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L’achat de panneaux photovoltaïques pour revendre de l’électricité n’est pas nécessairement un acte de commerce. Par Gregory Rouland, Avocat.
Parution : vendredi 10 avril 2015
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Le 02 avril 2015, la Cour d’appel de Versailles a rendu une décision essentielle dans le cadre d’un contentieux conséquent. Elle a indiqué que l’achat à crédit d’un équipement photovoltaïque pour revendre de l’électricité est un acte civil et non acte commercial.

Deux époux font installer sur la toiture de leur maison des panneaux photovoltaïques pour produire de l’électricité et la revendre à EDF.

Cette opération est financée par un crédit. Certaines échéances n’ayant pas été honorées, les emprunteurs sont assignés par le prêteur en paiement devant le Tribunal d’Instance.

Mais, curieusement, ce dernier s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce, au motif que « l’achat de l’installation des panneaux photovoltaïques et son financement par le biais d’un prêt a pour finalité la réalisation d’un acte de commerce (production et vente d’énergie), même par des non-commerçants, de sorte que la compétence du tribunal d’instance est exclue. » !

L’argument ne manque pas de surprendre et la Cour d’appel de Versailles a été saisie sur le point de savoir si le Tribunal d’Instance est compétente en matière d’acquisition de panneaux photovoltaïques.

Pour sa part, le prêteur soutenait que l’achat de panneaux photovoltaïques constitue une opération commerciale et non un acte de consommation.

A l’appui de sa prétention, l’organisme de crédit prétend (entre autres) de manière fantasque que la loi n° 2008-108 du 10 février 2000 exigerait que la totalité de l’énergie produite par le propriétaire d’une installation photovoltaïque soit revendue à EDF.

Par conséquent, dans l’esprit du prêteur, quiconque fait poser des panneaux photovoltaïques sur son toit est un commerçant !

L’argument est d’une telle aberrance qu’il ne pouvait échapper à la sanction de la Cour d’appel de Versailles !

Ainsi, la Cour a indiqué que cette loi fait uniquement peser sur le distributeur d’électricité une obligation de rachat totale ou partielle de l’énergie produite pour les particuliers qui en font la demande et qui concluent alors un contrat avec le fournisseur d’énergie.

De fait, selon les juges, quiconque fait poser une installation photovoltaïque sur sa toiture peut produire de l’énergie pour son compte personnel et revendre le surplus à EDF.

D’ailleurs, les juges d’appel ont à juste titre indiqué que le raccordement au réseau ERDF, prévu par le contrat de vente, laisse supposer que les acquéreurs avaient envisagé l’option de revendre en totalité ou partiellement l’énergie produite par leur installation.

Enfin, les juges d’appel ont souligné à juste titre que les acquéreurs ne peuvent être considérés comme accomplissant des actes de commerce au sens de l’article L 110-1 du code de commerce disposant que :

« La loi répute actes de commerce : 1° tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre (...) 6° toute entreprise de fournitures . »

En effet, un acte de commerce par nature, telle que la vente d’énergie, a un caractère civil s’il n’est que l’accessoire d’une activité ou d’un acte civil, un particulier accomplissant habituellement des actes de nature civile.

Or, dans la présente affaire, les époux n’ont pas acquis des panneaux photovoltaïques pour les revendre. Au contraire, les époux ont été démarchés par une société qui leur a vendu des panneaux afin de produire de l’électricité et de la revendre en partie ou en totalité à EDF.

Pour autant cette revente ne peut être considérée comme un acte de commerce, car la revente de l’électricité était indépendante de la profession des acquéreurs, mais aussi parce que leur installation était beaucoup trop faible. Effectivement, une toiture de maison ne comprenant qu’une dizaine de panneaux n’est pas l’équivalent d’une toiture d’entreprise et n’est pas davantage une centrale qui permettrait d’alimenter une ville ou un village.

En conséquence, la Cour d’appel a annulé le jugement et indiqué que seul le Tribunal d’Instance devait connaître de l’affaire.

Cet arrêt servira utilement à quiconque prétend que l’achat à crédit d’un équipement photovoltaïque par des particuliers relève d’une activité commerciale.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]
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