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Bail commercial : la clause d’accession. Par Victoire de Bary, Avocate.
Parution : mercredi 6 mai 2015
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En fin de bail, le sort des améliorations et des constructions effectuées par le locataire au cours du bail est réglé par le Code civil.

Cela étant, ces dispositions n’étant pas d’ordre public, le bail prévoit fréquemment une clause dite « clause d’accession » qui règle le sort des améliorations et constructions effectuées par le locataire.

Cette clause permet de fixer les conditions dans lesquelles le bailleur va devenir de plein droit propriétaire des aménagements réalisés par le locataire, à ses frais, dans les lieux loués, lui permettant de conserver ces aménagements sans indemniser le locataire. Cela peut présenter un avantage pour le locataire qui n’aura alors pas à remettre en état les lieux loués.

Naturellement, lorsque le bailleur participe financièrement – directement ou indirectement (franchise de loyer, loyer réduit) – aux travaux du locataire s’analysant en des améliorations, il peut se prévaloir de cette modification de la chose louée.

Ainsi, le déplafonnement du loyer et l’intégration des travaux dans la valeur locative sont acquis dès le renouvellement du bail au cours duquel ces travaux ont été réalisés.

Lorsque le bailleur ne participe pas au financement des travaux, le principe résultant du code civil est qu’il bénéficie des améliorations à la fin du bail au cours duquel elles ont été réalisées [1] puisque tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire.

Cela avait conduit les bailleurs à se prévaloir de travaux réalisés par leurs preneurs pour obtenir un déplafonnement du loyer lors du 2ème renouvellement consécutif à la période de réalisation des travaux, étant suivis en cela par la jurisprudence [2].

Les clauses d’accession insérées dans les baux ont pour vocation de faire obstacle à l’appropriation par le bailleur des améliorations réalisées aux frais du preneur, mais également de permettre au bailleur de solliciter, à la fin des relations contractuelles, la remise en état.

Si cette clause du bail est rédigée avec clarté, la question de la date de l’accession ne posera pas de difficulté.

Ainsi, le bail prévoyant que l’accession a lieu en fin de jouissance permet d’écarter l’accession lors des éventuels renouvellements, seule la résiliation du bail la déclenchant.

Cela peut toutefois poser difficulté lorsque les travaux réalisés par le locataire transforment les lieux loués en un local monovalent (c’est-à-dire en un local ne pouvant être affecté à un autre usage sans transformations importantes ou onéreuses).

En effet, dans cette hypothèse, la clause d’accession en fin de jouissance empêche le bailleur de se prévaloir de la monovalence des locaux pour faire déplafonner le loyer d’un bail [3].

En revanche, dans le cadre de la location d’un terrain nu sur lequel le locataire s’engage à édifier une construction dont la propriété reviendra au bailleur en fin de jouissance, le refus de renouvellement du bailleur met fin au bail et lui permet de devenir propriétaire sans indemnité puisque le locataire est considéré comme évincé d’un terrain nu [4].

Ainsi, la clause prévoyant l’accession en fin de jouissance sans indemnité empêche un locataire évincé de réclamer, au titre de l’indemnité d’éviction, le coût d’un nouveau bâtiment pour sa réinstallation avec un nouveau bail (terrain nu).

Malheureusement, il n’est pas rare que les baux prévoient que l’accession aura lieu « en fin de bail  ».

Or, le renouvellement du bail suppose qu’il soit mis fin au bail initial.

Dès lors, que signifie ce terme ?

Dans une décision du 7 février 2007 [5], la Cour de Cassation a considéré que, lorsque la clause du bail portant sur l’accession ne précise pas clairement la date de cette accession, les juges du fond déterminent souverainement cette date en appréciant la commune intention des parties [6].

Dans ce même arrêt, la Cour relève la contradiction entre l’accession prévue en fin de bail et la possibilité offerte au bailleur de demander la remise en état.

Elle en déduit donc que la Cour d’Appel a pu valablement retenir « par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, la clause d’accession ne pouvait jouer qu’à la fin des relations contractuelles ».

De même, plus récemment, la Cour d’Appel de Paris a jugé [7] que les termes « en fin de bail  » s’interprètent comme signifiant « en fin de relations contractuelles  » à propos d’une clause prévoyant également la possibilité pour le bailleur de demander la destruction aux frais du preneur.

Dans cette affaire, il a été considéré que c’est à l’assureur du locataire d’indemniser les dommages matériels affectant les aménagements occasionnés par un dégât des eaux survenu après le renouvellement du bail, dès lors que le bailleur n’était pas encore devenu propriétaire de ces aménagements.

La clause d’accession prévue dans presque tous les baux commerciaux soulève donc de nombreuses questions et il convient d’être particulièrement attentif à sa rédaction selon que l’on est bailleur ou locataire.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com

[1articles 551 et suivants du code civil.

[2Civ. 3ème, 27 septembre 2006, n°05-13981, Bull. III, n°183, p 152 - CA Paris 7 février 2008 n°07-7733.

[3Civ. 3ème, 21 mai 2014, n°13-12592.

[4Civ. 3ème, 21 mai 2014, n°13-10257.

[5Civ. 3ème, 7 février 2007 n°05-21428.

[6voir également Civ. 3ème, 15 décembre 1993, n°91-11856.

[7CA Paris, 27 février 2013, n°11/05464.