière de sécurité sociale, trois catégories sont concernées par l’action subrogatoire :
• L’organisme de sécurité sociale
• L’assuré social
• Les ayants droit de l’assuré social.

La sécurité sociale, étant organisme de prestations servies au profit de son assuré social, peut recourir contre un tiers, lorsque ce dernier est l’auteur d’une faute entraînant un préjudice subi par un assuré social, à titre d’exemple, l’accident de voiture survenu pendant le trajet effectué par l’assuré social pour se rendre à son siège de travail ou en revenir, l’auteur de l’accident, déclaré fautif ou non, est placé sous la couverture de sa société d’assurance (organisme de prévoyance, compagnie d’assurance…..), ces derniers sont considérés comme assureurs complémentaires.
De ce fait, l’organisme de sécurité sociale est chargé de couvrir le risque accidentel causé à l’assuré, dans les conditions prévues par la loi 83-11, modifiée et complétée relative aux assurances sociales et la loi 83-13, modifiée et complétée, relative aux accidents de travail et aux maladies professionnelles.

Généralement, l’assuré social lorsqu’il est victime d’un accident causé par un tiers, la sécurité sociale prend en charge une réparation pécuniaire, versée dans le cadre de :
• Indemnités journalières,
• Prestations de santé,
• Pension d’invalidité

Assise juridique :
Si on se réfère à l’article 69 de la loi 08-08, le recours contre le tiers est une action d’interférence entre plusieurs parties, l’organisme de sécurité sociale et l’assuré social ou ses ayants droit contre le tiers ou l’employeur, tout dépend du cas généré :

1. Recours contre les tiers :

a ) Le recours intenté par l’organisme de sécurité sociale contre le tiers

L’organisme concerné par ce recours est la Caisse Nationale des Assurance Sociales CNAS, puisque la faute survient souvent dans les cas d’accidents de travail.

Dans l’exemple qu’on a précité, les prestations en espèces qui ont été versées à l’assuré social, font l’objet d’une action contre le tiers producteur de l’accident, de ce fait, il revient à l’organisme de sécurité sociale d’intenter son action en justice contre la compagnie d’assurance, dont l’auteur de l’accident fait partie, et non contre l’auteur lui-même, ce qui nous conduit à dire que les dirigeants et les personnes physiques ne sont pas responsables de leur patrimoine personnel, mais c’est la compagnie en qualité de personne morale qui est responsable.

b) Le recours intenté par l’assuré social ou ses ayants droit contre les tiers

L’article 124 du code civil algérien prévoit que tout acte quelconque de la personne qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
En vertu de cette disposition, l’assuré social lésé par un accident, peut demander une réparation civile (pretium doloris) et ce, après avoir intenter une action en justice, donc c’est le juge qui va apprécier, selon les circonstances des faits, le montant à verser à l’assuré social.

L’article 69 de la loi 08-08 prévoit que l’assuré social ou ses ayants droit engage le recours contre l’auteur de la faute pour une réparation complémentaire, il s’agit de l’assuré victime d’un accident de travail, ayant impliqué la responsabilité d’une personne autre que l’employeur, l’assuré social demande une réparation civile conformément aux procédures du droit commun, dans la mesure où cet accident n’est pas pris en charge par la loi régissant les accidents de travail.

2. Recours intenté par l’organisme de sécurité sociale conte l’employeur responsable par sa faute inexcusable ou intentionnelle :

L’article 71 de la loi 08-08 précitée, n’a pas donné une définition explicite de la faute inexcusable, la jurisprudence française (Cour de cassation, chambre sociale 1, du 11 avril 2002) qui a défini la faute inexcusable à travers le contrat de travail, l’employeur est tenu, envers son salarié, de s’acquitter de ses obligations en matière de sécurité de travail et de prévention contre les accidents de travail et les maladies professionnelles du fait de certains produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise, l’inadvertance causé par l’employeur ou son subalterne entraine la faute inexcusable, lorsque l’employeur ne rend pas compte du risque auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris toutes les mesures indispensable à l’incident survenu.
Pour ce qui est faute intentionnelle, se traduit par l’acte volontaire commis par l’employeur qui entraîne des lésions corporelles.

D’autre personnes peuvent être responsables de la faute inexcusable, la victime elle-même, mais ceci, n’épargne pas l’employeur d’assumer sa responsabilité, seule la faute intentionnelle de la victime qui exclut le droit aux indemnités journalières dans le cadre de l’application des dispositions prévues par les lois relatives aux accidents de travail et aux maladies professionnelles.

Les auteurs de la faute inexcusable :

En vertu de l’article 71 de la loi 08-08 relative au contentieux en matière de sécurité sociale, la faute inexcusable est imputable à l’employeur ou à son préposé, ce dernier se défini comme le salarié substitué dans la direction, c’est-à-dire la personne qui possède le pouvoir de décision de contrôle et de surveillance, à titre d’exemple le chef de chantier qui est responsable sur l’ensemble de ses ouvriers, les cadres qui détiennent le pouvoir d’ordonner.

Le préposé peut être une personne d’une autre entreprise, c’est le cas d’un projet confié à un sous traitant, ce dernier est considéré comme substitué de l’employeur.
A ce titre l’employeur demeure toujours responsable de l’application des règles prévues par la législation des accidents de travail comme la déclaration de l’accident dans les délais impartis.

Procédure de règlement amiable :

Conformément à l’article 76 de la loi 08-08, le salarié victime d’un accident de travail peut saisir l’organisme de sécurité sociale pour reconnaître la faute inexcusable de son employeur et ceci, par le règlement amiable qui intervient soit entre l’assuré social ou ses ayants droit et le tiers ou l’employeur.

La procédure du règlement amiable se réalise par un procès verbal qui doit être établi impérativement par l’organisme de sécurité sociale, il ne peut lui être opposé que lorsque celui-ci a participé et donnée son accord exprès, ce procès verbal peut avoir trois (03) formes :
• Procès verbal de carence, lorsqu’une partie ne se présente pas,
• Procès verbal de non conciliation, en cas d’absence d’accord,
• Procès verbal de conciliation, en cas d’accord.

Le procès verbal de conciliation, quelque soit le résultat abouti, doit mentionner deux éléments primordiaux sur lesquels porte la conciliation totale ou partielle :
• L’existence de la faute inexcusable,
• La fixation des réparations complémentaires dues à la victime.

Sur ces deux éléments, qui sont traités distinctement, le procès verbal doit mentionner les éléments qui ont étés mis en accord entre les parties, ceux qui ont fait l’objet d’un désaccord, peuvent être portés devant les juridictions compétentes.

Procédure contentieuse :

En l’absence d’un accord amiable entre l’organisme de sécurité sociale et la l’assuré sociale ou ses ayants droit, d’une part, et l’employeur, d’autre part, sur l’existence de la faute inexcusable imputée à ce dernier, ainsi que sur les réparations complémentaires dans les cas prévus aux articles 70 et 71 de loi 08-08 relative au contentieux en matière de sécurité sociale.
L’action en reconnaissance de faute inexcusable est intentée contre l’employeur étant responsable de la faute, en ce sens, le demandeur, soit l’assuré social ou ses ayants droit, sont tenus de faire intervenir forcement l’organisme de sécurité sociale, en l’absence d’initiative de ces derniers, l’organisme de sécurité social intervient dans l’action judiciaire volontairement, c’est-à-dire la caisse engage elle-même l’action (article 70 de la loi 08-08 précitée).

Les procédures de reconnaissance de la faute inexcusable sont exercées conformément aux dispositions prévues par le code de procédure civile et administrative à savoir :

a) L’action principale (requête introductive d’instance) :

Conformément à l’article 70 de la loi 08-08, l’organisme de sécurité sociale dirige son action judiciaire contre le tiers responsable, auteur de la faute qui a entraîné un préjudice à l’assuré social, en vue de se rembourser des sommes payées ou celles qu’il aura à payer à l’assuré social, et ce, devant la section sociale du tribunal territorialement compétent, en ce sens, l’organisme de sécurité sociale dispose d’une action récursoire contre le tiers responsable de la faute inexcusable.
Il se peut que l’action récursoire soit menée par l’employeur contre son substitué de la direction, dans le cas où ce dernier se rend responsable de la faute.

b) L’action en intervention volontaire :

L’article 73 de la loi 08-08 autorise l’assuré ou ses ayants droit d’intervenir dans l’action introduite par l’organisme de sécurité sociale contre le tiers ou l’employeur, conformément aux dispositions du code de procédure civile et administrative, en ce sens l’intervention menée par l’assuré social ou ses ayants droit est une intervention volontaire principale puisqu’elle élève une prétention à leur profit, dans l’intérêt de préserver leurs droits sociaux.

c) L’action en intervention forcé :

Dans le cas où l’assuré social ou ses ayants droit demande des réparations complémentaires aux tiers ou à l’employeur responsable de la faute, ils sont tenu de mettre en cause l’organisme de sécurité sociale dans l’instance (Art 72 aliénas 2 de la loi 08-08), et ceci, dans le cadre d’une intervention forcée, et par laquelle elle peut agir à titre principal.
La victime ou ses ayants droits, doivent citer l’organisme de sécurité sociale avant la clôture des plaidoiries.
Et pour la bonne administration de la justice, le juge peut ordonner, même d’office, la mise en cause de l’organisme de sécurité sociale, afin d’éclaircir toutes les équivoques qui peuvent survenir lors de l’instance.

TOUATI Khaled, Juriste