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Pourquoi est-il difficile de défendre son client en tant qu’avocat pénaliste ?
Parution : lundi 4 mai 2015
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Le pénal est probablement la branche du droit la plus compliquée à exercer pour l’avocat. La difficulté pour nouer une relation avec le client, le manque de réactivité, les conditions d’exercice lors d’une garde à vue sont des facteurs rendant la défense du client particulièrement compliquée.
La rédaction du Village de la justice a rencontré Anita Rodamel, Avocate pénaliste au Barreau de Lyon, pour en savoir plus sur les difficultés de cette composante de la profession.

En tant qu’avocate pénaliste, pouvez-vous nous décrire en quoi consiste votre travail au quotidien ?

"L’avocat pénaliste a un quotidien très rythmé au cours duquel il doit réussir à conjuguer 4 types d’activité.

Il assure les permanences en Garde à vue (GAV) et en comparution immédiate. Cette dernière procédure consiste à représenter un client qui doit passer immédiatement devant le juge."

Comment cela se déroule t-il ?

"Le cabinet appelle le Tribunal le matin pour savoir si des affaires vont passer immédiatement devant le juge pour lesquelles les prévenus n’ont pas encore d’avocat. En cas de réponse positive, nous devons de suite nous déplacer au Tribunal pour récupérer le dossier et rencontrer le client avant qu’il ne soit présenté au procureur de la République. Cette rencontre est un passage préalable à l’audience au sein de laquelle le procureur va notifier officiellement à la personne mise en cause ce qui lui est reproché. Lors de cette phase, le travail de l’avocat est surtout d’assister son client, il n’y a pas d’observations à faire car elles se feront lors de l’audience. A cette étape de la procédure, nous sommes aux alentours de la mi-journée, il ne reste donc qu’environ 1h30 à l’avocat pour préparer sa plaidoirie car il est convoqué en début d’après-midi.

L’avocat pénaliste, comme tous les avocats, assure le suivi de ses dossiers et reçoit ses clients lors de rendez-vous. Ce moment est toujours l’occasion de prendre des nouvelles du client, de le rassurer et de faire le point sur leur dossier.

Entre les rendez-vous cabinets et les audiences, l’analyse du dossier et la rédaction des conclusions occupent une grande partie de notre temps. Il doit trouver quelle nullité, quel vice de procédure il est possible de soulever pour l’intérêt du client. En fonction de l’affaire, il cherche les moyens de défense les plus appropriés et réclame des pièces au client nécessaire pour sa défense.

Enfin, la représentation du client devant les Tribunaux pour les plaidoiries prend une grande place dans notre agenda."

Pouvez-vous nous expliquer les spécificités et particularités du droit pénal ?

« Une relation de confiance est très difficile à nouer car elle doit se développer en peu de temps avec des personnes qui sont souvent dans des situations de détresse »

"Une grande particularité du droit pénal réside dans la réactivité de l’avocat face aux événements. Il s’agit de la capacité à analyser rapidement un dossier pour avoir un aperçu des éléments favorables et/ou défavorables pour le client et en déterminer les conséquences juridiques. Lorsque nous apprenons qu’un client est en Garde à Vue (GAV), nous n’avons qu’un laps de temps très limité pour établir une stratégie pour le défendre.

Ce côté technique ne peut fonctionner qu’en instaurant une relation de confiance avec le client. Cette dernière est très difficile à nouer car elle doit se développer en peu de temps avec des personnes qui sont souvent dans des situations de détresse, soit parce qu’elles sont très jeunes, soit parce qu’elles vivent dans la rue ou soit parce qu’elles sont en rupture familiale ou professionnelle."

Humainement, est-ce dur de faire des GAV ou des comparutions immédiates, surtout lorsque vous voyez la détresse de vos clients ?

"En matière pénale, le client peut « jouer » une partie de sa vie. Mais, comme pour tout type de dossier, l’avocat doit savoir prendre du recul. Dans les autres pans de mon activité, j’ai aussi des situations qui sont humainement très difficiles. Travailler sur le placement d’un enfant ou avec un client que l’on soupçonne de viol ou d’agression sexuelle est difficile. Mais cela fait partie de la mission quotidienne de l’avocat et je crois que la composante humaine de la profession n’est pas propre qu’au droit pénal."

Est-il compliqué de défendre un client en GAV ?

« Il est difficile de préparer une défense efficace car l’avocat n’a pas accès au dossier... »

"Il est difficile de préparer une défense efficace car l’avocat n’a pas accès au dossier et va découvrir les éléments que possède la police qu’au travers des questions qui sont posées dans le cadre des interrogatoires. Durant les 30 minutes d’entretien que l’avocat a droit avec son client lors de chaque renouvellement de GAV, il va simplement pouvoir vérifier que les droits de son client aient bien été respectés. Mais il n’a aucune connaissance des informations que peuvent détenir les autorités. Il est donc très difficile d’anticiper les questions qui vont être posées.

Lors d’une GAV, les moyens d’intervention des avocats sont très limités. Ils ne peuvent faire leurs observations qu’à la fin de l’audition et n’ont pas le droit d’interrompre l’interrogatoire du policier."

Le client est-il à l’écoute de l’avocat ?

"Le premier entretien de 30 minutes est très important. Lorsque j’évoque les faits reprochés avec le client, je me permets souvent de le « recadrer » afin qu’il comprenne qu’il ne doit pas répondre à certaines questions.
En général, tout dépend des faits de l’espèce, du passé de l’individu et des implications en cause. Pour ce qui est de convaincre le client de ma stratégie, les personnes en GAV ont déjà l’habitude de la Justice et savent comment cela se passe. Ils voient très vite quel est leur intérêt notamment lorsque nous utilisons des mots qu’ils savent entendre."

Qu’est ce qui vous plait le plus dans votre profession ?

"La diversité ! Je possède un cabinet généraliste et j’interviens donc dans d’autres branches que le droit pénal. Mes domaines de compétence ont tous un point commun : la place de l’humain au centre de mes dossiers. Parmi mes clients, j’ai des personnes que j’ai assistées en droit pénal et qui sont revenues vers moi pour des dossiers non-pénaux, en droit de la famille ou en droit du travail par exemple. La dimension humaine est la composante de la profession qui m’intéresse le plus."

Propos recueillis par Réginald Le Plénier Rédaction du Village de la justice
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